Paris. En cette belle journée d’été de 1852, Charles Gleyre, successeur de l’illustre Paul Delaroche, explique à ses élèves comment rendre le drapé antique. Sanglé dans sa redingote, il arpente majestueusement l’atelier, corrige les esquisses des apprentis David, assouplit les plis malhabiles, redresse les perspectives incertaines, reprend les seins trop généreux ou cette marche improbable qui rompt le bel équilibre de la composition…
Les élèves suivent ses conseils paternels, mais quelques-uns d’entre eux, depuis longtemps, renâclent en silence. Le jeune Alfred Sisley, en particulier, n’a en tête que ses arbres pleins de sèves et de vie, des chemins sinueux et odorants, des champs doucement inclinés sous la lumière du jour et d’aquatiques surfaces où se baigne un ciel immensément pur…
Comment concilier tout cela avec les ors, les noirs, les pourpres, les colonnes et les péristyles du bon M. Gleyre ? Certes l’honnête professeur pousse parfois le libéralisme jusqu’à conseiller à ses élèves d’aller un peu – mais pas trop ! – faire quelques croquis dans les bois… mais comment accorder alors l’eau et le feu, les drapés impeccables et la vibration des lumières naturelles ? La tâche est décidément trop ardue, et Sisley, confronté à une telle contradiction, et placé dans l’impossibilité de donner libre cours à son amour passionné de la nature et son besoin de communion avec les éléments, fait son choix.
Il jette sa brosse par-dessus les moulins, détourne son regard du pantin musculeux qui sert de modèle aux élèves, figé dans une professionnelle immobilité, dit poliment au revoir à son maître et décide de partir dès le lendemain, à travers champs et forêts, faire l’école buissonnière, et planter son chevalet au milieu de cette paisible et lumineuse nature d’Ile de France qui l’appelle…
Il ne sait pas qu’en allant ainsi, par un acte de foi, à la rencontre du génie, il dit pour toujours adieu à la richesse, à la célébrité et aux bonheurs faciles…
Futur homme d’affaires, il part à Lonndres à 18 ans – Bloqué dans l’île de Wight, incapable de peindre – Violemment attaqué par un ami, il se rebelle – Anglais amoureux de la France, il ne parviendra jamais à se faire adopter – Ruiné par la guerre, il connaîtra la misère et l’oubli – Avant de mourir, il recommande ses enfants à Monet…
LA BARQUE PENDANT L’INONDATION, PORT MARLY
Pour Sisley, ce qui compte, c’est de rester indépendant : « Je suis pour la diversité de la facture dans le même tableau », écrit-il à un ami. Cette toile le prouve magistralement. Pour rendre le scintillement de l’eau et les reflets de la lumière, le peintre utilise la technique impressionniste des « petites touches » juxtaposées. Mais pour évoquer le ciel encore menaçant, il n’hésite pas à employer une manière plus « classique » qui détache nettement les nuages chargés de pluie. Les arbres forment un compromis entre les deux styles, leurs basses branches très dessinées s’opposant à l’envoi brumeux de leurs cimes. Le recours à ces factures en apparence contraires accentue avec bonheur l’impression d’étrangeté de cet univers envahi par les eaux.
1876 (50,5 x 61 cm), Musée d'Orsay, Paris.
Sisley naît à Paris le 30 octobre 1839 de parents Anglais issus de la bonne bourgeoisie. Son père, William Sisley, dirige une affaire d'exportation de fleurs artificielles avec l'Amérique du Sud. Sa mère, Felicia Sell, est plutôt attirée par la musique et la vie de société. Tout naturellement, ses parents l'envoient à Londres, à l’âge de dix-huit ans pour le destiner à une carrière commerciale. Pendant ces années d'apprentissage ( 1857-1862 ), il passe plus de temps à visiter les musées qu'à sa formation commerciale, et admire particulièrement les œuvres de Constable et Turner. De retour en France en 1861, il obtient de ses parents l'autorisation d'abandonner les affaires et peut alors se consacrer à l’art.
Le 8 octobre 1898, il a la douleur de perdre sa femme : c'est le coup de grâce. Sa santé se dégrade de plus en plus. Il n'a plus la force de se battre. Il souffre d’un cancer de la gorge. Des lettres à son docteur permettent de retracer jour après jour ce qui fut son calvaire de fin de vie. Il écrit deux semaines avant de mourir : « je suis rompu par la douleur et l’ennui d’une faiblesse que je n’ai plus l’énergie de combattre ». Il fait appeler Monet, lui recommande ses enfants et lui dit adieu. Il décède le 29 janvier 1899 dans sa maison et est enterré au cimetière de Moret le 1er février par un temps gris et froid. Renoir, Monet et Adolphe Tavernier sont venus de Paris…
Sources Grands peintres, éditions F. Magazine sa et Wikipedia.
Commentaires
bonsoir Armand,
très intéressant article sur Sisley.
A midi, nous avons eu notre repas de Noël du travail. C'était sympa.
Je te souhaite une bonne fin de journée. Bisou
petite visite poour te souhaiter un très bon après-midi chez nous c'est la pluie à la place de la neige prévue!! de gros bizzzous