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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 16-02-2012 à 07:45:06

ÉVOLUTION SPIRITUELLE

 

 

 

 

          Répondre à cette question me paraît très iconoclaste au grade de Maître pour ne pas dire prétentieuse. Comment un Franc-Maçon peut-il s’exprimer dans le « Je » sans faire participer le « nous ». Comment pourras-je constater une évolution sans faire participer les nombreux miroirs qui ont jalonné mon parcours ? Car cet après-midi pour moi l’apathie de mes « Je-nous » ne supporte pas la marche en arrière.

 

     D’autant plus qu’ on a beau me dire que la valeur n’attend pas le nombre des années, Moi, je sais que je ne sais rien ! Car dans mon court parcours maçonnique je suis resté insuffisamment sur la colonne du nord et mes voyages de Compagnons n’ont duré que huit mois.

 

     Alors pour cet exercice de symbolisme je vais devoir une fois de plus revenir sur le chemin et m’asseoir sur le rebord comme je m’assoie sur le rebord d’un cœur, de mon cœur, pour regarder dans le caniveau ruisseler le filet d’eau dans lequel se reflète une lune fine, mais bien souvent mes démons.

 

     Car, voyez-vous mes SS:. et mes FF:., le seul privilège que me confère mon âge, c’est de ralentir le pas sur le chemin et quand les douze coups de Minuit raisonnent dans ma tête, et que la nuit adoucie les ombres, je descends le long du fil à plomb, car je sais que c’est au fond que ce trouve la vérité. Une verticale me sert de marge et une horizontale guide mes mots. Nomade, le verbe m’entraîne avec lui dans les voyages de l’esprit. Je porte parole. Alors commence l’aventure : le voyage intérieur…

 

     Dès que je prend conscience que je suis habité par un autre moi-même débute un processus de dualité ou de rivalité. Il faut que je prenne une revanche avec moi-même, car l’autre ne me satisfait pas !

 

     Alors j’acquiers des connaissances et je me forge des convictions pour étendre mon extérieur. Le cadre de l’éducation se trouve vite contourné par mes désirs de paraître, d’être et …..pour imposer à l’autre ce que je crois être la vérité…..ma vérité…. J’apprend vite à manier le verbe, à prendre des postures, à juger, jusqu’à parfois sous couvert de doctrine entraîner l’autre involontairement dans mes convictions voir mes délires…..

 

     Le pouvoir sur l’autre, sur soi est grisant, l’homme est égotiste avant d’être sociable et bien souvent la violence n’est qu’a fleur de peau. Quand on a expérimenté tout cet extérieur, certain d’entre-nous frappons

à la porte du Temple.

 

     Je découvre alors l’intérieur. j’apprivoise l’autre moi-même. Je regarde plus souvent le miroir, et là étalé sur le tapis de loge, des outils symboliques sont là pour me reprogrammer selon la sacro-sainte voie de la fraternité et de l’amour : la voie Royale.

 

     C’est sur ce chemin que je me sui engagé en franc-Maçon, car c’est une lutte de tout les instants avec le Symbole des symboles que je vais croiser tout au long de ma vie maçonnique.

 

     Comme impétrant je le rencontre pour la première fois dans le Cabinet de Réflexion, soit entier, soit brisé. Il m’invite à recoller les morceaux de moi-même, tel un puzzle en pièces séparées, nécessitant de prendre conscience qu’il doit désormais reconstituer ma véritable image, se réunifier en rassemblant ce qui est épars.

 

     Puis une seconde fois lors de ma réception au grade d’Apprenti au moment où l’on me demande de me retourner pour découvrir que mon pire ennemi n’est pas forcément devant moi, mais peut être derrière moi, ou plus précisément être en moi ; être moi-même. Je suis confronté brusquement à ma propre image, réalisant que mon pire ennemi est d’abord moi-même, dont je doit savoir me défier. De même je dois apprendre à me connaître pour mieux percevoir mes faiblesses afin de progresser vers l’ineffable Lumière que je suis venu chercher. Cette thérapie initiatique opère comme un électrochoc. Lorsque le miroir est abaissé, je découvre une physionomie amie qui me réconforte pour m’encourager, dans ma quête de Vérité, à effectuer la traversée du miroir.

 

     Je le retrouve pour mon passage au grade de Compagnon. Le Vénérable Maître me tend mon viatique et m’accompagne à la porte du Temple. Je suis prêt pour le voyage. Ma besace contient un morceau de pain, une flasque de vin et un miroir. La démarche n’est nullement narcissique. Je dois me regarder, analyser mes faiblesses et mes forces, combattre ce qu’il y a de mauvais en moi, et cultiver ce qu’il y a de bon. On ne demande pas au Compagnon de se regarder physiquement. Ce serait à la fois trop simple et inutile. Je dois accomplir un travail d’introspection. c’est le connais-toi toi même socratique.

 

     Mais dans le voyage, il y a aussi la nuit. Mais pas la nuit synonyme de danger, celle qui fait peur. Non ! Plutôt, celle qui m’enveloppe comme un ombre porté sur les murs de la ville. Celle ou chaque pas qui résonnent dans le silence de la rue me livre une mélodie en noir et blanc. Ces nuits que j’aime retrouver dans mes voyages entre deux ports, entre deux gares. Ces nuits ou la femme n’est pas loin ou sa couche m’a laissé comme une évanescence pour m’encourager à revenir. Ces nuits ou au bord du chemin brille une lumière qui me rassure. Ces nuits ou les étoiles dans le ciel me rappellent qu’elles brillent pour moi. Ces nuits ou enfin je peux dialoguer avec la Lune sans risquer la folie.

 

    C’est aussi un voyage que j’aime accomplir dans les moments de doute. Seul dans la nuit d’un geste mesuré, je tourne l’infernal sablier, pour que les grains de sables s’écoulent une nouvelle fois et que tout recommence. Je Voyage au bout de la nuit, je voyage au bout du renoncement, parfois  je voyage au bout du bout. Mais quand l’heure est venue et que pointe à l’horizon les premières lueurs du jour, quand le coq bienveillant va lancer son cri d’amour, alors je sais que j’ai accompli le voyage.

 

     Toujours entre deux, entre partir et revenir, entre intérieur et extérieur, entre soleil et lune, entre passion et déchirement. Il me faut maintenant envisager de  rentrer pour retrouver la sérénité. Il faut que j’entreprenne le voyage de l’impossible, celui ou l’on revient plein d’usages et raison, vivre le reste de son âge avec ceux que l’on aime. Aujourd’hui avec abnégation je constate que je n’en suis pas encore capable.

 

     Puis comme Compagnon j’expérimente la thaumaturgie du miroir dans mon élévation au grade de Maître. Tout à la fois illusion et réalité, fantôme et magie je double involontairement mon image à l’approche du miroir. J’entre de dos dans le Temple avec l’humilité et la certitude du compagnon. Le miroir que je ne distingue pas encore renvoie déjà le reflet d’Hiram, car je suis Hiram. Lorsque le 3ième mauvais compagnon me précipite de l’autre côté du miroir j’entre dans le mystère de la vie et de la mort. Hiram est mort, M B, la chaire quitte les os. Mais l’esprit est toujours vivant, car j’entends de l’autre côté du miroir le bruit des maîtres qui me cherchent. Quand trois paires de mains me tire a nouveau de l’autre côté du miroir : un nouveau Maître est né.

 

     Tout devient transparent et limpide, se voir n’est plus regarder son reflet, mais là, déjà, la pensée du reflet est terminée, tout est vrai ! Toute animation n’a déjà plus son ombre. C’est pour cela que je n’ai pas donné le nom de miroir, à Moi, disciple, afin que je sache que : « se confondre, en ce lieu, c’est se voir soi-même, non pas dans le reflet d’un miroir, Mais  ETRE ! ».

 

     Cependant, je ne sais pas que sous le vêtement de mes automatismes existent une voûte, une caverne, une cathédrale où réside l’Etre essentiel ; pour atteindre cet espace, il faut me dépouiller et m’ouvrir sur l’infini, quitter mon vêtement de misère. Si je cherche à améliorer mon apparence, à me vêtir de strass et d’or, la quête devient un enfer. Si je mendie pour n’enrichir et je glane quelques piécettes mélangées à la tourbe, alors que le trésor de lumière est en dessous, si je me donne beaucoup de mal pour amasser, alors qu’il suffirait que je creuse un peu en silence, si je coud chaque perle une à une pour recouvrir d’éclat ma veste, alors qu’il suffirait d’ôter mon vêtement d’un geste généreux pour rencontrer l’air pur de l’insondable vérité, alors le chemin devient souffrance et absurdité.

 

     Je me souviens que pendant mes études d’ethnologue, je parcourais sans cesse la grève sur la petite côte du Sénégal, entre Ndayane et Pointe Sarène à la recherche des pêcheurs Lébous. Chaque fois que je rencontrais un équipage, je posais beaucoup de questions, et n’obtenais que peux de réponse. Alors un soir découragé, Je me plaignis à mon guide-interprète de ce silence compromettant mon mémoire. J’obtins la réponse, plusieurs jours après, d’un griot Malinké traversant le village…

 

      « Tu sais mon Frère Toubab, le chef du village comprend ton impatience, mais donne du temps au temps, suis la tradition des anciens, apprend et comprend en les regardant faire, si la tradition orale caractérise notre civilisation, la parole ne se donne qu’en confiance. Pour que tu saisisse, je vais te raconter une fable cruelle qui se colporte encore aujourd’hui… »

 

      « Un villageois rentrait, le soir, chez lui en longeant la plage. Tout à coup, il aperçut une forme étrange au bord de l’eau. Il s’approche. C’était un crâne, un crâne humain.

- Crâne, qui t’a mené là ? Demande-t-il pensivement.

 

     Sa surprise fut grande quand il entendit le crâne répondre : C’est la parole qui m’a mené là, mon frère.

Très intrigué, il pose à nouveau la question, et la même réponse lui fut faite.

 

     De retour au village, il appela tous les habitants et les fit asseoir. Quand l’assistance fut calme, il interrogea le crâne, et celui-ci, encore une fois, fit la même réponse.

 

     Rapidement, la nouvelle alimenta les conversations partout dans le pays et le roi lui-même entendit parler de ce prodige. Il fit donc quérir le villageois qui se mit en route aussitôt, le crâne à la main. En chemin, celui-ci n’était pas avare de démonstrations et les gens qu’il croisait purent écouter, tout à loisir, l’ incroyable dialogue.

 

     Parvenu devant le roi, l’homme posa le crâne au pied du trône et interrogea : Crâne qui t’a mené là ?

 

     Mais aucune réponse ne se fit entendre. Il reposa la question, mais le crâne, obstinément, restait muet, et persistait dans son silence malgré les insistantes pressions de l’assistance.

 

     Le roi, furieux d’avoir été dérangé pour rien et craignant d’être jugé comme un naïf à la crédulité infantile et souhaitant surtout couper court aux quolibets de ses sujets, fit un signe à l’un de ses sicaires qui, d’un coup de sabre, décapita le pauvre villageois. Et pour bien le punir de son outrecuidance, sa dépouille fut jetée à la mer, sans autre forme de funérailles.

 

     Des mois plus tard, la marée ramena le crâne de l’homme vers un autre rivage. Un villageois s’en approcha, le prit dans ses mains, et lui demanda : Crâne qui t’a mené là ?

- C’est la parole qui m’a mené là, mon frère… »

 

     Aujourd’hui je sais mieux le mot qui touche, celui qui fâche, celui qui crée le doute, le désordre ou l’angoisse. Je sais le regard qui fait dire aux mots tout autre chose. Je sais la petite musique qui fait s’envoler les paroles, et je sais le silence qui les aide à prendre racine. Plus je connais les règles, et plus je suis libre. Et plus je maîtrise l’outil, plus il m’est loisible d’approcher le sincère qui est en moi pour le faire cheminer vers l’autre, mais de l’approcher seulement car on n’a jamais le mot. On le sent, il est là, tout près, mais toujours un peu au-dessus ou un peu au-dessous, rarement juste et parfait.

 

     L’histoire du miroir ne s’arrête pas là, car c’est un éternel recommencement. En effet cette après-midi, comme le fidèle disciple de Pythéas, j’aborde un continent nouveau. Sur la plage un groupe de sœurs et de frères tout de noir vêtu forme un cercle. Pour m’y faire accepter je vais sortir de mes poches ces étranges petits miroirs et les distribuer pour que chacun croise les reflets ambivalents de l’autre.

 

     Si dans le miroir de l’explorateur, le reflet de l’indigène hésite, entre le singe et le gentleman, dans le miroir du Maître apparaît l’instant d’avant : j’ai laissé sur mon plateau l’excellent livre d’Agatha Cristie « Le miroir du Mort »  ouvert à la page 3, 5, 7 ou peut être plus…

 

     Cette après-midi, je frappe à nouveau à la porte du Temple, car le Temple est ma Maison. Je rentre de voyage, du voyage intérieur. Je range soigneusement ma Verticale et mon Horizontale, j’enroule le fil à plomb puis J’y dépose mon sac à dos, ma valise ou une grande malle. Le contenant est chargé de souvenirs utiles ou inutiles, peut importe. Mais je vais avoir envie encore une fois, de les partager avec vous entre la Cave et le Grenier pour continuer à voyager à l’intérieur de moi-même…

 

Jakin,

 

 

Commentaires

lafianceedusoleil le 16-02-2012 à 22:33:42
bonsoir Armand,

j'ai lu en entier ton artcile, il est long. Je n'ai pas tout compris et c'est normal, je suis novice.

Je me suis posée la question, que veut dire "le bout du bout".

J'ai bien aimé l'histoire du crâne qui parle.

Tu es toujours en recherche.

Merci pour ton article.

Je te souhaite une bonne nuit.

Bisou
lolo78000 le 16-02-2012 à 15:18:36
coucou avec la pluie je te souhaite un très bon après-midi de gros bizzzous