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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 10-06-2014 à 07:18:43

DU MAITRE AU GRAND ÉLU DE LA VOUTE SACRÉE, LA RECHERCHE DE LA PAROLE ?

 

 

 



          La Parole Perdue, voilà un élément qui manque pour terminer le temple et pouvoir prétendre que l'œuvre est achevé. En ce sens, c'est un élément dynamique qui empêche le Franc-maçon d'affirmer qu'il a atteint la vérité et le maintient dans un perpétuel état de recherche. Mais il faudrait pas qu'il se contente de chercher pour ne rien trouver.

     Cependant, si la parole est perdue collectivement, il faut remarquer qu'elle n'est trouvée qu'individuellement. Là, réside un des points essentiels de l'enseignement maçonnique. Et ce qui fait office de parole retrouvée est encore une parole substituée. Toutefois, cette parole retrouvée apparaît encore comme bien énigmatique ; il s'agit certes à nouveau d'un tétragramme, mais composé de lettres appartenant à un autre alphabet.

     Le mythe nous enseigne donc que le rôle du Franc-maçon consiste à reconstituer ce qui est épars, et cette démarche passe précisément par la reconquête de la parole. La Parole c'est une pensée vivante qui ne peut être figée et nous devons rassembler les éléments dispersées. Retrouver la parole, c'est vivre la justesse de l'instant et la manifestation du divin.

     Le Franc-maçon ne doit pas avoir une attitude passive, mais se mettre à l'œuvre. Car rechercher la parole perdue, n'est-ce pas constamment tenter de percevoir l'esprit caché sous la lettre, la réalité sous l'apparence ?

     Le mythe de la Parole perdue puis de sa redécouverte partielle en Nom Ineffable est inauguré au degré de Maître lorsque les neuf Maîtres, déterrant le cadavre, proposent comme nom substitué, le premier mot qui leur viendra à la bouche quand il mettront à jour Hiram.

     Avec la disparition  d'Hiram, le ternaire Salomon Hiram de Tyr et Hiram Abi est rompu et le mot ne peut plus être reconstitué car la parole ne circule plus. Il est donc impérieux de reconstituer le ternaire d'abord. Ce sera le rôle attribué à Jhoaben, Secrétaire Intime (6ième degré), auquel le candidat est appelé à s'identifier. On sait que le nom Ineffable, le Grand Nom sera retrouvé par le Chevalier du Royal Arch (13ième degré) et épelé par le Grand Elu de la Voûte Sacré (14ième degré). Le thème de la Parole Perdue finit donc un cycle dans ce degré.

     La Parole Perdue entre en dialectique permanente avec le Silence, dans un curieux paradoxe : l'énonciation est en effet un moyen privilégié pour mettre en conscience un contenu mystérieux de l'inconscient. Plusieurs démarches de développement personnel, la psychanalyse en premier chef, considère que la verbalisation est le moyen inévitable pour que les choses se disent (Les mots pour le dire).

     Pour autant dans la démarche initiatique, la prise de parole toujours réglementée (une seule personne à la fois, pas d'interruption) permet à chacun de s'exprimer sur un symbole, un mythe.

     Quand un initié prend la parole, ce n'est plus l'individu qui parle à travers lui mais "ce que nous sommes tous" qui s'exprime. Et c'est dans cette mesure que l'Homme accède au monde de l'inconscient collectif, du sacré qui réunit en fraternité les autres Hommes. La prise de parole en loge devrait permettre l'énonciation du Nous, transmis par Un seul. Toutefois on sait par expérience qu'enfermer les mythes et les symboles dans la cage des mots les rend vulnérables et tend à leur ôter, en les banalisant, leur dimension sacrés.

     Aussi le silence qui comme chacun sait, est d'or, vient-il en appui dialectique avec la Parole. Il permet sans doute l'économie des mots pour un même résultat : celui de la compréhension du Soi et du monde. A la différence du Silence, qui provoque la réflexion sur le sens, la Parole choisit à travers les mots et à cause d'eux. Le Silence est donc bien ce par quoi tout peut surgir. La Parole est ce par quoi le surgissement s'éclaire en conscience.

     Ainsi c'est dans le dynamisme du Silence, de la Parole que les arcanes mystérieux de notre inconscient sont déposé sur les rives de lumière de la conscience. Le Frère ou la Sœur qui parle en Loge ne s'adresse à personne en particulier mais au collectif atelier comme l'analysant sur un divan freudien parle à un analyste qui se tait plus qu'il ne parle.

     Enonciation dans le vide ! Car en Loge, on n'institue pas le dialogue. Le Frère ou la Sœur qui parle s'entend mais n'entend pas les autres. Possibilité de garder l'écho approfondi de ses symboles qui rebondissent sur le mur du silence des autres. Autant le thérapeute écoute pour comprendre celui qui parle et pour l'aider, autant les initiés écoutent celui qui parle pour mieux se comprendre eux-mêmes et s'entraider. Le mouvement est donc bien différent.

     La Parole vide les mythes et les archétypes de leur contenu sacré, attirant et terrible. Elle les apprivoise comme le Petit Prince de Saint Exupery apprivoise le renard et est apprivoisé par lui. Mais la mise en lumière n'est pas une mise à mort : l'initié pour mener ce travail d'assimilation est alors renvoyé au Silence.

     Quand la parole disparaît au grade de Maître, le silence de la stupéfaction arrive et le monde est plongé dans les ténèbres, muet. Or pour parler, il faut être trois : le Moi (la personne, l'énonciateur), l'intercesseur et le Soi.

     Le Secrétaire Intime fait irruption comme un intercesseur un double, qui décide dans un échange où le Soi tumultueux (Hiram de Tyr en proie à la colère, à l'agressivité), malmène le Moi (Salomon). Le ternaire ont le sait va être reconstitué car Salomon va accepter la médiation compensatrice de son double, Jhoaben, qui a prit peur et il va l'intégrer dans la relation entre le Moi et le Soi.

     Le Chevalier de Royal Arch va devoir, maintenant que la parole peut renaître, retrouver le mot sacré, clef du monde secret tant la Lumière est au cœur des ténèbres. Il est frappant de constater que le tétragramme sacré était en fait délivré au Maître Secret (4ième degré), au Maître Parfait (5ième degré), au Secrétaire Intime (6ième degré) et au Prévôt et Juge (7ième degré), sous la forme de Jéhovah ou Yahvé mais ceux-ci ne le comprenaient pas.

     L'accès à l'unité, au principe, au Soi semble lointain à l'initié qui ne voit ni n'entend alors qu'il a des yeux et des oreilles. Le Maître arrive quand le disciple est prêt. Le mystère de la fleur d'or peut être dévoilé ; celui qui n'est pas qualifié ne le saisira pas. Il n'est pas nécessaire d'être "à couvert" pour être protégé et le Grand Maître Architecte (12ième degré) ne ferme pas les portes de sa loge.

     C'est pourquoi l'accès au Principe n'est pas ailleurs, au dehors, il est proche, dedans. Le Chevalier de Royal Arch descend bien en lui-même pour retrouver le Nom ineffables : "Celui qui se connaît soi-même, se découvre divin et connaît son dieu !". Les alchimistes ne disaient-ils pas que la Matéria prima était très ordinaire et se trouvait n'importe où dans la création ?

     Fort de la connaissance du nom ineffable, le Grand Elu de la Voûte Sacré, parvient à épeler le tétragramme. Epeler revient à dire intercaler les phonèmes des pauses de silence. La dialectique retrouvée de la Parole et du Silence nous pulse vers un nouveau rythme.

     Ainsi nous comprenons que Retrouver la Parole Perdue n'a rien à voir avec penser à la Parole Perdue. Etre libre de passer de l'autre côté de la pensée pour entrer en contact avec l'énergie qui exige non plus de décapiter le mental, ce qui est une violence punissable, mais de lâcher l'intérêt que nous portons à nos idées pour éprouver l'existence d'une énergie intérieure.

     C'est à mon avis ce que véhicule le concept de parole retrouvée dans l'enseignement maçonnique. Pour une raison simple, son contenu est hors de saisie de la pensée empirique comme du discours qui l'exprime.

     Notre travail maintenant consiste à être libres des mots et des images, des pensées et des intelligences pour passer dans le monde de la sensation. C'est seulement à ce moment-là que nous pourrons reprendre la parole, exprimer notre vécu, témoigner du passage possible d'une dimension ordinaire à une dimension initiatique.

Je suis ce que je suis, donc je parle en silence !

Jakin, 

 

 

Commentaires

lafianceedusoleil le 10-06-2014 à 21:27:21
bonsoir Armand,

c'est un texte très profond qui mérite une relecture.

Je ne me fatigue pas en retenant que le silence est d'or !

Merci Armand pour ce bel article.

Bonne fin de soirée et bon mercredi.

Je t'embrasse

Cricri