En parcourant les panneaux d'une exposition sur les Coptes dans la Cathédrale Sainte Marie d'Auch, un dessin sur une photo ressemblait étroitement au symbole que nous avons sur notre cordon au grade de Philosophe Hermétique.
Ce dessin représentait une croix Copte sur un livre de prière. Les couleurs et le tracé sont presque identiques au dessin du cordon de ce grade. Et cela a suffit pour éveiller ma curiosité.
Comme l'histoire de la Franc-maçonnerie Egyptienne, l'histoire de l'Eglise Copte prend racine dans les sables de Memphis. Quiconque rentre aujourd'hui dans une église copte entend comme en écho lointain un peu des chants des constructeurs des pyramides. Le copte est la langue des pharaons héritée du fond des âges. Mais de la à dire qu'il y a similitude, c'est un pas que je ne franchirais pas ?
Les traditions font naître le christianisme d'Egypte avec la fuite de la Sainte Famille dans le pays. St Marc aurait ensuite prêché l'Evangile à Alexandrie et fondé l'Eglise locale. Qu'elles soient vérifiées ou non par la critique historique, ces traditions participent de la mémoire de l'Eglise copte et de son identité, elles doivent être entendues comme telles.
Le mot Copte est à la fois familier et mystérieux. Il évoque l'Egypte chrétienne. Mais qui sont les Copte ? Cette réflexion a pour objectif d'éclairer l'identité de ces croyants méconnus qui font, aujourd'hui encore, rayonner le christianisme le plus ardent sur les rives du Nil.
Le mot Copte signifie fondamentalement "Egyptien". Il désigne en fait depuis le 10ième siècle les Chrétiens d'Egypte. Leur nom, issu de l'arabe Qibt, n'est rien d'autre qu'une abréviation du grec Aiguptios, "Egyptien", lui-même dérivé de Hikuptâh, nom religieux de l'ancienne capitale du pays, Memphis.
Dans un même héritage, les Coptes allient à un christianisme original et bien acculturé un peu la mémoire des pharaons, beaucoup d'apports de l'Egypte hellénistique et byzantine, et le dynamisme d'une arabité à l'épanouissement de laquelle ils ont largement contribué.
Les Coptes aiment à se présenter comme les héritiers des pharaons. Il est vrai que les survivances de l'Egypte ancienne, quoique discrètes, existent bel et bien dans leur traditions.
Les Coptes insistent volontiers sur le fait que l'Egypte a été la terre d'accueil de grandes figures bibliques comme Abraham, Joseph, Moïse, Jérémie. La Sainte Famille elle-même aurait vécu plusieurs années au bord du Nil.
L'église d'Egypte a connu son grand épanouissement à la fin du 2ième siècle. Son éclosion s'est effectuée à travers le développement en langue grecque de son école de théologie (le didascalée) dirigée par des auteurs aussi illustres que Pantène, Denys d'Alexandrie. La force de son élan lui a permis de surmonter toutes les oppositions qui se sont dressées devant elle.
Déjà du temps des pharaons, des âmes éprises du divin aimaient à se retirer au désert pour s'y trouver face à face avec le "Tout Autre".
Dans les premiers siècles de l'Eglise, c'est avec bien des tâtonnement que se précisa le vocabulaire des chrétiens qui cherchaient à approfondir le mystère de Jésus-Christ. Les conciles œcuméniques du 5ième siècle, censés exprimer l'unité de la foi, provoquèrent hélas, malgré l'enseignement du Christ, la division durable des églises.
En 639-641, l'Egypte fut conquise par les Arabes, qui y implantèrent l'Islam. Les chrétiens se félicitèrent d'abord d'être libérés du joug des Byzantins. Pendant quelques siècles, la cohabitation des deux religions monothéistes fut pacifique.
Les mariages mixtes favorisèrent le passage des chrétiens à l'Islam. Mais celui-ci ne devint majoritaire que dans le courant du 10ième siècle.
Du 4ième siècle au début du 7ième siècle, l'Egypte fait partie d'un empire romain d'Orient où le christianisme a désormais droit de cité et devient même la religion de l'Etat à partir de 391. L'Eglise d'Egypte participe activement aux grandes controverses christologiques de ce temps, et c'est dans la vallée du Nil que naît le monachisme.
Plus religieux de beaucoup que le reste des hommes..., avait écrit Hérodote des Egyptiens au 5ième siècle avant notre ère. Cette religiosité profonde est une des constantes de l'identité égyptienne, de l'Eglise des Ramsès à celle de Mansour. Le christianisme copte en est tout particulièrement pétri.
En se domaine aussi, malgré l'abandon de la religion ancienne, la culture copte a recueilli l'état d'esprit de l'Egypte pharaonique face au sacré. Il y a tout d'abord la certitude de la grandeur divine mais aussi de la nécessaire vocation de l'homme à la divinité.
Très tôt, dès la fin de l'Ancien Empire au moins (vers 2000 avant J.-C.), la religion égyptienne avait promis à l'homme l'immortalité en compagnie des dieux, l'identification à Osiris lui-même, le dieu mort et ressuscité...
Entre cette croyance et la foi chrétienne qui donnait à chacun l'accès à la vie éternelle en participant de la victoire du Christ sur la mort, il y avait une concordance de l'espoir qui a certainement favorisé l'accueil et l'acculturation du christianisme en Egypte.
En est témoin l'adoption du signe hiéroglyphique de la croix ansée, la croix de vie des anciens Egyptiens, comme forme copte de la croix chrétienne.
On pourrait même avancer que la façon dont l'Eglise copte a pensé le mystère du Christ fut pour une part tributaire de cet héritage ancien. Dans la formule de Cyrille d'Alexandrie (5ième siècle), une seule physis du verbe de Dieu incarné, on trouve l'affirmation de la parfaite et indissoluble unité de l'homme et de Dieu dans le Christ sauveur... On peut y voir un lointain écho de l'anthropologie de l'ancienne Egypte, postulant en l'unité absolue de l'homme et l'unité intangible du divin.
Mais au lendemain du concile de Chalcédoine (451), l'Eglise copte se sépare des sièges de Rome et de Constantinople avec lesquels elle est en désaccord à propos de la double nature du Christ.
En 641, les musulmans s'emparent de l'Egypte, libérant les Coptes de l'intolérable tutelle byzantine. Quoiqu'il ne faille pas idéaliser la "tolérance" de l'Islam en ses débuts, les relations entre chrétiens et musulmans furent souvent bonnes, malgré quelques crises passagères.
En tout cas, l'Eglise fit assez tôt le pari de l'acculturation dans une Egypte qui s'arabisait et s'islamisait lentement. Les chrétiens allaient participer pleinement à l'épanouissement de la culture arabo-musulmane, jusqu'à abandonner finalement la langue de leurs ancêtres.
Après les tragiques évènements de 1319-1320, l'histoire de la communauté copte est celle d'un lent déclin. Les taxes dont les chrétiens sont de plus en plus accablés pour financer la politique militaire des mamelouks réduisent à néant toute vie culturelle.
L'Eglise elle-même, empêtrée dans la simonie, sombre dans une léthargie presque totale. La situation ne s'améliore pas, loin de là, avec la conquête de l'Egypte par les Ottomans en 1517. La traversée du désert commence.
Comme dans le rite maçonnique, la liturgie est au coeur de la spiritualité des Coptes. L'ombre d'Hiram se profile entre les sycomores et les palmiers d'Egypte pour s'arrêter au pied de l'acacia. Longue et imprégnée de sacré, elle a conservé des chants qui remontent, pense-t-on, aux hymnes qu'entonnaient les prêtres dans les temples de l'ancienne religion. La similitude est troublante.
C'est en matière de rites funéraires et de croyances relatives à l'au-delà qu'on a le plus unanimement reconnu des éléments de continuité entre l'Egypte pharaonique et l'Egypte copte.
Plusieurs survivances semblent incontestables. Par exemple : l'identification du séjour des morts à l'Occident ; les télonies, les portes aux gardiens farouches, les péages par lesquels, dans l'imaginaire copte, les défunts doivent passer lors de leur voyage d'outre tombe ; le rôle de Saint Michel comme psychopompe et peseur des âmes, à l'instar de Thot, le dieu à tête d'ibis.
En ce qui concerne les pratiques, on évoquera évidemment le rôle dévolu aux pleureuses, parfois monnayées, qui se lamentent à grands concerts de cris aigus et endeuillent de leurs chants funèbres tout le voisinage ; les visites régulières aux tombes, sur lesquelles on brûle de l'encens et l'on dépose des offrandes alimentaires ; ou encore l'habitude que les hommes ont de ne plus se raser après le décès d'un proche...
La conscience de la mort et le traitement ce celle-ci étaient comme les pivots de la religion de l'ancienne Egypte. Parce que cette civilisation qui avait vu naître le soleil ne pouvait se résigner à la mort. Parce qu'elle avait proclamé la première que la mort n'est pas une fin, mais une métamorphose, un saut dans l'éternité de la lumière divine.
Il en reste beaucoup dans l'âme des Coptes. L'espérance pharaonique leur a été confirmée par les promesses de l'Evangile. La mort est l'aube de la résurrection. Reste le deuil, qu'il faut assumer. La tristesse, qu'il faut mettre en scène.
C'est aussi une modernité et une culture de notre temps, car son champ spirituel s'aventure sur les sentiers les plus hardis en se réappropriant les mots : "sur la terre comme au ciel", légué par l'Egypte pharaonique à l'Egypte chrétienne.
Peuple d'antiquité immémoriale, les Egyptiens étaient réputés connaître les secrets du temps. En 325, le premier Concile Oecuménique de Nicée leur confia le soin de calculer pour tous les autres chrétiens la date de la fête de Pâques, fixée au premier dimanche après la première pleine lune succédant à l'équinoxe de printemps.
Les évêques d'Alexandrie étaient chargés d'envoyer chaque année une lettre encyclique aux autres Eglises pour leur annoncer la date de la célébration de la Résurrection.
Nuit et Lumière s'y mêlent, en une indicible alchimie qui dit la force de la Résurrection et manifeste la puissance du Salut. La procession funèbre accompagnant le corps du Christ jusqu'en son tombeau ravive la mémoire des longs convois qui transportaient les momies vers leurs demeures d'éternité. Mais l'Egypte a su la première, voici 5000 ans, proclamer que la mort est un surcroît de vie, qu'elle est le seuil de la lumière sans fin.
Je me souviens m'être courbé pour entrer dans la petite église copte de Maaloula en Syrie, qui veut dire en araméen "entrée". Cette porte basse n'est-elle pas aussi la porte basse de notre Temple qui nous invite à entrer avant tout en nous-même.
Ma curiosité m'a conduit sur les parvis d'une religion discrète qui prend sa source dans les sables de Memphis et sur les bords du Nil, au coeur le la civilisation des Pyramides. J'ai acquis la conviction qu'il existe une passerelle secrète entre ces deux voyages dans le temps et, notre propre voyage de Cherchant.
Le travail ne fait que commencer !
Jakin,
Commentaires
Wow ! Bel effort ! Merci pour ce texte.
bonjour Armand, je repasserais lire ton article qui a l'air passionnant, pas beaucoup de temps ce matin, en attendant je te souhaite un bon réveillon de Noël, biobisous, Nina
Bonsoir Armand,
je n'ai pas le temps de lire ce soir, je repasse demain, le sujet m'intéresse.
Bonne soirée Armand.
je t'embrasse
Cricri
Euh ! Bien complexe tout ça ! Ce qui ne simplifie pas l'histoire du christianisme propremet dit. Faut être convaincu ou vraiment curieux pour se pencher aussi longuement que toi sur le problème copte. Bonne fin de soirée. Florentin.