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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 29-08-2015 à 07:07:10

L'APPROCHE CHEVALERESQUE DU GRADE DE L'AIGLE ROUGE

 

 

 
          Un capitaine des Gardes, deux Gardiens du Seuil, deux rangs de Chevaliers de l'Aigle Rouge se faisant face, un Prieur et un Chancelier sous la direction d'un Illustre Chevalier de la Toison d'Or, le tout entre deux ovales représentant les maisons célestes et le zodiaque, nous voilà plongé dans les arcanes de la Chevalerie. Il ne nous manque plus que le fameux destrier noir pour avancer dans la connaissance.

     Alors, pour Aborder la chevalerie en Franc-maçonnerie et par prolongement la comprendre, il faut en premier lieu la transférer dans son champ historique originel.
 
     Tout commence par l'incontestable déclin de l'autorité centrale, plus particulièrement en "Francie" au cours du 9ième siècle et va conduire l'église à proposer un code de conduite aux guerriers pour échapper au pillage de leurs biens.

     En effet depuis les successeurs de Charles Martel et la partition de l'empire au traité de Verdun, c'est l'anarchie féodale qui règne en maître. Les princes et châtelains font peser leur tutelle envahissante, les potentats locaux, les seigneurs, entourés de leurs sbires en armes (les milites), contestent les anciennes donations, spolient les terres des églises, les pillent à l'occasion, menacent et terrorisent, incendient, enlèvent contre rançon, font peser sur les populations et les églises des exactions diverses. Le château, lieu de refuge, est parfois aussi un repaire de brigands.

     Et c'est pour s'en prémunir que le pouvoir religieux utilise l'arme de l'idéologie à travers deux mouvements, la "paix de Dieu" (Concile de Charroux en 989) et la "trêve de Dieu" (Concile d'Elne en 1027).

     Ainsi à l'instigation de l'église de Saint Pierre, lorsque les sarrasins écument les côtes italiennes, menacent et pillent Rome, Léon 4, puis Jean 8 appellent à l'aide les guerriers francs et n'hésitent pas à promettre le paradis à ceux qui mourraient dans de tel combats.

     On assiste à une sacralisation manifeste des guerriers combattant pour la cause pontificale contre les ennemis de toute sorte, qu'ils soient musulmans et plus tard hérétiques, schismatiques ou simplement rebelles au pouvoir théocratique de la papauté. Naissent, alors, les Templiers, Hospitaliers et Teutoniques.

     Et c'est sous Urbain 2 à la suite de huit siècles d'évolution lente que les milites sous l'influence des soldats de Dieu adoptent cette philosophie qui s'impose comme modèle aux guerriers, avec ses techniques de combat et ses valeur, forgeant pour longtemps, bien au-delà du Moyen Age, un nouveau type de héros, le chevalier, et un nouvel idéal l'étique chevaleresque.

      On constate qu'à cette époque, l'étique consistait à prêcher par l'épée une religion d'amour ? Réalité d'une idéologie religieuse pas si éloignée du djihad de l'islam...

     Après ce moment d'histoire nécessaire à la compréhension, découvrons maintenant sa représentation philosophique originel pour mieux diriger notre destrier qui au passage est devenu blanc.

     L'ethnologue Georges Dumézil, dans ses études sur les civilisations indo-européennes nous donne un éclairage en nous rappelant qu'il s'agit là d'une vision tripartite des fonctions sociales, à partir d'une base essentiellement patriarcale. Il nous fait découvrir la fonction de puissance combattante et la force physique, celle de la fécondité et de la production de richesse et celle du pouvoir spirituel et de la sagesse.

     Cette tripartition d'origine va se perpétuer dans toutes les civilisations qui ont essaimé à partir de cette souche mère.

     Exemple en Inde où les distinctions sont encore vivaces, la production des richesses est liée au corps puisqu'elle implique la manipulation des matières et des produits. C'est la voie du Karma, des artisans ou Vashyas.

     La puissance combattante est liée à l'âme et correspond au psychique. La voie des guerriers, celle des Kshatriyas et celle de Bhakti. La grande épopée qui la chante est le Mahabaratha (jusqu'au 4ième siècle av. J.-C.). Enfin les Brahmanes se consacrent à la voie de Jnânâ, monde spirituel, celui de la sagesse.

     Dans la Rome antique, trois flammes majeures étaient vénérées : Jupiter pour la sagesse souveraine, Mars pour la force et Quirinus pour la fécondité.


     En Europe enfin, l'alchimie garde ésotériquement cette distinction : l'œuvre au Noir est le travail de la Materia Prima qui s'enracine dans la matière, le corps. L'œuvre au Blanc vise à obtenir que l'âme devienne un miroir pur et immobile. Enfin l'œuvre au Rouge célèbre le triomphe de l'esprit. L'alchimie reproduit, de façon occulte, la tripartition de l'ordre social médiéval : les clercs et les moines, la chevalerie, le peuple. Tripartition que l'on retrouvera jusqu'à la Révolution avec le clergé, la noblesse et le Tiers Etat.

     Chacune de ses fonctions a un aspect exotérique (droit et devoirs dans la société, règles et valeurs, modes de transmission...) et un aspect ésotérique qui génère des types d'initiation :
- l'initiation artisanale, celle des artisans, des commerçants et des artistes.
- l'initiation chevaleresque qui prône la queste et le combat ; la guerre sainte, celle dans laquelle l'Homme s'affronte aux forces hostiles du corps et de l'âme. La force en est l'emblème mais le sacrifice également ainsi que la générosité. L'honneur cornélien en est la trace.
- l'initiation sacerdotale, celle des prêtres qui blasonne le verbe et la sagesse.

     Quant à la Franc-maçonnerie, elle a recueilli ces trois types d'initiation. Peut être à cause d'une déperdition inévitable du message initial et d'un oubli progressif, ou plutôt à cause d'un refus de se laisser enfermer dans des cases, la FM a préféré mêler ces trois types d'initiations dans son programme de recherche spirituelle pour transformer ses écuries d'ânes bâtés en destriers de course...


     Nous constatons là, avec évidence, que la composante chevaleresque est enracinée dans notre culture : "Panache, Honneur, conquête désintéressée" sont donc des valeurs fondamentales du modèle latin.

     Nous voilà bien loin du simple artifice de la construction d'un blason avec cri de guerre et devise que nous impose notre première année de travail dans le grade de Chevalier de l'Aigle Rouge.

     Combien d'entre-nous ont passé des nuits blanches, le crayon entre les dents, l'équerre pendue à une oreille, le compas sur l'autre, la règle dans nos doigts fébriles et les lunettes au bout du nez à suivre les lignes incompréhensibles des ouvrages d'Héraldisme pour chercher sans révélation à blasonner. 

     De plus, l'on ne peut même pas compter sur la caution du Chevalier de Ramsay, qui lui, dans son discours de 1736, introduit que tardivement des éléments de chevalerie dans la franc-maçonnerie.

     Il faut donc puiser nos sources dans les travaux des Grands Héraut d'Armes gardiens des règles héraldiques capables d'attribuer un blason car ils sont les seuls messagers qui se réfèrent au patronage d'Hermès.

     Hermès, le trois fois grand que l'on retrouve dans ce grade à travers le Caducée de l'Illustre Chevalier de la Toison d'or, mais qui se révélera profondément à nous, que dans le grade suivant.

     Qu'elles sont donc les codes les plus fréquent de la Chevalerie :
Garder l'humilité, être constant et ferme dans l'adversité, secourir les faibles et les opprimés, fidélité au suzerain et à la Dame, courage, bravoure et générosité jusqu'au don de sa vie, honneur et respect de la parole donnée, combattre pour la défense de la foi et de la justice, faire miséricorde et largesse, assister fidèlement au sacrifice de la messe.

     Certes ces règles ont bien des rapports avec la FM en général et avec le Grade de Chevalier de l'Aigle Rouge en particulier (j'ai un doute pour la messe ?), encore faut-il s'en imprégner  pour réussir à dessiner, écrire et arborer sur son coeur : "Parti de Sinople et de Gueules, au pont de sable sur trois arches..." pour que tous les Chevaliers ici présent sachent lire instantanément que ce Chevalier effectue un passage symbolique entre la liberté, l'espoir et l'espérance. Qu'il anime, par la conduite dans l'amour et la justice, sa vaillance et sa passion. Un pont entre l'intérieur et l'extérieur sans nuance vers la liberté de conscience.

     L'illustration chevaleresque est conférée, dans la loge de Chevalier de l'Aigle Rouge par le blason de chaque Chevalier (sa personnalité) et le tablier qui porte écu, énonçant le travail collectif, entre deux ovales universels, les douze planètes du zodiaque et les douze maisons célestes : "d'argent plein, au carré d'argent, sur triangle d'or, entouré d'un cercle d'azur, à un aigle de gueule, becquet et membré d'or sur soleil d'or rayonnant".

     Ce tablier que nous portons est un véritable par-chemin qui nous ouvre les portes de la connaissance et qui nous engage à la découverte de notre propre mode opératoire : sagesse, vertu et amour à l'intérieur du Moi profond - droiture, franchise, fidélité et charité à l'extérieur du Soi pour le partage.

     D'Argent plein : pour faire référence à la Lune et aux vertus nécessaires à l'accomplissement du travail : sagesse, droiture et franchise.
 
     Carré d'Argent :  Symbole en relation avec la terre. Le carré est une figure fixée sur ses 4 côtés, qui empêche l'écoulement de l'énergie, à l'inverse du cercle. Cela indique un arrêt, surtout temporel. Tentative de stabilisation, peur de l'inconnu, solidification, stagnation, le carré évoque la matière, un besoin de rendre parfait l'instant présent et d'arrêter ainsi les réminiscences du passé. Cette figure géométrique évoque la progression accomplie de la manifestation, symbole du monde qui s'est équilibré et fixé.

     Triangle d'Or : pour faire référence au Soleil et aux vertus complémentaires du couple royal - grandeur et intelligence. C'est aussi le symbole du Feu.

     Cercle d'Azur : pour faire référence à Jupiter nous engageant dans la fidélité et la persévérance. Issu du point, le cercle ne se divise pas. De ce fait, la différenciation est absente. Les classements sont créés par les cercles concentriques, le symbole est en liaison avec les étapes du progrès intérieur. Le cercle effectue une boucle dans le temps, ce qui le définit comme continu et en rapport avec les cycles et la divinité.

     On retrouve le cercle en astrologie, dans les différents cycles planétaires, participant à l'harmonie céleste. C'est un symbole touchant l'intelligence, touchant les mutations terrestres. C'est la totalité, la perfection, ce dernier mot étant pris dans son sens originel, c'est-à-dire finir, terminer ce qui est entrepris et ne plus avoir à reprendre.

     Aigle de gueule - bec et pattes or pour faire référence à Mars qui nous entraîne vers l'amour et la  charité. Certains mythes lui permettent de regarder le Soleil en face, ce qui évoque la liberté de n'être jamais troublé par la lumière. Symbole de royauté, d'agilité, de vue perçante, de rapidité, d'ingéniosité et de courage, l'aigle est la force et la pénétration, doté de pouvoirs exceptionnels. Il peut s'élever au-dessus de la condition terrestre, avec ses ailes.

     Dédié à Jupiter, il s'associe à la foudre. Il peut aller d'un monde à l'autre, car il est aussi régénération et absorption. Il peut aussi être l'initiateur, permettant une reconnaissance de la suprématie. Cet oiseau d'expression psychique est consacré par bien des peuples.

     Mais cet Aigle emblème de notre fanion et de notre tablier nous engage dans une voie de courage et d'humilité.  Cet Aigle peut vivre 70 ans. Il  a la plus longue vie de tous les spécimens de son espèce. Mais pour atteindre cet âge, l'aigle doit prendre une difficile décision en atteignant 40 ans : Ses longues serres devenues trop flexibles ne peuvent plus se saisir de la proie qui lui sert de nourriture. Son long et pointu bec devient trop coudé. Ses ailes sont devenues trop lourdes en raison de leurs nombreuses anciennes plumes épaissies, et elles rendent son vol difficile.


     Alors, l'aigle fait face à un choix difficile : mourir ou passer par un processus douloureux de changement qui durera 150 jours... soit 5 longs mois.

     Ce processus exige que l'aigle vole jusqu'en haut d'une montagne sur son nid. Là, l'aigle va frotter et frapper son bec contre une roche jusqu'à ce qu'elle l'érode. Après cela, il attendra la repousse d'une corne neuve et rigide qui formera un nouveau bec.

     Ensuite, il tentera d'arracher et d'user ses serres. Après cela de nouvelles serres se développeront selon un processus de repousse permanente. Puis encore, l'aigle commencera à plumer ses plumes âgées. Après cela, des plumes neuves plus légères et plus souples repousseront. Et enfin, après ces cinq mois de douloureuse patience, l'aigle prendra son vol célèbre de renaissance et pourra vivre ses 30 années supplémentaires.

     Voilà Pourquoi le changement est parfois nécessaire pour nous aussi. Souvent, pour survivre, nous devons, nous aussi, commencer un processus de changement. Nous devons alors parfois douloureusement nous débarrasser de veilles habitudes, souvenirs, coutumes. C'est seulement libéré du fardeau du passé que nous pouvons alors profiter du présent et de l'avenir. C'est la leçon de l'aigle.

     Soleil d'Or : car le Soleil symbolise la manifestation de la divinité, l'image du bien, dans le monde réel et visible. Nourricier ou destructeur, le Soleil est l'intelligence du monde avant d'être un symbole de Lumière. Procédant aux alternances vie-mort-renaissance, il évoque la résurrection et l'immortalité.

     La chevalerie a contribué à l'émergence d'une conception moins barbare de la guerre. Avec elle, le massacre systématique ou la déportation des populations civiles disparaît du monde chrétien. En ritualisant la guerre à l'extrême, elle a isolé du reste des combattants une élite qui, par son prestige, par son statut, à servit de modèle.

     De la vision romantique de la chevalerie à une approche opérative des vertus chevaleresques, la Franc-maçonnerie constitue et demeure un cadre privilégié pour accueillir, conserver ou développer les grands mythes chevaleresques, sous des formes très diverses en fonction des époques et du rapport entretenu avec ces mythes.

     La dimension chevaleresque sera régulièrement réaffirmée dans l’histoire maçonnique. Elle en est donc une constante sur laquelle nous ne nous interrogeons peut-être pas assez !

     Nous sommes maintenant en mesure de descendre de nos destriers de courses sur lesquels nous nous sommes assis par erreur de jugement. Il est temps de chevaucher notre âne fidèle et courageux comme l'on fait les plus humbles d'entre-nous pour comprendre que notre fondement n'est pas si éloigné de notre cerveau. 

     Alors, je vous invite donc avec discrétion à faire vivre l’idéal chevaleresque accompagné de votre âne qui saura devenir votre âme, non seulement dans les Collèges où nous nous devons de le forger, mais dans notre vie quotidienne. La chevalerie n’a peut-être jamais été tant d’aujourd’hui...

 

Jakin,

 

 

 

Commentaires

elena13 le 30-08-2015 à 11:26:21
Merci pour l'histoire !!!
jakin le 30-08-2015 à 10:17:45
Merci Mario pour ton soutien. Cette publication a fait l'objet de nombreuses conférences qui a suscité beaucoup de questions....La dernière fois que je l'ai présenté, c'est au Congrès du Grand Ordre Égyptien à Paris au mois de juin de cette année....
MarioB le 30-08-2015 à 06:23:58
Je crois que le message précédent est niais et très impoli envers une personne qui a fait un effort méritoire pour présenter un article intelligent et substantiel.
belleestlavie le 29-08-2015 à 22:12:26
bonsoir Armand,

j'avoue que je n'ai pas lu, c'est un peu long et je n'ai pas le courage.

Je te souhaite une bonne fin de soirée et un excellent dimanche.

Grosse bise

Cricri
MarioBergeron le 29-08-2015 à 18:47:18
Riches renseignements ! J'ai lu avec intérêt. Merci pour cet effort.