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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 23-04-2016 à 05:37:07

DE L'ALCHIMIE ARABE A L'ALCHIMIE CHRÉTIENNE, LE CENTRE DE L'ESPRIT

 
 

 
          Le doute préalable, la primauté accordée à la raison humaine ainsi que la généralisation d'un athéisme réactionnel, succède à l'édifice devenu chancelant du Moyen âge finissant. Parallèlement, dans le domaine des arts et des sciences des bouleversements profonds ôtaient peu à peu à l'homme l'idéal spirituel qui permit l'extraordinaire floraison gothique. La Raison s'oppose trop souvent à l'intuition, transformant radicalement la société.

     Le courant traditionaliste se trouva en opposition avec la vision dite "traditionnelle" du monde qui repose sur une certaine idée de la transmission des valeurs culturelles, sociales, morales et religieuses, sur laquelle repose l'héritage alchimique, dont il faut savoir qu'il est un tout cohérent qui doit être accepté en tant que tel pour être compris.

     C'est ainsi que les textes fondamentaux de la tradition hermétique véhiculent tous un même schéma général et font appel au même symbolisme, malgré quelques adaptations inévitables.

     Pour les alchimistes occidentaux, alchimie et christianisme sont le témoignage de la toute puissance du verbe créateur.

     A la lecture des textes classiques, ce qui apparaît avec certitude, c'est que l'alchimie est une gnose, c'est-à-dire une voie originale de connaissance salvatrice, voire rédemptrice.

     L'histoire nous prouve irréfutablement que certains ecclésiastiques s'adonnèrent parfois à l'étude alchimique, qui fut pour eux comme un complément vécu de la foi. Il n'y a pas de contradiction profonde entre l'idéal chrétien et la recherche du Grand Oeuvre d'alchimie.

     Les alchimistes ne manquèrent pas de constater que l'Art d'Hermès et la vie du Christ pouvaient donner lieu à des rapprochements, ce qui déclencha un courant d'idées d'une grande intensité en faveur d'une vision totale de l'alchimie, où les notions symboliques de l'hermétisme et du christianisme se trouvèrent étroitement fondues. Ainsi naquit en Occident, dès le Moyen âge, ce que l'on peut appeler l'alchimie chrétienne.

     Le plus ancien témoignage du parallèle "Christ/pierre philosophale" semble être contenu dans le Codicille attribué à Raymond Lulle (1235-1315). Dans l'Aurora consurgens, attribué à saint Thomas d'Aquin et daté du 13ième siècle, christianisme et alchimie sont également étroitement liés en une évocation de la résurrection des corps après le Jugement dernier.

     Orthélius, dans son commentaire des œuvres de Michel Sendivogius, écrit probablement à la fin du 16ième siècle, affirme : "L'esprit du monde qui était sur les eaux primordiales a couvé un germe, comme la poule sur l'œuf. Ce germe est la vertu qui se trouve au fond de la terre et plus spécialement dans les métaux ; et c'est l'art de séparer l'archaeus, l'esprit du monde, de la matière, et d'engendrer une quintessence dont l'action peut être comparée à celle du Christ sur l'humanité."

     Tous ces textes prouvent bien, à l'instar de beaucoup d'autres, que beaucoup d'alchimistes utilisèrent la tradition chrétienne pour voiler certaines phases opératoires de l'ouvrage au laboratoire, mais aussi pour donner à leur travaux une dimension véritablement universelle qui se voulait en totale harmonie avec la croyance commune.

     Sans doute influencé par Les Fables égyptiennes et grecques dévoilées de don Antoine Joseph Pernety (1716-1801), Eugène Canseliet, alla plus loin encore, en affirmant de façon quelque peu exagérée : "La mythologie, ses Dieux, ses Héros, à l'instar de la religion du Christ, des Apôtres et des fastes évangéliques, n'ont d'explication solide et de valeur réelle, que dans les indéniables et nombreux rapports qu'ils présentent avec l'Alchimie, ses matériaux et ses opérations".

     Profondément ancrés dans la culture religieuse chrétienne, les hermétistes du Moyen âge se sont ainsi démarqués de leurs homologues musulmans. A cette époque nous dit Carl Gustav Jung : "Dieu et ses mystères habitaient encore la nature, et le mystère de la rédemption se retrouvait à tous les niveaux de l'être, parce que, précisément, les phénomènes inconscients vivaient encore dans une participation paisible avec la matière et pouvaient être vécus avec elle".

     Plus que la recherche d'une légitimité sacrée, cette concordance procède d'une adaptation de la tradition chrétienne au patrimoine alchimique transmis par les Arabes.

     De cette osmose symbolique sont nés une iconographie et des textes profondément originaux qui conservent, aujourd'hui encore, tout leur intérêt.
 
Bibliographie : La voie de l'alchimie chrétienne, Séverin Batfroi, Le Mercure Dauphinois, 2005,2014.
 

Jakin,