Les couleurs qui marquent les temps de l'année liturgique chrétienne sont très significatives sur le plan symbolique, si l'on envisage leurs homologues au sein de l'Oeuvre d'Hermès.
Le blanc, se rapporte aux mystères joyeux et glorieux, aux fêtes du Christ et de la très Sainte Vierge, mais également par extension à celle des Saints. Le rouge, vient en rappel du sang versé par les martyres, que l'on utilise aussi pour l'exaltation de la Sainte Croix, ainsi que pour la Pentecôte. le vert, suit l'Epiphanie et la Pentecôte, alors que le violet marque le temps de l'Avent, du Carême et des jours de Vigile . Le noir, couleur caractéristique des ténèbres et de la mort, fait son apparition le Vendredi Saint, bien qu'il soit également employé durant les messes des morts. Quand à l'or, il peut remplacer toutes les couleurs liturgiques, le noir excepté.
C'est ce schéma qui a été repris par les alchimistes chrétiens, pour illustrer les différentes phases de l'élaboration de la pierre philosophale, souligné par les travaux d'Eugène Canselier dans "L'œuvre alchimique de la Sainte Messe".
Le rôle des ornements du prêtre, dans leurs rapports avec la symbolisme des couleurs, apparaît dès lors évident pour les tenants de l'alchimie chrétienne : de même que la voie humide offre dans les ballons en verre de l'alchimiste le spectacle des métamorphoses du composé et de ses visions colorées, ce sont ces ornements qui, tout au long de l'année liturgique, permettent aux fidèles d'accéder à cette même réalité symbolique.
L'alchimiste voit quant à lui dans ces couleurs la preuve extérieure des progrès faits par la matière soumise aux manipulations du Grand Oeuvre. Il semblerait que ce soit Bernard Le Trévisan qui ait introduit au 15ième siècle dans son Livre de la Philosophie naturelle des métaux la notion de "couleur de la pierre" : noire, blanche et rouge. La plupart des auteurs reprendront après lui cette classification de base, alors que d'autres l'enrichiront jusqu'à lui faire épouser le symbolisme des sept planètes, comme nous l'avons sur le Naos.
La Nativité demeure pour le chrétien l'un des grands mystères de l'Histoire Sainte. Selon la symbolique alchimique, la naissance du Petit Roi , devrait être précédée par la liturgie mariale, qui recèle tout particulièrement les mystères de l'élaboration du "Mercure des philosophes ".
Une des saisissantes évocations du livre d'Isaïe fut considérée par les alchimistes comme un arcane fondamental du Grand Oeuvre, auquel se rattachent la naissance surnaturelle du Christ et l'élaboration de la pierre philosophale.
Pour les alchimistes cette naissance est celle du petit poisson, de l'homunculus, c'est-à-dire plus exactement du tout petit individu minéral et philosophique, qui sera le germe de l'œuf fécondé.
Les alchimistes espèrent en découvrir le mécanisme secret dans les métamorphoses des minéraux soumis à de mystérieuses manipulations. L'âme du monde, vaste réservoir d'idées où les philosophes hermétiques pensent qu'il n'est nullement interdit de puiser.
Symboliquement pour l'alchimiste chrétien, le temps de l'Avent qui est celui de la venue, précède dans son microcosme minéral la naissance du baigneur hermétique qui est l'homologue minéral de l'enfant Jésus.
L'alchimiste qui vient d'achever avec bonheur le mariage philosophique de la terre et de l'eau, s'emploie, avec grande industrie, à aider la nature dans la lente procréation de l'embryon sulfureux grâce auquel il espère parvenir à la pierre philosophale.
Le violet, qui résulte du mélange du bleu mercuriel et du rouge sulfureux se rapporte à la violette des Sages au sujet de laquelle Fulcanelli disserta abondamment dans les demeures philosophales.
Dès lors, la signification de la couleur violette, utilisée durant cette période d'attente et de préparation, ainsi que pour le Carême, pourrait se rapporter à une substance indispensable selon les alchimistes aux toutes premières opérations. Nous entendons parler de cet influx cosmique qu'ils appellent parfois cervus fugitivus, cerf fugitif, qu'il est bien difficile d'apprivoiser si l'on en croit les textes classiques. La couleur violette est aussi celle que revêt "l'androgyne alchimique".
L'idée de proposer une même saison pour la nativité et l'élaboration de la pierre philosophale, a dû paraître séduisante aux alchimistes. Chacun sait en effet que la terre se repose en hiver. Or pour le philosophe par le feu, au nom dévolu à l'alchimiste, il ne saurait être question de s'activer auprès du fourneau alors que le vieux Démogorgon, gardien mythique des forces telluriques, sommeille dans les entrailles de la planète. Donc pour les hermétistes, la naissance du Christ ne peut avoir eu lieu qu'au printemps, correspondant au renouveau de la nature.
Pour certains alchimistes chrétiens, les choses sont beaucoup plus simple et évidentes : le Rebis , ou "petit être minéral" fruit de l'union philosophique du souffre et du mercure, se manifeste entre le Bélier et le Taureau astrologiques, c'est-à-dire au printemps. Quelques textes assimilent symboliquement "le bélier terrestre", qu'il ne faut pas confondre avec son homologue céleste et zodiacal, à l'âne, qui représente quant à lui la materia prima des alchimistes.
A la période nocturne de la grotte plongée dans une clarté latente, succède l'éclat de l'Epiphanie. Pour les alchimistes ceci répond à un adage devenu célèbre en FM de Basile Valentin : "Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem".
Traditionnellement, l'Epiphanie est l'occasion de goûter à la célèbre galette des rois dont le symbolisme alchimique fût développé par Fulcanelli, puis largement commenté par Eugène Canseliet. Fulcanelli affirme que le petit baigneur caché dans le gâteau est l'enfant royal qui confère à celui qui le trouve, la royauté symbolique. Devenu maître de l'Etoile (compos Stella), il n'aura plus qu'à nourrir son embryon pour le conduire à la résurrection ultime et salvatrice qui clôt le cycle des travaux alchimiques.
Ainsi, qu'il aient été catholiques ou protestants comme Michaël Maïer , les alchimistes chrétiens ont bien puisé aux mêmes sources scripturaires.
On conviendra aisément que ce sont là des analogies symboliques irréfutables, qui ouvrent un champ d'investigation d'une insoupçonnable originalité. Le Christ pierre philosophale est donc bien dans cette perspective l'agent de toute purification...
Bibliographie : La voie de l'alchimie chrétienne, Séverin Batfroi, Le Mercure Dauphinois, 2005,2014.
Jakin,
Commentaires
Bonjour Armand
les alchimiste on essayer de faire de l'or avec du plomb, sans réussir.
les chinois on fait de l'or avec du papier
Je te souhaite un très bon dimanche
Avec amitié
René
De bien savantes considérations. J'avoue que je n'avais pas fait le lien avec la couleur des ornements ecclésiastiques vouée aux différents temps liturgiques. Lesquelles couleurs me paraissaient presque touites évidentes : les ors, le blanc, le violet ou le noir, par exemple. Bon dimanche. Bien amicalement. Florentin
bon je reviendrai compliqué pour ce matin bon wk