posté le 06-08-2016 à 03:25:38
DES TÉNÈBRES A LA LUMIÈRE, PART-DONNER A LA MATIÈRE
La Rédemption peut être considérée par le chrétien comme un exorcisme à l'échelle humaine, attesté par la descente supposée du Christ aux enfers. Les héros des mythologies anciennes accomplirent parfois le même voyage que l'on retrouve à l'état allégorique dans certaines cérémonies d'initiation, ce qui pourrait conduire à penser, non sans raison, que Jésus est un avatar du héros.
Ce n'est qu'en quittant les ténèbres telluriques que le néophyte accède à la vraie lumière. C'est le fondement même du symbolisme du cabinet de réflexion dans le rite initiatique de la FM. Vaincre les ténèbres c'est vaincre symboliquement la mort, mais cette victoire est une "remontée", ce qui nécessite d'abord une descente vers les antres infernaux.
L'alchimie a également exploré ce domaine où les difficultés nombreuses et insurmontables en apparence ont toujours suscité les plus vives controverses, quand ce ne furent pas des divergences fondamentalement inconciliables. En tout cas, la justification de la mort est l'un des pôles de la recherche alchimique.
En effet, l'alchimiste chrétien considère que l'Art d'Hermès est la seule voie de rédemption possible, sans exclure toutefois le christianisme car on a considéré longtemps que hors de l'Eglise il ne peut pas y avoir de salut.
En partant de ce postulat, le travail de l'alchimiste consiste à capter et à retenir dans un sel de quintessence qui est la source de toute vie, dont l'application au corps humain permet la purification de l'organisme.
Ainsi, la portée universelle de l'enseignement alchimique indique quant à elle que le Grand Oeuvre, en dernière analyse, est une purification constante de la matière qui abandonne, tout au long de "l'élaboration philosophale", ses parties les plus terrestres, pour libérer son énergie spirituelle.
Toutefois, les traités alchimiques et la tradition chrétienne incitent à supposer qu'il pourrait exister un état de la matière qui échappe, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, à notre entendement.
Eugène Canselier affirma dans son étude consacrée au symbolisme alchimique de la Sainte Messe que "Chacun des fragments de la Pierre Philosophale recèle le Spiritus Mundi, c'est-à-dire le Verbe qui porte le Saint Esprit.
Cette brève analyse du phénomène de la mort, nous aura permis de constater que dans la perspective chrétienne et alchimique, la matière possède, malgré d'apparentes contradictions, une double nature : elle est à la fois une "prison", dans le sens gnostique du terme, mais elle est aussi un instrument de rédemption, à condition que la purification soit constante, jusqu'à l'obtention d'une substance sublimée, devenue apte à "révéler" l'Esprit.
Semblablement, les traités alchimiques évoquent une somme de manipulations indispensables propres à la voie alchimique dès le début des travaux du Grand Oeuvre. Ces purifications qui précèdent les exaltations des matériaux, sont symboliquement en tout point comparables aux sacramentaux.
L'alchimiste voit, pour sa part, le passage de la matière philosophale par le creuset chauffé au rouge, une nécessité opératoire. L'institution des Sacrements correspond donc pour l'alchimiste chrétien à la mise en œuvre du mode opératoire du Grand Oeuvre au niveau humain.
Ainsi donc, conformément à la démarche alchimique, c'est par la purification de la pénitence que le chrétien accède à la sanctification du baptême, suivie de la fixation de l'Esprit Saint que confère la confirmation.
L'alchimie, appelée aussi "Art Sacerdotal", essaya de répondre aux questions nombreuses posées par l'impermanence de la nature humaine alors que le Christianisme se veut une voie de rédemption collective - alors que pour l'alchimiste elle ne peut être qu'individuelle.
Pourquoi chercher la pierre philosophale dans un effort visant à développer l'aurum non vulgi, l'or vrai de la connaissance, si la spiritualité chrétienne traditionnelle pouvait accomplir cet opus ?
C'est sans doute que la foi du charbonnier ne satisfait pas tout le monde et que la nature pose trop de questions passionnantes pour que l'on se cantonne à la seule pratique religieuse, qui peut paraître trop servile et naïve.
Certes l'alchimie a gardé intacte sa capacité de séduction. Et le but de toute quête initiatique est de connaître pour se connaître, et de comprendre pour percer enfin le mystère de la vie ; donner un sens à une existence qui semble s'écouler inexorablement, et enfin accepter sa condition afin de rencontrer, au bout du chemin, l'Ineffable et part-donner à la matière.
Bibliographie : La voie de l'alchimie chrétienne, Séverin Batfroi, Le Mercure Dauphinois, 2005,2014.
Jakin,
Commentaires
Bonjour Armand
un fort beau billet....merci
Avec amitié
René