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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 07-07-2018 à 06:32:42

LA MAISON DIEU OU L'ATHANOR...

 
 

 
          Une tour couronnée s'ouvre à son sommet. Par cette ouverture s'échappe un faisceau de flammes bleue qui monte jusqu'au Soleil (Dodal). Ou plutôt un arc de flemmes bleues relie le soleil à la tour. Le bleu de ces flammes éclaire par l'intérieur les trois fenêtres de l'édifice. Des boules de lumière, bleues, or et rouge, restent en suspension dans l'air. Elles emplissent tout l'espace. Deux personnages semblent au premier regard chuter du haut de la tour, faisant ainsi référence à la tour de Babel et au châtiment divin qui vint punir les orgueilleux constructeurs.

     Dans le tarot ancien de Marseille : Admirable arcane 15 ! Comment ne pas s'extasier d'abord au titre de la lame : "Maison dieu" qui pourrait être celui d'un poème des Surréalistes ou même de Mallarmé, sans parler de Gérard de Nerval. Et puis comment ne pas s'extasier ensuite au vu de cette lame qu'on pourrait croire peinte par un Dali ?

     Une tour décapitée par un feu empanaché à caractère Divin. Il émane de la partie supérieure droite de la lame "Le père céleste". Deux personnages en tombent, accompagnés dans leur chute par de gros confettis bleus, rouges et blancs, soit les trois états de la matière, souligné par 3 ouvertures sur la tour. C’est ici l’échec de l’entreprise si le feu n’a pas su être adapté à l’opération en cours, ou si, tout simplement la sincérité du cherchant a été prise en défaut.

     Les apprentis alchimistes sont renvoyés a la terre, en quelque sorte, à leur point de départ. Dans la désignation de la lame Dieu est écrit avec un V, ce qui n’est pas sans nous interpeller et nous ramener à la lame 5, c’est à dire au Maître bien veillant qui a délivré son enseignement ou ses conseils qui manifestement ont été mal suivis, mal compris ou encore mal employés. 13 Pastilles rouges ( 13 la fin, 4 la matière) 13 Pastilles blanches (Idem) 11 Pastilles bleues 2 la dualité. Soit au total 37 c’est à dire, 3 + 7 ( soit 10, le retour à l’unité).

     Plusieurs structures peuvent être analysées dans cette image :
- La tour. Elle représente l'athanor des Sages et peut être comparée à celle où est enfermée Danaé avant d'être fécondée par Zeus, dissimulé en pluie d'or ; on trouve l'image de la tour dans l'iconographie alchimique dans l'un des caissons, par exemple, de la galerie alchimique du château de Dampierre-sur-Boutonne. Ou encore dans la planche 14 du Mutus Liber. Cette tour représente donc l'une de celles qui ornent le Palais fermé du Roi de Philalèthe.
- Les deux personnages : ils représentent les matières qui tombent, c'est-à-dire qui dégoûtent  par le biais d'un trait de cabale entre le verbe cado et cassito (tomber, dégoûter) ; en bref, il s'agit d'une indication sur des matières rendues liquides et fluides par l'intermédiaire de la chaleur, c'est-à-dire du feu secret des Sages. On distingue à droite le Soufre (couleur rouge) et à gauche le Corps (couleur bleu).
- Le faîte de la tour : c'est une couronne qui est soulevée par la foudre. On sait que les alchimistes désignent en principe trois couronnes de perfection. Ces couronnes apparaissent sur le magnifique emblème de Limojon de saint Didier. Ce n'est donc certes pas la 3ème couronne de perfection que nous apercevons sur la lame 15. En effet, son basculement montre que l'union radicale des principes (Corps et Âme) n'est pas réalisée de façon radicale ; cette scène singulière semble donc intervenir à une époque de l'œuvre intermédiaire entre le gris et le blanc, c'est-à-dire entre le régime de Jupiter et celui de la Lune.
- La foudre : Or, en quoi, au fait, consiste cette réincrudation ? Fulcanelli a écrit dans le Mystère des Cathédrales, qu'il fallait que l'Artiste trouve un rayon igné et qu'il l'incorpore au sens propre du terme dans un écrin approprié. C'est ce rayon igné qui est désigné par cette foudre, qui est celle de Jupiter, dont c'est précisément le régime planétaire, qui est évoqué. Mais, on n'a jamais vu de foudre capable de "décapsuler" le faîte d'une tour. Il semble que les commentateurs de cette lame n'aient point émis l'hypothèse selon laquelle ce n'est pas la foudre qui jaillit du ciel pour s'abattre sur l'athanor, mais que, bien plutôt, elle en sort et qu'elle fait ainsi jaillir le sommet de la tour, comme lors d'une éruption volcanique de type explosif.  Et ces sphéroïdes sont les débris du Soufre, encore non réincrudés comme l'attestent les trois couleurs de ces taches qui constellent le ciel.

     Quelle interprétation faut-il donner de cet ensemble magistral ? Que l'artiste à qui nous devons cette lame prévient charitablement l'étudiant contre le danger qu'il y aurait à se précipiter et à trop pousser le feu, car à la vérité, ces sphéroïdes sont les fleurs brûlées du souffleur plus avide d'or que de connaissance ; il n'aura pas su contenir la vigueur de son Mercure et laisse se sublimer en un éclair et son Esprit et son Âme, faute d'avoir su comprendre qu'entre la Vierge et le Sagittaire, il fallait passer par le Verseau, c'est-à-dire par l'arcane 14.

      Dans le Tarot des Alchimistes : Dans ce creuset l'être est d'une double nature. Les deux opposés se dégagent du dragon qui les supporte, leur union va être célébrée. Mais ce qui se passe au dedans n'est pas sans interférer avec l'extérieur. L'athanor est une forteresse, mais elle a ses failles et l'éclair peut aussi bien venir la détruire de l'extérieur, que représenter une jaillissement intempestif de pulsions internes.

     L'eau et le feu sont présents en bas et en haut, bien que s'exprimant différemment, ils se combinent de part et d'autre à la terre comme au ciel. La conduite de l'œuvre est entre les mains de l'alchimiste dont les sens sont en éveil. Il doit mesurer son action pour ne pas se brûler les ailes et retomber comme Icare dans les eaux troubles.

     L'alchimiste a pris conscience des aspects négatifs, des effets destructeurs, qui sont les conséquences de la hâte, de la vanité ou de l'orgueil.

     Mais il ne faut pas oublier non plus que "Maison Dieu" depuis le Moyen Age, désigne un refuge, un endroit protégé et protecteur. C'est sans doute là d'ailleurs le sens originel véritable de l'appellation de cette lame.

     Au Laboratoire : Pour débuter la Grande coction, l'athanor devra tout d'abord distribuer une chaleur douce, à température de couveuse. Les alchimistes disent qu'ils ont remis l'enfant dans le ventre de sa mère, ou que "le poulet germe dans l'œuf". Pour l'instant on peut observer des vapeurs sombres monter dans le vase puis retomber en pluie de sang tandis que le magma paraît devenir noir, de plus en plus sombre.

     Lors de cette opération les risques peuvent être limités en étant vigilant quant au maintien de la température ; le moindre coup de feu peut provoquer des réactions désastreuses remettant en cause la totalité du travail jusqu'alors effectué.

     Architecture cosmique et recherche Géométrique : En ce qui concerne l'architecture, la lunette est un terme d'architecture désignant une portion de voûte en berceau. Elle a pour fonction de donner de la lumière en dégageant les parties hautes de la baie. Il appartient à chacun de chercher le tracé...

     Penchons-nous maintenant à nouveau attentivement sur la partie inférieure de cette lame (Dodal). Nous distinguons alors au-dessus de la tête du personnage de droite, celui dont on ne voit que le haut du corps, une paire de lunettes, qui évoque celles que l'on utilisait déjà au début du 15ième siècle. Ces lunettes nous guident : elles nous suggèrent de chercher un moyen d'optique, indication qui se relie au sens du mot ayin, "œil".

     Les personnages sont des constructeurs à l'œuvre, ils sont en train de prendre des mesures. Ils ne sont pas en train de tomber, malgré leurs postures bizarres qui sont là pour empêcher les profanes d'aller au-delà du premier niveau de lecture.

     Commençons par le personnage de gauche, celui sur lequel se trace le ayin. On découvre divers éléments signifiants :
- Son œil se trouve dans le prolongement d'un arc de cercle qui forme un angle avec le segment de droite posé sur le sol.
- A la place de ce qui devrait être son bras et sa main gauche se trouve tout en bas de l'image une curieuse image qui pourrait faire penser au reflet de l'angle dans une coupe remplie d'eau.
- Son pied droit, qui se détache sur le sol jaune, longe une ligne oblique tracée par des segments de droites parallèles. Cette ligne oblique semble tracer une diagonale sur le rectangle jaune délimité en haut par la surface du sol, en bas par la ligne de démarcation entre la partie jaune et la partie verte du sol, les deux petits côtés étant marqués d'un côté par le bord de la tour et de l'autre par le bord de la carte.

     Le pied, cette unité de mesure, qui longe la diagonale, confirme cette idée de géométrie.
- Il semble de plus se refléter sur la partie vert sombre du sol sous la forme d'une petite ellipse (comme le contour d'un œil) tracé en noir.

     Passons au personnage de droite : La tête de ce personnage, surmontée d'une paire de lunette, se découpe sur une surface aussi lisse que celle des verres des lunettes. Ce personnage semble regarder dans cette surface lisse, surface évoquant un plan d'eau ou un miroir. Son regard se dirige vers ce qui ressemble à première vue à la tige d'une plante, peut-être d'une fleur. Mais cette plante est curieuse : d'un côté sortent deux fragments de droites parallèles et de l'autre deux arcs de cercle concentriques. Quant à la main du personnage, elle semble indiquer en tout cas les deux arcs de cercle. En fait, nous allons voir que chacun des deux personnages nous donne une méthode destinée à mesurer la hauteur d'un édifice.

     Le personnage de gauche nous enseigne le triangle de visée tel qu'on le trouve dans le carnet de Villard de Honnecourt. Cependant, tout est inversé car le personnage est tombé. Il s'agit d'appliquer à la mesure de la hauteur de la tour la méthode des triangles semblables suivant la figure 4.

      Le personnage de droite nous enseigne la méthode du miroir. Il mesure également la hauteur de la tour, par le procédé indiqué par Gerbert (Sylvestre II) à l'aide d'un miroir, comme l'a expliqué Marie-Thérèse Sarrade .

     Tarot, Alchimie et Franc-Maçonnerie nous indique que l'œuvre intérieure comprend deux aspects contrastés : une destruction et une édification. Le contact avec l'archétype entraîne l'envahissement de la conscience du SI? par une énergie qui en excède sa capacité. L'être a du mal, dans un premier temps, à s'élargir à la dimension qui lui est offerte. Il en résulte un malaise, un trouble, un déséquilibre. Après le "Solve" alchimique, le "Coagula" viendra réaliser la solidification, la matérialisation de l'esprit, la pierre de sagesse.

     Par ailleurs, la tour de la Maison Dieu avec toutes ses pierres symbolise le travail collectif et l'union de tous les FM qui repose sur la pierre de fondation. Ce n'est qu'au 21ième degré du REAA qu'apparaît l'histoire de la tour de Babel et de Phaleg (l'architecte) qui par en exil vers les contrées du Nord où il finira ses jours dans le repentir. La tour de Babel est à la fois symbole de perfection et d'élévation, mais aussi d'orgueil. Or la première vertu du maçon est l'humilité que symbolise son passage par la porte basse.

     Enfin sur un plan plus ésotérique, si la tour semble flamber du feu bleu céleste de la colère de l'Eternel, en fait l'ouverture du haut de la tour, de sa couronne Kétér, symbolise l'ouverture du ciel, l'illumination , la réception de l'esprit divin. On pense aussi au coup de maillet donné sur le front d'Hiram qui ainsi accède à un état supérieur...
 

Jakin,