Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
posté le 22-09-2018 à 05:10:03
L’ÉTOILE
L'Etoile est belle et innocente... Elle apporte la chance, disent les recueils de cartomancie. Par elle les choses se réalisent dans l'ordre naturel "grâce aux influences astrales". Au contraire de l'arcane précédent qui stigmatisait les moyens artificiels employés pour s'élever, l'Etoile de la 17ième lame a pour fonction de guider et d'entraîner le psychisme dans un mouvement ascendant naturel.
Les étoiles sont des repères qui permettent au voyageur d'orienter sa marche. Elles peuvent être un signe ou un indice conduisant vers un but comme cela fut pour les Mages qui se rencontrèrent apportant de régions différentes leurs précieuses offrandes. Les anciens avaient remarqué la fixité de la polaire qu'ils considéraient comme un pieu autour duquel le monde peut tourner. C'est le grand axe de l'univers, cible sur laquelle le marin fait le point dans son isolement, ou vers laquelle les mages portaient leurs précieux trésors.
Dans le Dodal primitif : Une jeune femme nue, aux longs cheveux blonds, le genoux gauche à terre, verse le contenu de deux cruches dans un fleuve ou un bassin. Son ventre est bombé : peut-être est-elle enceinte. Le nombril, bien visible, a la forme d'une bouche, dont on voit nettement les deux lèvres. Une curieuse petite tige, terminée en bourgeon, semble sortir de son flanc droit. Un autre bourgeon, beaucoup plus gros et de couleur rouge, se dressant sur la pente d'un talus, lui fait écho.
A hauteur de sa tête, un corbeau, perché sur un arbuste, a le bec ouvert. Une grosse étoile à seize rayons, huit jaunes et huit rouge, entourée de sept étoiles plus petites, surplombe le tout. Parmi ces sept étoiles, quatre ont huit branches et trois en ont sept.
Dans le Tarot ancien de Marseille : Le personnage est nu, preuve d’un dépouillement certain, correspondant à une démarche volontaire d’évolution par la connaissance, la gnose, un genou en terre, en signe d’humilité. Il est encore question d’affinage, de purification, mais cette fois un rapport direct est fait avec l’eau, les deux récipients sont identiques, de couleur rouge, c’est la même opération, nous approchons du but final, les astres sont avec nous, les énergies cosmiques sont présentes, à l’horizon, du côté gauche de la lame, un arbre sur lequel se tient un oiseau noir, allusion au corbeau ou beau corps qui deviendra pierre de projection, réalisant la transmutation, preuve indubitable de la réussite de l’entreprise. 7 étoiles dans le ciel encadrent une étoile double dont le fond est rouge et la face or, l’allusion à l’or qui naît de la pierre est, une fois de plus, clairement montrée, les 7 étoiles en sont les phases de travail, nécessaires et suffisantes à l’accomplissement de l’œuvre.
Dans le Tarot des Alchimistes : La jeune fille est représentée ici dans une position similaire à celle du Tarot de Marseille. Nue comme une vérité, elle ne sort pas d'un puits mais elle fertilise d'une eau lustrale le lieu qui l'entoure. Ce fluide cosmique se répand sur le terrain comme une eau vive et imprègne la matière. Le fluide déversé devient le reflet terrestre de la couronne étoilée.
Cette carte est nommée Les Etoiles au pluriel car c'est le nom que donne l'alchimiste à cet instant où de multiples éclats apparaissent dans le vase. Cancelier, dans son expression lyrique, parle alors de "l'éblouissante polychromie de la fusion féconde". Le firmament rayonne effectivement de sa splendeur, semblable à une queue de paon déployée. Les yeux sur ses plumes rappellent les milles regards d'Argus, ceux dont Hermès prit possession. Par ce fait le Dieu messager acquit le don de vue totale et de connaissance absolue en tous domaines.
Court de Gébelin voit Isis, en train de verser le contenu de deux vases : le liquide qui sort de l'un est bleu, et dans l'autre est brun. De part et d'autre de ce visage féminin, un arbre ; dans le ciel, une étoile multicolore, très brillante et trois étoiles plus petites, là encore symétriques. Au total sept étoiles. En bas, un fleuve qui semble d'écouler en ondes tranquilles. L'impression que l'ensemble est empreint de sérénité ; tout cela évoque l'eau minérale, étoilée et métallique d'une part ; et la rosée de mai d'autre part. Les sept étoiles représentent les fruits de l'Arbre solaire, c'est-à-dire les Soufres sublimés. On remarque aussi un oiseau noir qui s'est posé sur l'arbre qui est à la gauche de la jeune femme. Cet oiseau n'est pas le corbeau. A ce stade de l'œuvre, la putréfaction est passée depuis bien longtemps ; cet oiseau, c'est le vautour dédié à Apollon (Signe du Capricorne - cf. Atalanta, XLIII) : "Prête l’oreille au vautour qui parle : il ne te trompe nullement".
Quoi qu'il en soit, la grande étoile a deux couleurs, l'une jaune, l'autre rouge ; on y a vu la nature humaine et la nature divine. Nous y voyons plutôt la nature soufrée (l'Âme) et la nature aérienne (l'Esprit), ces deux natures étant entrelacées à cette époque de l'œuvre (la réincrudation est prochaine - cf. Atalanta, XLIII). Notez encore que ces étoiles sont à 7 rayons (celles situées en haut de la lame) tandis que les autres sont à 8 rayons. Les étoiles à 7 rayons ou à 7 branches constituent en général le symbole du Soufre ; l'étoile radiante à 8 branches possède la valeur de médiation entre le carré et le cercle, c'est-à-dire entre la Terre et le ciel ; c'est le signe du dissolvant exprimant le fixe et le volatil, la double nature du Lion vert, tantôt étoile, tantôt fleur.
Il y a ici 5 étoiles à 8 branches ; ce nombre 5 est l'expression de la quintessence, définie en alchimie par la chaux dissoute à l'ouverture du métal (ou à sa "mort" symbolique, ce qui veut dire la même chose). Cette lame illustre bien toutes ces influences cosmiques qui jalonnent les vieux textes alchimiques, influences d'ailleurs tout à fait allusives, puisque c'est par cabbale que les Adeptes veulent en parler.
Il y aurait beaucoup à dire sur le parallèle à établir ici entre le magistère considéré en lui-même et l'influence qu'il exerce sur l'esprit de l'alchimiste. Carl Gustav Jung, dans son Psychologie et Alchimie (Buchet-Chastel,1970), nous a laissé mille pages là-dessus avec de très nombreuses illustrations et une bibliographie complète.
A noter que les anciennes cartes de Noblet et Dodal sont fautives, car l'on n'y rencontre pas le nombre de rayons indiqués pour les étoiles. Seule la version de Nicolas Conver (Marseille, 1760) est conforme à la cabale hermétique.
Au laboratoire : A ce stade on voit apparaître une multitude de petites étincelles dues à la réaction du potassium qui reste contenu dans le soufre philosophique. La matière elle-même prend des teintes chatoyantes qui ravissent le regard de l'artiste... cet éventail de diverses couleurs est dénommée "Queue de paon" par les alchimistes. C'est le signe de Vénus. La chance sourit à l'artiste qui constate l'évolution favorable de l'œuvre.
Architecture et recherche Géométrique : Au premier sens de lecture nous comprenons qu'il s'agit d'une étoile, nous pouvons aussi comprendre que le mot "toile" peut évoquer sans difficulté le mot "taille" ou "le taillé", autrement dit "ce qui est taillé", puisque l'on a très longtemps écrit un "o" là où nous mettons un "a", par exemple "françois" au lieu de "français". "Toille" fait donc référence à la taille des pierres ou du bois.
Or si nous regardons attentivement le corps de la femme figurée sur cette lame, nous remarquons qu'il est bizarrement taillé, en particulier au niveau de la cuisse et du genoux gauche, qui évoque une pierre taillé en courbe. Mais l'un n'empêche pas l'autre, comme toujours dans le symbolisme.
La toille est aussi l'étoile. Mercure symbole du verbe, Vénus l'étoile du matin qui dans l'Apocalypse désigne le Christ. Mais le Christ qui est lumière est aussi notre étoile, le Soleil. C'est pourquoi, dans l'Apocalypse encore, la Vierge est enceinte du Soleil, le Christ, ce Soleil de Justice.
Le petit corbeau juché sur un arbuste nous donne un terme d'architecture : le "corbeau". Du vieux français "corbe", "courbe", il désigne une pierre en saillie sur l'aplomb d'un parement, arrondi par-dessous en forme de console. Or, écrit Trintignac dans son ouvrage Découvrir Notre-Dame de Chartres, "la grande précision du à la taille du corbeau témoigne de son importance". En fait, cette pièce serait en quelque sorte la signature du maître et de son équipe. On comprend donc pourquoi le nom donné à cette carte évoque la taille de la pierre.
Mais on peut en dire autant des moulures qui, suivant leur emplacement, peuvent se nommer "lèvres" ou "becs".
Le corps de la jeune femme montre des "anomalies" qui en fait sont des clefs suggérant des tracés : sa cuisse gauche, d'une grosseur disproportionnée, fait penser à une pierre arrondie et polie. Ses "talons" sont mis en évidence et les orteils du pied droit effleurent une curieuse courbe.
Ainsi, la figure du petit corbeau, s'ajoutant à l'importance du talon et à la courbe surmontant le pied de la jeune femme, suggère que cette lame pourrait être un mémo pour tracer un corbeau et le tailler. Notamment un corbeau dit "en talon", comme celui du dessin : A est le corbeau et b la queue. Il est clair que cette lame est un mémo pour tracer un corbeau et le tailler...
Tarot, Alchimie et Franc-Maçonnerie : Après l'irruption du divin en lui donné par l'ouverture de la Maison Dieu, le Maître va pouvoir faire naître le Verbe en lui. MB, que l'on prononce Moa Bon est le mot substitué du Maître car le "Mot", la "Parole" est perdue. Et Moa Bon, c'est Ma Ha BN soit, en hébreu : "Qu'est-ce que (Ma) le (ha) BN (beith noun) ?" BN pouvant se traduire par "l'intelligence" (Binah), le "fils" Ben, "l'architecte" (Boneh), la "pierre" (eben) ou encore par "l'édifice" (binyan).
Autrement dit, le maçon doit s'interroger sur la question : "Quel est le fils que vous devez faire naître en vous ?". Reprenant le grand Kabbaliste Aboulafia, il peut répondre que "son âme en recevant la Sagesse c'est fait féconder par la Connaissance engendrant la compréhension et la sagesse dans les pensées de son âme". En clair, l'âme doit devenir enceinte du Verbe.
Les apparences sont parfois trompeuses et cachent des situations embrouillées. Le fil affectif que l'on croit pouvoir suivre est fragile s'il est rattaché qu'à des éléments du passé et de la mémoire. Il y faut un lien plus fort, une volonté autre que sentimentale, rattachée à une source située au-delà de soi et appartenant à l'universel plutôt qu'au temporel. Ce qui suppose de la part de l'être, sinon un détachement accepté ou voulu, du moins une position de recul, une distance prise par rapport au quotidien de la vie. Alors des lumières d'espoir alternent avec des périodes de dépression... Mais l'étoile guide l'esprit.
Mes BASS? et mes BAFF? suivons notre Etoile...
Jakin,