posté le 24-11-2024 à 08:57:07
SYMBOLISME ET HERMÉTISME - LE PETIT CHAPERON ROUGE
En étudiant le Petit Chaperon Rouge, selon l'approche symbolique de Richard Khaitzine, auteur "Du Symbole renouvelé" à propos de l'œuvre de Louis Cattiaux, nous ne céderons pas à la mode, hélas déplorable, qui veut voir dans chaque écrit des implications freudiennes. Son interprétation de ce texte est à des millions d'années-Lumière des analyses "psy" faisant les beaux jours et l'escarcelle bien remplie des Jivaros urbains.
N'en déplaise aux spéléologues de la libido, l'histoire du Petit Chaperon Rouge ne fait nullement référence à nos complexes ou à nos frustrations. Le Loup n'est pas la bête, le mâle aux instincts brutaux, l'image de l'homme sadique qui exige son tribut, celui du sang ou du sexe. Le Loup mis en scène par Perrault, n'a que peu de points communs avec ces derniers. En fait, il s'agit d'un loup trompeur, ainsi que le signifie le nom du fils de Pélagos : Lycaon . Ceci nous incite à aller vérifier du côté des mythes grecs.
Le loup dans les textes hermétiques, est toujours pris pour le symbole du mercure des Sages, l'agent mystérieux capable d'ouvrir les métaux, de les rendre philosophiques, propres à servir dans la suite du processus. Les fêtes qui étaient, autrefois, consacrées au loup vert, en France, sont éloquentes concernant cette fonction puisqu'elles s'entendent par l'ouvert.
Ce loup, que caractérise sa voracité, l'étymologie va nous en donner une idée plus précise. Vorace, provenant de vorax, acis (acier, acérer), nous sommes en présence d'un vinaigre, ou vin aigre qui pour les anciens, désignait les acides et les acétates. Toutefois acis renvoyant à tous ce qui est pointu, nous sommes certainement en présence d'une métaphore. Les loups n'étaient-ils pas représentés hurlants à la lune ?
Nos ancêtres devaient parfaitement connaître les étranges pouvoirs de ce mystérieux loup vert ; en témoignent certaines traditions populaires qui subsistaient encore à la fin du 19ème siècle. Ce loup vert n'est pas sans rapport avec les feux de la Saint jean.
Les Textes hermétiques font fréquemment référence à un feu qui ne brûle pas les mains ; telle était la réputation qu'avait celui de la Saint Jean, lorsque les jeunes gens des deux sexes sautaient par dessus les flammes. Ces sauts n'étaient pas toujours innocent et ce bondissement marquait bien souvent des fiançailles. Manifestement, le feu de la Saint Jean faisait office de médiateur présidant à l'union des futurs époux. Or dans le second Œuvre, c'est exactement le rôle du sel, unique instrument d'une harmonie durable, l'instigateur d'une paix stable et féconde en résultat heureux. Ce loup vert ou sel vert, encore dénommé Vitriol, c'est l'Esprit Universel, et au milieu du 19ème siècle, il était fêté la veille du 24 juin.
La Mutation des consciences et la transmutation alchimique ont conduits les hommes éclairés à cacher les savoirs traditionnels dans les contes de fées. Pour autant il ne faudrait pas croire qu'un conte contienne l'intégralité du déroulement des phases du Grand Œuvre. En fait, le processus en a été judicieusement fragmenté, chaque conte ayant pour fonction d'illustrer un point particulier, voire plusieurs points. Nous allons nous efforcer de dégager du Petit Chaperon Rouge quelques-unes des informations hermétiques sous-jacentes.
Á la base de l'œuvre se situe ce que les textes nomment le premier mercure, lequel se présente toujours sous l'aspect salin, de consistance dure. Toutefois, en l'état, ce premier mercure ne serait d'aucune utilité. Il faut l'animer. Cette animation se pratique grâce au mercure des métaux - l'Esprit vital de l'Univers. Ce premier mercure, ou médiateur, dans les contes, est fréquemment figuré sous l'identité d'un loyal serviteur. C'est lui la clef permettant d'ouvrir la porte du sanctuaire.
Car il ne faut pas s'y tromper, ce médiateur est réellement une lumière qui éveille l'intelligence de la matière en même temps que celle de l'opérateur. Dans ce conte, cette clef, ou cheville de l'Œuvre se trouve à peine voilée dans le terme de chevillette qui ouvre la porte de la maison de la grand-mère. Mais cette clef, profitable au sage, peut se montrer redoutable, causer la ruine des imprudents ou des insensés.
La couleur noire, dans le conte qui nous occupe, est figurée par la maison de la mère-grand où le loup dévore le Petit Chaperon Rouge. C'est que le mystère de la vie, et par conséquent de toute génération, se situe dans la mort, dans le cycle de la décomposition. Solve et Coagula (dissous et coagule) telle est l'injonction classique par laquelle les vieux maîtres résument le principe de base de l'Alchimie.
D'autres indices nous indiquent que nous sommes bien en présence d'un texte véhiculant des informations de nature ésotérique. Perrault utilise le mot chaperon dans le sens d'une bande d'étoffe servant de coiffure aux femmes. Un bandeau susceptible d'évoluer en nous incitant à lire un phylactère (en grecs : garder, préserver et conserver).
Quel sens devons nous donner au petit pot de beurre et à la galette que le Petit Chaperon Rouge va porter à sa mère-Grand ? En terme de chimie le beurre désigne les chlorures métalliques. Quant aux alchimistes, ils firent du beurre l'image de la Matière des Sages en raison de l'aspect visqueux de cette dernière et parce qu'elle se sépare de son eau, comme le beurre du petit-lait.
La galette nécessite quelques développements. Nous savons que l'Alchimie repose sur l'obtention du mercure ou dissolvant. Tout le travail de l'art consiste à évertuer ce mercure jusqu'à ce qu'apparaisse le signe attendu marquant l'aboutissement. En jouant sur les mots, les vieux maîtres ont appelé ce signe Sceau d'Hermès, Sel des Sages, Étoiles des Mages ou Polaire.
Or, le signe se traduit par une disposition géométrique ressemblant à des lignes entrecroisées, celles qui pouvaient se voir, nous dit la légende, sur la Ceinture d'Offerus . Ces lignes entrecroisées sont justement celles qui se retrouvent sur la Galette des Rois. La Galette, signée comme la matière alchimique, contient dans sa pâte le petit enfant populairement dénommé baigneur. Ce baigneur, c'est l'or dans son bain, c'est la fève, c'est aussi le poisson qui nage dans la mer philosophique des alchimistes. La Pierre des Philosophes dans son premier état parce que la pierre, comme le poisson, naît dans l'eau et vit dans l'eau. Une allégorie, souvent usitée par les auteurs de textes hermétiques, conseille de saisir ce poisson à l'aide d'un filet ou d'un rets délié, ce qui est une image exacte des mailles formées de fils entrecroisés, schématisées sur la galette des Rois.
Enfin, nous soulignerons que le conte rédigé par Perrault n'expose que le début de l'Oeuvre. Une tradition orale populaire crut bon d'y ajouter un chapitre. Le loup, ayant dévoré la mère-grand et sa petite fille, est pris en chasse. Il est abattu par des chasseurs, lesquels lui ouvre le ventre et en extraient ses deux victimes qui reviennent à la vie. La mère-grand étant un avatar de la Grande Mère des Dieux, autrement dit la terre, l'allusion est aisée à comprendre. Cette tradition nous parle bien de la préparation de la matière brute et minérale et de son ouverture. Gageons que le loup était vert de trouille - ou l'ouvert. Quant au Petit Chaperon Rouge, il sortit vraisemblablement de cette aventure transformé, et pour tout dire philosophique, puis plus sage... comme le Mercure !
Le Petit Chaperon Rouge peut se lire notamment sur le plan astronomique. Lorsque l'histoire débute, nous sommes à la fin de l'hiver, au début du printemps, époque à laquelle la partie triangulaire supérieure de la constellation de la Vierge se lève dans le soleil couchant. Cette Vierge c'est la fillette du conte de Perrault. Elle quitte le domicile maternel afin de traverser la forêt où l'attend le loup. Cette forêt symbolique, c'est la Voie Lactée où se tient la constellation du Loup. La galette du Petit Chaperon Rouge n'est autre que la couronne boréale. Quant au petit pot de beurre, il faut l'entendre comme un produit de la vache, autrement dit la constellation du Bouvier.
Lorsque le Petit Chaperon Rouge arrive près de la demeure de sa mère-grand, il se produit une transformation, une transmutation. Sur la porte : Orion, il y a trois étoiles, lesquelles forment la bobinette qui permet d'entrer. Le Loup, constellation située entre Antarès du Scorpion (étoile rouge) et Alpha du Centaure, se couche à l'horizon. Il est couché quand la Vierge arrive, elle aussi, vers le couchant. Dans le ciel, il n'y a plus que la Couronne boréale et le Bouvier.
La tradition orale, par des associations phonétiques, a favorisé la transmission de certaines connaissances. La fidélité parfaite de la transmission a permis, sous le couvert de mots ordinaires, la survivance d'un symbolisme indispensable aux futures générations.
La répétition suspecte des termes bobinette, chevillette et cherra, incite à se montrer attentif. Ces trois termes, par le jeu de l'à peu près phonétique, laissent deviner : bovin, cheval et chèvre. Or le Bœuf, le Cheval et la Chèvre sont réellement les constellations qui encadrent la porte de la mère-grand. Sans doute les rédacteurs premiers de cette allégorie entendaient-ils souligner, également, la forme astronomique du soleil couchant sur la pointe de la constellation de la Vierge qu'il coiffe d'un petit chapeau rond rouge, devenu par déformation le Petit Chaperon Rouge.
Le Voyage Hermétique continu avec le Chat Botté et Peter Pan, mais se sera pour une autre fois...
Jakin,
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