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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 18-12-2024 à 16:10:45

LA GEOMETRIE SACRÉE AUX PORTES DU TAROT

 
 
 



          Au Moyen Age les textes alchimiques sont assez fréquemment accompagnés de dessins, figures ou schémas, qui peuvent considérablement aider à la compréhension du message, à condition que le cherchant connaisse déjà les rudiments de celui ci. Il faut aussi posséder un bagage de références culturelles souvent très vaste et être rompu à la gymnastique qui consiste à articuler ensemble les différentes parties de l'image.

La Rose-Croix et la Franc-maçonnerie font partie avec l'alchimie, plus ou moins implicitement, d'un vaste courant de pensée s'appuyant sur un fond commun de traditions spiritualistes utilisant couramment l'analogie comme outil ou moyen de transmission.

La première étude du jeu de tarot présentant celui-ci comme une synthèse hermétique fut faite par Court de Gébelin. Celui-ci est un maçon convaincu et actif, considéré comme l'un des esprits les plus érudits de son temps. Il souhaitait réunir l'ensemble des connaissances humaines en remontant à leurs sources.

Il espérait ainsi démontrer qu'il y a un point commun à l'origine de tous les langages, des écritures et des mythes. C'était un peu l'ancêtre des linguistes qui actuellement encore, depuis Saussure , recherchent les correspondances à l'origine des langues.

En alchimie, le texte, comme l'image, ont un langage dont le but
est de transmettre, sous le voile de leurs structures particulières, une révélation qui ne peut être reçue que selon le seuil d'éveil intérieur. La littérature alchimique ne s'adresse pas à la raison. Elle s'exprime sous la forme non continue d'un parcours labyrinthique et métaphorique dont les références appartiennent au monde des archétypes.
 
L'effort que fait l'alchimiste pour réaliser l'union parfaite des éléments de son univers est une projection du subconscient qui
lutte, lui aussi, pour unir ce que le conscient trie, classe et sépare. Il y a d'évidentes relations entre la psyché inconsciente et la matière. C'est ce que Jung appelle synchronicité ou coïncidence entre des événements intérieurs et extérieurs.

Les alchimistes cherchent et doutent, mais ils savent que sans engagement de leur "Etre" aucune solution n'est possible. En observant et en analysant le processus dans la matière, ils peuvent analyser et mesurer leur propre évolution et c'est cela que les textes nous décrivent.

Les sources profondes du tarot, comme celle de l'alchimie, appartiennent aux archétypes de l'humanité. Elles se trouvent (ou se perdent, question de point de vue) dans le champ des mythes, à l'aurore de notre civilisation. Leur évolution participe en tout cas de ce que l'on appelle "La Tradition".

Cette tradition n'est pas une matière morte et les différents langages par lesquels elle s'exprime (astrologie, alchimie, tarot, franc-maçonnerie, entre autres) véhiculent une pensée qui relie l'homme à l'univers et suscitent une philosophie qui enseigne, ou renseigne, sur le sens de la vie. Mais dans toute ces approches l'homme reste la mesure de toutes choses. Les récits mythiques exprimaient, en leur époque, la nature de cette relation complexe, mais ils restent d'actualité lorsqu'ils concernent les tréfonds de l'être.

La tradition est aussi un des moyens pour chacun de prendre conscience de sa nature profonde, des racines de sa conscience et de sa pensée au sens large. Cela est aussi la vocation de l'Initiation maçonnique qui révèle, en chaque individu, ce fond traditionnel. Le tarot permet de questionner le contenu de l'héritage. Le langage symbolique offert par l'image s'avère révélateur car les symboles font émerger une connaissance intuitive.

Par le biais du symbole s'établit en effet la relation entre la conscience et certaines motivations qui souvent nous échappent, et qu'il est parfois difficile de comprendre. En utilisant ou non le hasard il est possible de pénétrer alors, de manière effective, dans le domaine de la prescience ou de la divination, c'est-à-dire de la part de nous-même qui nous échappe parce que transcendante.

Depuis Pythagore, derrière les phénomènes de l'univers, au cœur des choses et des êtres, on recherche et on trouve une texture fondamentale, on dirait aujourd'hui une structure mathématique qui les sous-tendrait, les dirigerait et en serait comme la substance rationnelle par excellence.

Avant d'en pénétrer le cœur il faut acquérir les bases de la connaissance. C'est pourquoi nous allons nous exercer sur la première Lame du Tarot pour découvrir une approche hermétique de la pensée lucide avec les codes symboliques qui nous conduisent d'une part au seuil du Laboratoire pour les Opératifs et au plus profond du secret de l'Oratoire pour les spéculatifs.

Le Bateleur, le Grand Architecte ou le Maître Initié :
 
Géométrie et Architecture : Il est temps de regarder attentivement l'image de notre Bateleur, qui, tout comme Noé, est un excellent constructeur utilisant la géométrie et les règles de la maçonnerie.

Le Bateleur se tient derrière ce qui est en apparence une épaisse table en bois dont on ne voit que trois pieds, la quatrième étant évoqué ou plutôt symbolisé par sa jambe gauche. De plus, ses deux pieds pointent sur deux des pieds visibles de la table. L'image met ainsi l'accent sur les pieds et fait un jeu de mots entre les pieds de la table et le pied unité de mesure.

Si nous observons de près le bras du Bateleur, nous découvrons qu'il tient entre son pouce et ses quatre doigts bien collés une petite barre qui est la mesure de l'empan, égal à la distance qui sépare le pouce du petit doigt quand la main est écartée.

L'empan nous met sur la piste : le Bateleur nous montre avec son corps les différentes unités utilisées par les constructeurs de cathédrales et encore mentionnées par l'architecte Philibert de l'Orme au 16ème siècle.

Le doigt, cette unité est visiblement celle de l'épaisseur de la petite barre mesurant l'empan dans la main du Bateleur. Le pouce, il est égal à un doigt et un tiers. La palme, elle est égale à quatre doigts. Sur l'image du tarot, elle est montrée par les quatre doigts réunis du Bateleur. La coudée, clairement indiquée sur l'image, elle est définie par la distance du coude à l'extrémité du grand doigt lorsque le bras et l'avant bras sont pliés en équerre et que la main est ouverte. Et naturellement, le pied.

Nous remarquons que l'on peut faire passer un segment de droite vertical le long de l'avant-bras gauche du Bateleur et le long du pied de table avant de 21 doigts. Cette ligne met en évidence l'alignement de la coudée et du pied de la table.

Si nous comptons les doigts sur l'épaisseur de la table, nous trouvons 36 doigts sur le grand côté et 18 sur le petit côté. Ce qui n'est sûrement pas un hasard. C'est deux nombres suggère un carré long dont la longueur est le double de la largeur. La clef nous est donnée par le petit carré long placé verticalement sous le poignet droit du Bateleur et d'autre part par le couteau qui suggère le partage de la table en deux carrés.

Un rapide calcul (36+36+18+18) nous donne 108. Ce nombre nous met en rapport avec la division du cercle. Un cent huitième de cercle est égal à un neuvième de signe solaire - de décan - et à un quart de signe lunaire. Mais il évoque aussi l'angle de 108 degrés très utilisé par les constructeurs et en rapport avec la construction de l'étoile à cinq branches. C'est la mesure de l'angle au sommet du pentagone que l'on retrouvera donné par la Papesse.

Mais ce n'est pas tout, le Bateleur nous fait passer de la géométrie plane aux volumes. Le petit carré long est marqué au milieu par une section circulaire reflétant le petit arc de cercle tracé sur le poigné. Il nous montre la relation entre le cylindre et le rectangle telle que décrite par Vignole .

Le "gobelet" sous la main du Bateleur. Une des moitiés de la surface du cercle du couvercle ou de l'ouverture est colorée en rouge et hachurée de petits traits semblant mesurer la surface.

Le Bateleur est un géomètre initié. Cette identification, bien que voilée, est détectable car les pieds en équerre sont placés de telle façon qu'ils suggèrent une équerre pour peu qu'on les rapprochent l'un de l'autre sans changer leur orientation. Le bras gauche est en équerre et son avant-bras vertical et parfaitement rectiligne se met en rapport avec la règle. Le bras droit arrondi invite au tracé d'un arc de cercle. Le Bateleur se fait étalon de mesure. Il porte la géométrie dans son corps.

Le Bateleur est donc l'artisan démiurge ou le Grand Architecte de l'Univers des Francs-Maçons. Coiffé du symbole de l'infini, mais qui est aussi une projection du soleil au cours de l'année. Nous observons entre ses jambes et sortant du sol, un épi. Et sur la table, à côté du couteau, un petit poisson. Le poisson est le symbole du Christ et l'épi celui que tient la Vierge du zodiaque. Ces deux symboles évoquent l'ère des Poissons qui commence avec le Christ.

Tentative de construction de la sphère céleste : Utilisons comme les maîtres d'œuvre, constructeur des cathédrales, les outils, règle, équerre et compas :
- Avec la règle, traçons un trait entre le cylindre tenu par la main gauche du Bateleur et la boule tenue dans sa main droite.
- Puis traçons une perpendiculaire à cette droite au niveau de la boule. Nous voyons qu'elle passe d'un côté par le bord de la main droite, par l'avant-bras et le coude, et qu'elle rejoint de l'autre côté l'angle formé par le bord inférieur de la table et son pied vertical.
- Plaçons ensuite verticalement notre règle sur le "T" du Bateleur : la ligne rejoint pratiquement le "I" en haut ; traçons cette ligne. Cette verticale passe par l'œil gauche et par la boule rouge.
- Plaçons la pointe d'un compas sur cette boule et prenons comme premier rayon la distance entre la boule et le menton du personnage. Traçons le cercle suggéré par l'arrondi des épaules. Que rappelle ce tracé ?

Ne nous évoque-t-il pas la sphère céleste avec son diamètre, sa circonférence et l'axe des pôles penché par rapport à la verticale ?

Dans ce cas, les petites muscades pourraient représenter des étoiles. Le Bateleur dans ce cas pourrait tenter de positionner l'axe polaire par rapport à la boule rouge tenue entre ses mains. Cette boule ne serait-elle pas une étoile de la constellation de la Grande Ourse ? Les étoiles sont posées sur la table. Le Bateleur organiserait-il la sphère céleste tout comme le faisait le dieu Mardouk il y a quatre mille ans, à l'entrée de l'ère du Bélier ?
Cependant, l'épi s'élevant sur le sol et le poisson sur la table indiquent qu'il s'agit de la mise en place de la sphère céleste pour l'ère des Poissons.

     Ajustement du tracé de la sphère céleste pour l'ère des Poissons :
Prenons, en partant du même centre, un nouveau rayon plus grand, passant cette fois par le haut du front (symbole de la voûte céleste) du Batelier.

Nous constatons qu'il passe par l'analemme, symbole de la roue annuelle du Soleil, autrement dit de l'écliptique. Si le cercle passe par l'analemme, il s'agit de la sphère céleste axée sur le pôle écliptique - la verticale représente donc l'axe des pôles écliptiques.

Il va falloir ajuster correctement l'axe des pôles célestes, l'angle correct est suggéré par le bord du tronc du Bateleur. Traçons-le, il mesure 24 degrés.

Traçons l'angle opposé - nous avons alors les deux bords de l'entonnoir tracé par l'axe des pôles au cours de la précession des équinoxes durant 25920 ans.

Le Bateleur doit approcher sa baguette de l'axe des pôles célestes tel qu'il doit se trouver par rapport à l'étoile Polaire de l'ère du Christ. les boules deviendrons les étoiles de la constellation de la Petite Ourse.

Reste une énigme le regard du Bateleur : Que regarde-t-il ?

Nous remarquons que les boutons de son vêtement suggèrent une courbe. Prolongeons-là : nous constatons qu'elle passe par son menton, par la prunelle de son œil droit et par l'angle avant de la table. Il n'y a plus qu'à tracer le rayon du cercle passant par le pli du coude droit et sous le coude gauche.

Le Batelier, artisan céleste, essaye de copier le modèle du monde. En tant qu'artisan Initié (aleph, Air, le souffle), le Bateleur construit le Temple de pierre sur le modèle du Temple invisible.

Le Bateleur est le Logos, la Parole qui construit le monde. Il est le pilote de la barque dans laquelle voguent les initiés quels qu'ils soient. Cette lame fait donc référence à la fois au Grand Architecte de l'Univers et au Dieu pilote.

Il en est ainsi pour chacune des Lames du Tarot, un formidable creuset où se transmutent les savoirs cachés pour que l'Oeuvre se découvre au plus téméraires d'entre-nous. Vous observerez de lame en lame, pour celles et ceux qui voudront faire un parcours Mystérieux, au plus profond de notre inconscient en abordant ce chemin qui va nous faire découvrir les clefs de la géométrie sacrée, celle des bâtisseurs...

Jakin,