posté le 01-02-2025 à 08:13:26
LA CLEF DE L’ŒUVRE
Matériel : un pélican, un régule d'antimoine, un régule de cinabre, et diverses fioles...
Mon intention, en vous présentant ce travail, n'est pas d'entrer dans les détails capables de porter l'un d'entre vous à faire des essais et brûler du charbon, quoique ! Mon but est de vous initier aux allusions curieuses que renferme la science hermétique et de vous mettre en situation de comprendre Homère, les poèmes anciens et même la Bible, ainsi que les mystères de l'ancien grade de Maître.
Transportons-nous un moment par la pensée dans le laboratoire d'un des grands maîtres de l'art sacré et assistons en initiés à quelques-unes de ses opérations.
1. On chauffe de l'eau ordinaire dans un vase ouvert, l'eau boue et se réduit en un corps aériforme (vapeur), en laissant au fond du vase une terre blanche pulvérulente. Conclusion : l'eau se change en air et en terre. Qu'aurions-nous à objecter contre cette conclusion, si nous n'avions aucune idée de l'existence des matières que l'eau tient en dissolution et qui, après la vaporisation, se déposent au fond du vase ?
2. On porte un fer rougi au feu sous une cloche maintenue sur une cuvette pleine d'eau : cette eau diminue de volume, et une bougie portée sous la cloche allume aussitôt le gaz qui s'y trouve. Conclusion : l'eau se change en feu. Cette conséquence ne devait-elle pas se présenter naturellement à l'esprit d'initiés qui ignoraient que l'eau est un composé de deux corps gazeux dont l'un (oxygène) est absorbé par le fer et dont l'autre (hydrogène) s'allume au contact de la flamme ?
3. On brûle (calcine) du plomb ou tout autre métal (excepté l'or et l'argent) au contact de l'air ; il perd aussitôt ses propriétés primitives et se transforme en une substance pulvérulente, en une espèce de cendres ou de chaux. On reprend ces cendres qui sont le résultat de la mort du métal ; on les chauffe dans un creuset avec des grains de froment, et on voit le métal renaître de ses cendres avec la forme et ses propriétés premières. Conclusion : le métal, détruit par le feu, est revivifié par le froment et la chaleur. Il n'y avait rien à opposer à cette conclusion, puisque la réduction des oxydes au moyen du charbon, ou d'un corps organisé, riche en Carbone, tel que le froment, n'était pas plus connue que le phénomène de l'oxydation des métaux. Les grains de froment ayant la faculté de ressusciter et de revitaliser les métaux morts et réduits en cendre, deviendront le symbole de la résurrection et de la vie éternelle.
4. On brûle du plomb argentifère dans des coupelles faites avec des cendres ou des os pulvérisés. Le plomb disparaît et, à la fin de l'opération, il reste dans la coupelle un bouton d'argent pur. Rien n'était plus naturel que de conclure que le plomb se transformait en argent, et d'échafauder sur ce fait et d'autres fait analogues la théorie de la transmutation des métaux qui plus tard devait amener la recherche de la Pierre philosophale.
5. On verse un acide fort sur du cuivre ; le métal est attaqué et finit au bout de quelque temps par disparaître, en donnant naissance à une liqueur verte, transparente. On y plonge ensuite une lamelle de fer et l'on voit le cuivre reparaître avec son aspect ordinaire, en même temps que le fer se dissout à son tour. Quoi de plus simple que de conclure que le fer s'est transformé en cuivre ? Si, à la place de la dissolution de cuivre, on avait employé une dissolution de plomb, d'argent ou d'or, on aurait dit que le fer s'était transformé en plomb, en argent ou en or.
6. On fait tomber du mercure en pluie fine sur du soufre fondu et l'on obtient une matière noire comme l'aile du corbeau. Cette matière, chauffée dans un vase clos, se volatilise sans s'altérer et se présente avec une éclatante couleur rouge. Ce curieux phénomène, encore inexplicable dans l'état actuel de la science, ne devait-il pas frapper d'étonnement les initiés à l'art sacré et agir d'autant plus sur leur imagination que pour eux le noir et le rouge n'étaient rien moins que des symboles des ténèbres et de la lumière, du mauvais et du bon principe, et que la réunion de ces deux principes représentait dans l'ordre moral l'Univers-Dieu ?
7. Enfin, on chauffe des substances organiques dans un appareil distillatoire ; on obtient un résidu solide, des liquides qui passent à la distillation et des esprits qui se dégagent, de semblables résultats ne venaient-ils pas à l'appui de la théorie, d'après laquelle la terre, l'eau, l'air et le feu formaient les quatre éléments du monde ?
Le temps est enfin venu de découvrir la clef de l'Œuvre. Je vous ai transmis suffisamment d'informations depuis plusieurs mois pour que vous puissiez comprendre le processus ou le mode opératoire de deux transmutations. Bien entendu, l'Or est le process ultime. Mais qu'en feriez-vous ? Nous allons donc voyager dans la transmutation du verre métallique puis du métal Argent, en prenant soin comme le veut la tradition de ne pas tout dévoiler.
1. Par la combustion d'un corps, vous avez obtenu d'une part les cendres qui contiennent le sel et le verre avec les deux éléments solides et fixes : feu et terre, et d'autre part la suie qui comprend les deux éléments volatils et liquides, c'est-à-dire l'eau appelée mercure et l'air appelé soufre par les hermétiques. Le reliquat en sel et terres est peu considérables, mais suffisant néanmoins pour constater l'existence des quatre éléments dans la résolution de tous les composés élémentaires.
Prenez alors de la suie au faîte de la cheminée, remplissez-en une grande cornue aux deux tiers, appliquez-y un grand récipient enveloppé de linges imbibés d'eau froide, chauffez modérément, vous en verrez sortir successivement eau et huile qui passeront dans le récipient. Forcez le feu jusqu'à ce que les terres qui occupent le fond soient calcinées. Remettez de la nouvelle suie et continuez jusqu'à ce que vous ayez assez de terres. Après avoir enlevé l'huile surnageant au moyen d'un entonnoir de verre, puis l'eau par le bain-marie, jetez sur les terres mises à part dans un creuset, cette eau suffisamment chaude, jusqu'à ce que le sel qui s'y trouve soit dissous dans cette eau, c'est-à-dire putréfiez la matière pendant douze jours, enlevez cette eau par distillation en calcinant les terres par un feu de sept à huit heures. Remettez l'eau de nouveau sur les terres, putréfiez, distillez et calcinez comme ceci. Au moyen de l'eau et du feu, les terres se calcineront jusqu'à ce qu'elles aient absorbé la plus grande partie de leur eau, ce qui se fera à la sixième ou à la septième opération.
Donnez alors un feu de sublimation, et du centre de ces terres (argile, limon et sable), il s'élèvera une terre vierge, pure et d'une transparence cristalline, formée de deux substances incorruptibles, sel et sable, au moyen de l'eau qui s'est congelée dessus ; c'est là cette terre dont on a comparé la composition à celle du verre fait de sel de soude fixé avec du sable par le feu du four, affiné et rendu transparent au moyen d'une addition de minium (plomb calciné).
2. Quelquefois les hermétiques prennent l'opération de la coupellation comme terme de comparaison. Lorsque l'intérieur de la moufle du fourneau paraît d'un rouge légèrement blanc, vous introduisez dans la coupelle avec un gramme d'alliage de cuivre et d'argent environ huit grammes de plomb, toute la masse métallique entre bientôt en fusion, le plomb et le cuivre s'oxydent et l'oxyde de plomb dissout celui de cuivre à mesure que ce dernier se produit, puis il s'infiltre dans les parois de la coupelle, tandis que l'argent reste seul sous la forme d'un bouton métallique. Pendant la durée de l'opération, il se dégage des vapeurs blanches, dues à la volatilisation d'une partie du plomb, qui s'oxyde dans l'air. La surface du bain se recouvre d'une pellicule et de petits globules d'oxyde fondu qui se meuvent avec rapidité.
Enfin, au moment où les dernières traces des métaux oxydables vont disparaître, il se produit à la surface du bouton métallique, un phénomène d'irisation remarquable qui est bientôt suivi d'une illumination soudaine et instantanée qu'on appelle éclair. Cette première opération terminée, broyez les coupelles empâtées de la matières vitrifiée, purifiez le tout avec de l'eau tiède, mettez-le avec du sel de tartre et du sel de nitre dans un descensoir chauffé fortement, vous en verrez couler une composition métallique qui, re-coupellée avec du nouveau plomb, donnera un argent plus pur que la première fois ; répétez cette opération jusqu'a sept fois et vous aurez enfin l'argent pur.
Mettez-vous au travail, mais n'oubliez pas cette recommandation de Saint-Augustin : "Demeurons fermes en présence du feu. Quand l'argile de notre vie aura subi la cuisson de la flamme, elle ne craindra plus d'être dissoute par l'eau ; si, au contraire, le vase n'était pas bien cuit à la fournaise de la tribulation, l'eau de la vanité temporelle viendrait le détremper comme de la boue"...
Jakin,