Primitivement, tout local pouvait être transformé en Temple. Il suffisait de tracer à la craie, sur le sol, le "Tableau" symbolique du degré auquel l'Atelier travaillait. On effaçait ce "Tableau" après chaque Tenue.
Plus tard, on se servit d'une toile peinte qu'on déroulait lors des réunions et, de nos jours, chaque loge disposant d'un temple, il fut estimé plus commode de fabriquer un "Tapis" une fois pour toute. A mon avis cette économie de mémoire et d'effort est préjudiciable à l'apprenti dans sa recherche initiatique. Bien qu'aujourd'hui il dépose lui-même les instruments sur le "Tapis" avant la Tenue. La prise de conscience de la symbolique est plus vivante lorsqu' on réfléchit avant de tracer, plutôt que de déposer des outils sur un tapis.
J'observe donc que sur le Tapis de loge figure tous les symboles contenus dans le Temple, il s'agit d'une espèce de condensé sur une toile roulée, et par analogie le Temple reproduit tous les symboles du Tapis. A t'elle une signification particulière ? J'avoue qu'à ce stade de mon apprentissage cette question est restée sans réponse. Mais je pressens que le Tapis de loge sur le pavé mosaïque indique les étapes d'un chemin initiatique.
Généralement ce "Tapis" comporte deux Colonnes, surmontées de Grenades, encadrant une Porte à laquelle conduisent trois marches ; elles-mêmes suivies d'un Pavé mosaïque. On y voit aussi trois Fenêtres, une Pierre brute, une Pierre cubique à pointe. Une corde à trois nœuds encadre le "Tapis" qui comprend en outre le Soleil et la Lune, les deux Luminaires, l'Equerre et le Compas, la Perpendiculaire et le Niveau, le Maillet et le Ciseau, la Planche à tracer.
A ce stade de ma description j'ai souhaité entreprendre un voyage dans le Tapis d'apprenti. Mais j'ai eu du mal à structurer ma pensée. Ma mémoire m'a fait défaut. Je me suis rendu compte que j'avais plusieurs fois préparés le Tapis de Loge, et donc regardé celui-ci pendant autant de fois, mais qu'en réalité je ne l'avais pas observé comme un apprenti qui cherche sa voie et accompli son travail.
Je suis donc resté interrogatif sur les deux colonnes, surmontées de Grenades, encadrant une porte à laquelle conduisent trois marches. Je n'ai pas retrouvé la corde à trois nœuds qui encadre le tapis, ni les deux luminaires. J'ai donc pensé en profane et supposé que dans le rite de Misraïm et de Memphis ces symboles s'étaient déplacés autour du Tapis de loge. Mais ce n'est qu'une supposition !
Je commence donc mon voyage par le symbole de mon grade, la pierre brute qui symbolise les imperfections de l'esprit et du cœur que le maçon doit s'appliquer à corriger. Pour l'apprenti maçon cette pierre brute symbolisera sa liberté avec laquelle il s'identifiera. Oui, l'apprenti, par l'initiation maçonnique, qui est une nouvelle naissance, retrouve l'état de nature ; il se débarrasse de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais et retrouve ainsi tout ce qu'elle lui a enlevé de spontané et de bon. Il retrouve la liberté de penser, et avec les outils qu'on lui donne (le maillet et le ciseau), il taillera lui-même "sa pierre" et parviendra à la rendre parfaite à son gré ; il lui imprimera un caractère de personnalité qui sera sien et unique.
La pierre cubique à pointe le symbole au grade de Compagnon. Elle est la représentation de la perfection intellectuelle et spirituelle que le Compagnon doit s'efforcer de réaliser en lui.
Les trois fenêtres : la première à l'Orient, la seconde au Midi, et la troisième à l'Occident, elles suivent la marche du soleil ; il n'y a pas de fenêtre au Nord parce que le soleil n'y passe pas. Ces trois fenêtres sont grillagées. Les Apprentis sont placés au Nord parce qu'ils ont besoin d'être éclairés ; ils reçoivent ainsi la pleine lumière de la fenêtre du Midi. Les Compagnons, placés au Midi, ont besoin de moins de lumière et l'ombre portée par le mur du Temple les éclaires suffisamment. Dans le même ordre symbolique je remarque que la Vénérable et ses assesseurs reçoivent de face que la seule lumière du couchant. Par contre les Surveillants sont alertés dés l'aurore par la lumière qui vient les frapper.
Le compas est l'un des instruments les plus anciens certainement qu'inventa l'homme, lorsqu'il eut acquis la notion du cercle. Il sert non seulement à tracer des cercles, mais encore à prendre et à reporter des mesures, c'est un instrument actif. En maçonnerie il est le symbole de l'Esprit et de son pouvoir sur la Matière. Il représente par son ouverture les possibilités de Connaissance. Il permet d'apprécier la portée et les conséquences de nos actes qui devraient être toujours fraternels. L'apprenti en recherche le centre ou la pointe sèche de l'esprit pour se poser sur son propre axe afin d'entrer en action. Mais l'apprenti ne voit même pas ce point au centre de lui-même. Sa tâche est de le découvrir en se gardant de ne pas brûler les étapes, car le compas ouvert à 90° devient une équerre, et à 180° une ligne droite, donc plus aucune possibilité effective.
La planche à tracer est un rectangle sur lequel sont indiqués les schémas qui constituent la clef de l'alphabet maçonnique. Le symbolisme fait que le papier sur lequel on écrit est appelé "Planche à tracer" et que le verbe écrire est remplacé par l'expression "tracer une planche". La "Planche à tracer" se rapporte au grade de maître. C'est sur celle-ci que le Maître établit ses plans ; mais l'apprenti ne doit pas ignorer l'emploi et doit s'exercer - maladroitement peut-être - à ébaucher ses idées.
La perpendiculaire c'est le fils à plomb, il est représenté en maçonnerie, fixé au centre d'un arceau. Cet instrument qui détermine la verticale, sollicite l'esprit à descendre et à monter. L'apprenti doit découvrir ses propres défauts et en s'élevant au-dessus de la platitude commune, doit excuser ceux des autres. C'est le symbole de la profondeur, de la connaissance et de sa rectitude ; elle prévient toute déviation oblique. C'est l'attribut du second Surveillant, car il comprend tout et sait excuser ce qui est excusable. Contraint de confesser une bévue, l'apprenti s'adresse à lui avec confiance, devinant que toute erreur se répare sous l'égide de la perpendiculaire.
Le niveau est un outil qui sert à vérifier si un plan est horizontal. Il est constitué par un triangle au sommet duquel est fixé un fil à plomb. L'angle au sommet de ce triangle est de 90°. En réalité le Niveau indique l'Horizontale, mais il est muni lui-même de la Verticale. Il est donc un instrument plus complet et c'est pourquoi il est associé au premier Surveillant, responsable des compagnons. Symboliquement le Niveau montre que la Connaissance doit être rapportée au "plan terrestre", le seul qui puisse intéresser directement l'être humain. C'est en partant d'assises stables et bien établies que le Maçon peut et doit travailler en vue de son élévation spirituelle. Il n'implique en aucun sens le nivellement des valeurs, il nous rappelle qu'il faut considérer toutes choses avec une égale sérénité.
L'équerre emblème de rectitude dont la propriété est de rendre les corps carrés, avec elle on ne saurait faire un corps rond. L'Equerre suspendue au cordon de Vénérable, signifie que la volonté d'un chef de Loge ne peut avoir qu'un sens, celui des statuts de l'Ordre, et qu'elle ne doit agir que d'une seule manière, celle du bien. Elle inspire la droiture dans les pensées et les actions des francs-maçons, elle est le symbole de la loi morale. L'équerre représente en un sens, l'action de l'Homme sur la matière, et, dans un autre sens l'action de l'homme sur lui-même.
En haut, à droite et à gauche du Tableau d'apprenti figure le Soleil et la Lune. Le Soleil est du coté de la colonne Jakin, et la lune du coté de la colonne Boaz ; ainsi se trouve marquée, dans l'espace, l'opposition équivalente du Soleil et de la Lune, prototypes du symbolisme universel. Les travaux en loge sont ouverts symboliquement à Midi, quand le soleil est au Zénith fermé à Minuit, quand il est au Nadir ; à ce moment la Lune est supposée donner tout son éclat. On retrouve ses symboles derrière le Vénérable. Indiscutablement, le Vénérable vit et agit dans un champ lumineux qui reçoit et distribue des lumières ce qui lui permet d'être le plus juste possible et le meilleur intermédiaire possible entre la connaissance et l'ignorance.
Jakin