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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 06-09-2008 à 20:26:19

L'APPRENNTI ET L'ATELIER

 


 

            Au temps des bâtisseurs de cathédrale, les apprentis maçons taillaient leurs pierres brutes loin du sanctuaire à édifier, pour ne pas déranger les maîtres dans leur ouvrage par le bruit incessant du ciseau sur la pierre.

            Aujourd’hui dans la symbolique de la franc-maçonnerie, l’apprenti taille sa pierre brute, en compagnie de tout l’atelier, sans faire de bruit.

            Du bruit incessant de l’apprenti maçon au silence de l’apprenti franc-maçon, voila ici le principal parcours initiatique que j’ai entrepris en loge.

            Je ne peut m’empêcher de cité un passage du livre d’Edouard Plantagenêt, intitulé  « Causeries initiatiques Pour le travail en Loge d’apprentis » : Que dans le temple où règnent la Vérité et l’Amour ne retentissent jamais des paroles qui se pourraient indifféremment prononcer ici ou là. Si nous n’avions rien de plus à nous dire que ce qui se dit partout, il faudrait que nous soyons des enfants ou des fous pour nous réunir, revêtus d’insignes symboliques, respectueux du rituel et soumis à la loi, pour nous entretenir puérilement, en profanes, de choses profanes, comme nous le pourrions faire n’importe où.

            Daniel  Beresniak dans ses réflexions sur l’apprentissage maçonnique constate que l’homme ordinaire ne peut supporter : le silence, l’obscurité, l’immobilité, la solitude. Lorsque les circonstances le placent dans l’une, ou plusieurs de ces états, il les ressent comme une contrainte instinctivement, il cherche à en sortir et cet effort occupe toutes ses pensées. Si on l’interroge sur ce comportement, il admettra qu’il a peur. La peur c’est la souffrance du monde initié ; c’est le châtiment de celui qui refuse le travail sur lui-même.

            Le silence, l’obscurité, l’immobilité et la solitude évoque la mort. Ce sont les états du cadavre dans sa sépulture. L’homme ordinaire a peur de mourir et par conséquent il a peur de tout… et de tous. C’est pour cela que dans le rite initiatique la pédagogie commence par le traitement de la peur. L’usage consiste à faire du vacarme, avec des épées et les pieds, pendant que le néophyte, aveuglé par le bandeau, effectue son premier voyage et tombe de la planche à bascule. Il s’agit la aussi de stimuler sa peur. Car l’abolition de la peur est la première étape sur le chemin de l’éveil.

            Après les épreuves de l’initiation, l’apprenti subit un stage de silence pendant lequel il écoute, il regarde, et s’abstient de parler. Il ne vit pas, à ce niveau, l’état de silence puisqu’il entend. Mais lui, au milieu du groupe, est celui qui produit le silence. Il est émetteur de silence et apprend ainsi à lui donner une valeur positive.

            C’est pourquoi il est essentiel que la discipline de l’apprenti commence par le silence et par la méditation. Se taire devant les profanes est le premier devoir de l’apprenti. Se taire bien sûr mais pour quelles raisons ? Se taire d’abord, écouter ensuite, méditer enfin. Nous retrouvons là une des manifestations du nombre trois, premier symbole de l’apprenti. Ne dit on pas que l’apprenti à trois ans.

            SE TAIRE, d’abord : L’apprenti doit se taire au dehors devant les profanes pour éviter de dominer tous débats et imposer ainsi ses idées aux autres. Il pourrait par ce comportement d’intimidation donner une image sectaire de lui-même.

            L’apprenti doit se soumettre au silence, éviter tout excès de langage et « préférer avoir la gorge coupée plutôt que de révéler les secrets qui lui ont été confiés ».

            L’apprenti doit se soumettre au silence en Loge afin d’observer attentivement les gestes et paroles des anciens et être ainsi complètement et symboliquement versé dans le déroulement des travaux. Ce moment d’extrême concentration lui est demandé pour mûrir sa réflexion quant à la construction de son temple intérieur. Ne dit-on pas à juste titre que l’apprenti parle deux fois, une première fois pendant les impressions d’initiation et une seconde fois pendant la lecture du travail pour augmentation de salaire ? Encore que dans notre atelier, le vénérable Maître, donne aux apprentis le privilège de s’exprimer plusieurs fois en plus. En dehors de ces moments l’apprenti doit se taire et écouter ensuite.

            ECOUTER, ensuite : Ecouter l’autre sans lui couper la parole, sans faire usage de la sienne n’est-il pas un exercice difficile et douloureux ? Difficile certes car il s’agit de dominer son Ego. Douloureux, certainement pas car notre rituel enseigne à l’apprenti à « vaincre ses passions, soumettre sa volonté » et ainsi « faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie ».

            Ecouter l’autre, c’est le respecter, c’est reconnaître son existence. En Loge tous les symboles notamment les Trois Grandes Lumières se mettent à murmurer. Ces murmures n’indiquent t-ils pas quelques messages mystérieux pour découvrir la deuxième clé après celle qui a été transmise par le Maître de la Loge au récipiendaire lors de son initiation ? Sans aucun doute, l’apprenti doit se mettre dans un état de concentration optimale pour recevoir. D’ailleurs s’il « ne sait ni lire ni écrire » il sait par contre écouter afin de déchiffrer le message. En réponse à une question du Maître de la Loge, à propos du mot sacré, il demande : « donnez moi la première lettre et je vous donnerais la seconde ». ce-ci afin de recevoir la troisième clé pour trouver la quatrième et ainsi de suite être initié pleinement aux mystères de la Franc-Maçonnerie.

            Mais n’y a-t-il pas une différence fondamentale entre écouter et entendre ? L’apprenti, comme tout homme ou femme pourvu de l’usage de l’ouïe, a la faculté d’entendre dans le brouhaha du dehors. Par contre il ne peut écouter qu’en se plaçant dans le silence absolu en recherchant ce vide sacré, propice à la méditation.

            MEDITER, enfin : La méditation débute dans le cabinet de réflexion pour le postulant qui aspire à l’honneur de devenir apprenti. Cette chambre, obscure, éclairée tout de même par un seul « flambeau », véritable trésor de symboles funèbres est un mélange de froidure et d’extrême chaleur. Certains symboles tels que le squelette semble murmurer au postulant la réponse à l’énigme posée par les lettres « VITRIOL » visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. D’autres semblent lui dire : « Vigilance et Persévérance ».D’autres encore le mettent en garde : « si vous êtes ici pour satisfaire une simple curiosité allez vous-en ! ». Si par contre vous cherchez la vérité, profitez du silence régnant, méditez et écrivez votre testament spirituel et philosophique.

            Plus tard en Loge, l’apprenti comme cela a été dit, observe en silence les gestes et paroles des anciens afin de les méditer. D’ailleurs l’apprenti ne continue-t-il pas à méditer en silence cette sentence du Maître de la loge « Le maçon n’est pas le plus important. Ce qui importe c’est le message que nous avons à transmettre et si nous ne savons pas toujours pourquoi, un jour, des hommes sauront le déchiffrer ». Et la circulation du Maître de Cérémonie, qu’en fait l’apprenti ? Il la médite.

            Au dehors, l’apprenti poursuit sans relâche le travail. Il écoute en silence les paroles des autres et en les méditant il rectifie ses propres pensées. Là est la tolérance et donc la fraternité.

            Le silence que l’on impose à l’apprenti est une épreuve qui lui permettra de répondre le plus justement possible aux questions qui pourraient lui être posées dans sa vie profane. Le silence est aussi une preuve d’humilité.

            En silence le récipiendaire reçoit la Lumière. En silence et par le travail l’apprenti accède progressivement à la connaissance et à la vertu qui mènent au Grand Architecte de l’Univers.

            Apprendre à écouter, retenir l’envie d’intervenir, seule une Ecole initiatique propose ce programme, surtout si celui-ci est associé à l’introspection, au retour sur soi-même. Et comme le dit si justement Daniel Beresniak « On remarque, dans la vie profane, l’homme qui a été à cette école. Dans un groupe pris dans une discussion animée, il arrive qu’un membre de ce groupe reste un peu en retrait, laisse s’exprimer les autres, écoute, n’interrompt personne, ne manifeste aucune impatience, attend le moment opportun pour s’exprimer à son tour, le fait calmement et son discours tient compte de ce qui a été dit, élève le débat et propose une synthèse. Cet homme là est très probablement un Franc-Maçon ».

 

 

Jakin