VEF Blog

Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 09-09-2008 à 08:04:23

ANKH

 

 

 

 

            Signe de la vie représentant une cordelette nouée (peut-être un nœud de sandale ?). amulette on ne peut plus répandue, ce symbole est volontiers figuré dans la main des formes divines qui en sont les dispensatrices universelles. Les textes des Sarcophages rappellent que la vie peut être assimilée à Shou (le fils de Rê), le souffle vital issu du soleil. Par extension, tous les dieux, en tant qu’instruments de la création, peuvent donner la vie comme Rê. Pour se développer, la vie a besoin d’être protégée par les forces solaires qui s’expriment dans le concept Ouas (symbole de la puissance divine).

            Dans les scènes évoquant le roi en train de consacrer une offrande, la divinité qui en est bénéficiaire présente souvent le signe Ankh au souverain en réponse à son sacrifice. Ce dernier sera alors à même de la transmettre à ses sujets. L’Ankh, parfois accompagné du Ouas, est tendu vers la narine du souverain, rappelant ses liens avec le souffle originel. Akhenaton, qui transforma pourtant profondément l’iconographie religieuse traditionnelle, conserva ces symboles du don de la vie que les mains de l’Aton lui accordent.

            Nous voilà donc plongé en Egypte, ce très ancien haut lieu des mystères et des initiations, cette terre de magie qui est la source de notre connaissance et qui nous apparaît comme porteuse d’une civilisation supérieure venue d’un autre monde. Il y a déjà six mille ans, que cette civilisation nous a laissé le plus grand nombre d’objets à la fois symboliques et talismaniques.

            L’Ankh ou croix ansée, en est l’un des plus remarquables. Aussi n’est-il pas étonnant qu’après avoir traversé les siècles, nous la portions encore au bout d’une chaîne dans l’espoir qu’elle nous porte bonheur ou, tout au moins, nous incite à plus de sagesse. En tout cas, la beauté de son graphisme,  le mystère dont elle s’entoure en incite plus d’un à se parer de la croix d’argent, symbole essentiel de la Vie, symbole, disaient les anciens Egyptiens, de « millions d’années de vie future », emblème de la vie divine et de l’Eternité.


            Lorsqu’il est tenu par l’anse, l’Ankh évoque une clé. C’est l’une des raisons pour lesquelles on nomme ce symbole « clé de vie ». l’Ankh est donc ce qui ouvre. C’est la clé des mystères, celle qui fait pénétrer l’initié dans le monde des symboles. C’est la clé qui permet de décrypter l’iconographie égyptienne, qui se présente comme un immense livre ésotérique, une immense bande dessinée codée dans laquelle rien n’est laissé au hasard, rien n’est laissé à l’imagination ou à la sensibilité des artistes qui la peignirent, la gravèrent ou la sculptèrent.  L’Ankh est une clé qui ouvre de nombreuses serrures. Comme tout symbole, il possède plusieurs niveaux de lecture mais il semble en plus être au centre de tous les autres.

            L’Ankh symbolise tout d’abord la trinité, car Ankh le vivant est composé de trois éléments : l’ovale, la branche horizontale, la branche verticale. On peut y voir la figure androgyne du dieu suprême, l’ovale symbolisant le yoni, la branche verticale l’organe mâle et la barre horizontale l’union des deux.

            L’Ankh symbolise l’union du ciel et de la terre, l’alliance du cercle et de la croix. Le ciel représenté par la boucle, symbole des cycles  symbolisés par le neter, Nout, la déesse du ciel dont le corps se recourbe au-dessus de la terre. La boucle, ici, est assimilée au cercle, image parfaite de ce qui n’a ni commencement ni fin. La terre est représentée par le T. symbolisé par le « neter » ou « dieu Geb », allongé sur le sol. D’autre part, cet axe se prolonge vers le monde inférieur. La branche horizontale symbolise le plan terrestre horizontal. Le T est assimilé à la croix évocatrice des quatre points cardinaux, image classique de la terre. La croix ansée est donc l’alliance de ce qui est éternel avec ce qui est mortel. C’est l’alliance de l’humain et du divin plan supérieur. Elle fait communiquer les deux plans.

            L’Ankh est donc une croix. Une croix ansée, c’est-à-dire formée d’une boucle ovale de laquelle pend une sorte de Tau. L’Ankh se relie donc par là au symbolisme universel de la croix et ses deux axes : le vertical et l’horizontal. L’axe horizontal symbolise les plans humain et terrestre, l’axe vertical, lui, reliant l’humain terrestre au divin céleste. L’anse déploie sa courbe à la jonction des deux axes.

            J’arrêterais ici cette description car chacun d’entre nous peut trouver dans un bon livre d’histoire égyptienne ou d’ésotérisme la réponse à la poursuite de cette connaissance, et je préfère plutôt vous livrer une lecture plus personnelle de l’Ankh.

            Si Osiris, dieu de la mort et de la résurrection, est représenté par l’Ankh, symbole de la vie éternelle, symbole de la vie après la mort, nous allons voir qu’il est aussi en rapport avec la vie à un autre niveau.

            Penchons-nous donc sur les textes décrivant le déroulement rituel de la naissance d’un enfant royal : Tout d’abord, il est dit que, au moment de la conception, l’enfant et son Ka ont été modelés par Khnoum, le dieu potier. La déesse Meskhenet, portant sur la tête un signe évoquant l’utérus, place alors l’enfant et son Ka dans le sein maternel. L’enfant et son double vont grandir dans le sein maternel en bénéficiant du souffle de vie Ankh transmis par la déesse grenouille Heket, protectrice des femmes en couches.

            Au moment de l’accouchement, Meskhenet, assistée d’Isis et de Nephtys, proposent leurs soins. Une autre déesse, portant sur la tête un panier à large anse contenant le placenta et le cordon ombilical, se tient à côté d’elles. Que vont-elles faire du placenta et du cordon ombilical ? On ne sait pas. Il semble qu’on les dépose précieusement dans une corbeille. On ne les jette pas, en tout cas pas immédiatement et pas n’importe comment.

            Ces divers éléments sur lesquels est mis l’accent (double, utérus, placenta, cordon ombilical) ne seraient-ils pas l’écho de très anciennes traditions africaines ?

            Chez les Bambara du Mali, le cordon ombilical est considéré « comme la racine par laquelle l’être humain en gestation est relié à la terre mère. Aussi tant qu’il n’est pas tombé (ce qui, selon leurs croyances, doit se faire le septième jour), la naissance n’est pas totalement accomplie ». C’est ce jour là que l’accouchée sera visité et félicitée et c’est le huitième jour qu’aura lieu l’imposition du nom. Plus intéressant encore en ce qui concerne le nœud en tant qu’amulette, c’est que le cordon ombilical sera conservé dans un sachet que l’enfant portera autour du cou comme un talisman.
L’importance accordé au cordon ombilical va se retrouver chez les Baganda, ce peuple africain dont le pays, l’Ouganda, se trouve à la source du Nil, au sud le l’Egypte, là d’où partit, selon les historiens grecs, la tradition égyptienne. Mieux encore, dans l’esprit des Baganda, ce cordon relie son possesseur à son ombre ou son double.

            Or les « ombres » des rois morts (leur Ka en quelque sorte) étaient – et ce jusqu’au 19ième siècle – vénérées comme des dieux et recevaient les mêmes honneurs. De plus les Baganda considéraient que les doubles des rois restaient attachés à leur mâchoire inférieure et à leur cordon ombilical. Ainsi chaque mâchoire était-elle déposée avec le cordon ombilical dans le temple consacré au culte de l’ombre du roi tandis que le reste du corps était enterré ailleurs après avoir été embaumé.

            Si l’on conservait le cordon ombilical du roi, cela signifiait évidemment que celui-ci ne s’en était jamais séparé. D’après Frazer (dans le Rameau d’or), la raison pour laquelle on gardait la mâchoire du roi et son cordon ombilical était la suivante : On croyait que l’ombre du roi était unie à sa mâchoire et l’ombre de son double à son cordon ombilical ».

            L’ombre du roi et l’ombre de son double ?

            Voilà que nous nous rapprochons des différentes enveloppes de l’être auxquelles croyaient les Egyptiens. Certes, nous sommes loin des neuf enveloppes mais nous pouvons voir ici leur origine, surtout si nous reprenons la suite des explications concernant les coutumes des Baganda, rapportées par Frazer : « Dans la croyance des Baganda, chaque personne a un double, le placenta qui naît immédiatement après lui et que l’on regarde comme un deuxième enfant. Or ce double a aussi une ombre à lui, qui est attachée au cordon ombilical ».

            J’en déduis que le cordon relie :


            le corps humain proprement dit, l’utérus, le placenta, première ombre du corps humain, l’ombre du placenta invisible, sans oublier évidemment le corps de la mère et ses ombres inséparables, sans oublier non plus que, si l’on garde à l’esprit que la mère est aussi la Terre mère, le cordon relie également l’être à la terre.

            Ainsi, on voit que bon nombre d’éléments sont reliés entre eux par le cordon ombilical. On comprend alors que, selon la mentalité des Baganda, pour qu’une personne reste en bonne santé « il est nécessaire de conserver avec soin l’ombre de son double. Ainsi chaque Baganda, homme ou femme, garde son cordon ombilical enveloppé d’écorces comme un trésor de grand prix dont dépendent sa vie et sa prospérité ».

            Le précieux petit paquet s’appelle son jumeau (mulongo) parce qu’il renferme l’ombre de son double. Aujourd’hui encore, certains gitans gardent sur eux, en guise d’amulette, un morceau de leur cordon ombilical noué et placé dans un petit sac de cuir.

            Tout ceci nous donne un autre sens à l’Ankh, et l’on peut penser que l’origine du nœud Ankh est le cordon ombilical précieusement gardé dans les temps très anciens et encore aujourd’hui par les peuples dit primitifs, cordon qui relie chaque être à la longue chaîne du vivant jusqu’aux origines, à ses ancêtres immédiats, à la terre, au ciel.

            Alors on ne s’étonnera pas de retrouver l’Ankh dans notre temple maçonnique, sur le plateau du Naos. Il est en bonne place au centre comme au centre de la vie. Il forme un triangle assit sur sa base avec l’Ouas et le Djed. Il est en ligne directe avec l’œil d’Osiris placé au dessus du V M comme l’est le V M avec le Couvreur, garant de la continuité. Dans le temple il représente la naissance du franc-maçon. Il donne aussi naissance aux outils qui le recouvre (Compas, Equerre et Règle), le triptyque de la progression dans la vie maçonnique. Et quant les FF et les SS font la chaîne d’Union autour de lui ne reproduises-ils pas ce cordon ombilical ou cette ombre plurielles que nous allons garder comme un talisman de sagesse jusqu'à la prochaine rencontre.

Jakin