VEF Blog

Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 15-09-2008 à 09:33:23

ENTRE SOLEIL ET RHUM...



Guadeloupe du 10 au 18 février 1990






        En février 1988, lors de notre premier séjour, nous étions tombés amoureux des Antilles. On s’était promis d’y revenir prochainement. Deux années seulement ont passée, et malgré un typhon qui vient de frapper la Guadeloupe, nous décidons de tenter une nouvelle aventure, avec Jacky et Simone, des amis rencontrés pendant notre séjour au Sénégal…

        Afin de conserver notre autonomie et de jouer aux électrons libres, nous louons un duplex aux « Marines » de Saint-François, et réservons un véhicule à l’aéroport de Pointe-à-Pitre. Ceci étant fait, nous jetons quelques affaires d’été dans une valise et nous embarquons, dans la matinée, à Marseille Provence pour un vol de huit heures…

        L’avion se pose à Pointe-à-Pitre aux environs de 19 heures (heure locale). Après les formalités de police, nous réceptionnons notre voiture (une Peugeot) sur le parking de l’aéroport. Une fois au volant l’aventure commence, mais cette fois-ci c’est nous qui jouons au guide. « En voiture Simone ! » Pas de chance, au moment du départ un orage tropical éclate et forme un rideau épais de pluie. La température ambiante et l’humidité ont vite fait de recouvrir le pare brise d’une couche de buée que les essuie-glaces usés ne parviennent pas à supprimer…

        La route est inondée. Les phares éclairent sans efficacité. La visibilité est presque nulle. Le copilote, la carte routière sur les genoux, cherche l’itinéraire. Nous roulons à 60 km/h, à l’aveuglette, dans les méandres des carrefours pour trouver la route du littoral. A droite ! A droite ! Crie Simone. Un coup sec du volant, la voiture monte sur un terre plein et nous empruntons enfin la bonne route. Ouf !…

        Nous parcourons les quatre-vingts kilomètres qui nous séparent de notre lieu de destination, les yeux rivés sur la route. Heureusement, lorsque nous entrons enfin dans Saint-François, la pluie s’arrête. Mais le petit village est dans le noir complet. Sans repaire apparent nous tournons en rond plusieurs fois. Quand, lassés, nous stoppons le véhicule pour demander notre chemin, nous réalisons que nous sommes sur le port, à trois mètres du bord de l’eau ! L’aventure aurait pu s’arrêter au fond de l’océan ?…

        Soudain la nuit est percée par le bruit des tambours et des trompettes qui font quelques « couacs ». Une troupe de carnaval arrive dans notre dos et nous entoure. Des antillaises habillées de plumes remuent leurs fesses sur un rythme endiablé et zouké. Un « carnavaleu » à qui nous demandons notre chemin, nous fait signe de les suivre, car ils passent devant les Marines. Tout ce petit monde, dans la joie et la bonne humeur, se dirige vers le centre du village. On avait pas prévu une arrivée en fanfare. Quelle surprise !…

        Première étape du tour de charme, le petit port de Saint-François, bien sûr ! Nous le retrouvons avec plaisir. Notre promenade nous conduit le long de la marina pour admirer les grands voiliers qui accostent en provenance des îles de la Caraïbe. Puis nous nous retrouvons au petit port pour la rentrée de la pêche de la matinée. Langoustes et poissons de toutes les couleurs gesticulent dans les casiers des marins…
         


        Le soleil, la mer et les cocotiers sont au rendez-vous sur la côte sud, malgré le passage du typhon. Quelques ouvriers et pêcheurs locaux s’empressent de remettre en état plages et embarcations pour la satisfaction des touristes et des autochtones…
              
        …et d’abord sur la longue plage de sable fin de Sainte Anne, que les vendeuses de maillots de bain arpentent pour vendre leurs modèles minuscules…
              

        Puis c’est la plage que nous recherchons, rose corail à Grande Anse, plus sombre à Bouillante ou Vieux-Habitants, elle est le voluptueux théâtre où, quotidiennement, soleil tropical et mer chaude se donnent la réplique. Des bras brûlants de l’un à la caresse salée de l’autre, nous nous laissons gagner par l’impression de figurer au centre d’une carte postale…
          


        A son zénith, le soleil nous oblige à rejoindre l’ombre des palmiers pour faire les singes. Des terrasses des lolos, ces petites échoppes de bois qui proposent jus de goyave, maracudja et pamplemousse délicieusement frais nous nous reposons. De quoi tenir jusqu’au crépuscule, l’heure du planteur ou du ti-punch qui donnent le tempo à la fête antillaise…
              
        Parfois nous avons envie de calme ! Alors il y a encore bien d’autres petites anses, comme Petit Havre, les Raisins clairs, l’Anse Tarare, pour se faire bronzer en toute quiétude ou pour jouer au « Tarzan »…
            

 
        Un autre jour, on s’enfonce dans les terres et pénétrons dans le pays de la canne. La saison de la coupe vient de débuter, et la verte Guadeloupe exhale une tiède odeur sucrée. Dans les champs, les hommes sont au travail dès l’aube, courbés sur leurs coupe-coupe…
     
        Toute la semaine, les cheminées des distilleries crachent leur fumée pour produire le rhum blanc agricole. Tandis que sur la petite route, les Globe-Trotters, enivrés par les vapeurs de rhum chantent à tue-tête : "Du who-om, du who-om et du si- op de ba-aterie"…
     

         
        Nous nous laissons porter jusqu’à la Pointe des Châteaux, où les surfeurs jouent sur les vagues, dans un décor rocheux digne de la Bretagne. Par un chemin escarpé nous grimpons jusqu’au belvédère planté d’une croix. Un proverbe dit à ce sujet : « qui voit Groix, voit sa croix », mais dans le lointain on ne voit que la Désirade…
              
        En contre bas, au bout des rochers, un paysage hautain, une solitude aride, le parfum du varech, le fracas des vagues brisant contre la pierre évoque ce Finistère lointain. Un lieu de méditation et de repos naturel…
       

 
        Quand le soleil se couche à l’horizon, la lumière intensifie la magie de ce lieu. La mer endosse une couleur argentée que l’écume vient déposer sur le sable fin de la crique. Sous les derniers rayons obliques du soleil, la roche découpée laisse apparaître des sentinelles menaçantes qui semblent arrêter les nuages. La croix fixée au sommet arbitre cette dimension comme un espace de fin du monde…
             
        Puis nous décidons de passer une journée de farniente sur le sable chaud de l’îlet Caret au large de Pointe-à-Pitre. Ce must de l’aventure que nous avions découvert il y a deux ans est une belle façon de faire vivre une journée antillaise à nos amis…
       

      
        Langoureusement ensommeillés, nous rejoignons le catamaran pour les accents chantants du zouk qui s’élèvent à mesure que descend la nuit. Ils savent nous mettre sur le droit chemin. Celui suivi au rythme sensuel d’un collé-serré inoubliable ou d’une biguine du diable ! Des rives de l’îlet Caret aux cabanes de Pointe-à-Pitre, en passant par la mangrove, la danse et le rhum battent la mesure de la nuit guadeloupéenne. Au matin, soleil, forêt et mer limpide reprennent leurs droits…
         

        
        La vie dans les Caraïbe est un long fleuve tranquille. La journée commence vers dix heures du matin. Attablés sous ces magnifiques petites terrasses aux odeurs de vanille et de cannelle, nous dégustons notre premier ti-punch pour nous donner du courage. Une bonne entrée en matière avant de savourer la suite d’une journée créole…
     

         
        Tandis que les femmes font quelques achats sur le marché, en succombant aux doudous qui les enrobent de compliments bien tournés, les hommes, cachés sous de larges chapeaux de pailles, sirotent en secret quelques ti-punch supplémentaires…
          


        Les pêcheurs rentrent au port, il est temps de les rejoindre pour négocier l’achat de quatre langoustes que nous préparerons ce soir en sauce mayonnaise. Ce n’est pas facile d’en acheter, car le pêcheur guadeloupéen ne pêche que sur commande. Il n’a pas encore pris l’habitude de thésauriser. Mais cela viendra vite avec le temps…
             


        Acras de morue, langouste grillée et banane au caramel flambée au rhum, chez Mervillon, à St François on mange bien et on cause créole. A l’ombre d’une belle terrasse construite en bois, où les embruns iodés vous chatouillent les narines, nous dégustons sans réserves cette cuisine antillaise, arrosée d’un vin blanc sec en provenance de métropole…
             


        Une petite sieste dans un hamac providentiel planté entre deux cocotiers, répare les abus de rhum. La baignade dans une eau claire et limpide revigore les esprits embrumés. Puis une longue marche sur la plage de sable blanc redonne de la vigueur à nos estomac qui vont, à nouveau, affronter le repas du soir…
 


        Oui, car le soir venu, dans la fraîcheur de notre duplex, sur la terrasse la table est dressée : Acras de morue achetés chez un petit restaurateur, broc de ti-punch maison confectionné avec application, fruit de la passion et ananas coupés en tranche venant du marché local, il ne manque plus que les langoustes qui cuisent avec amour dans une grande marmite surveillée par une doudou. Ainsi s’achève la journée comme elle a commencé dans le rituel du rhum. Ce breuvage qui prépare les nuits aux rêves les plus fantasques…
             


        Le plaisir est toujours là. Couleur, chaleur, douceur, la Guadeloupe ne serait que la moitié d’elle-même sans les enivrantes senteurs qui courent avec le vent léger des sous-bois aux champs de canne et de marchés en terrasses…

        Les puissants arômes de la coriandre, du poivre rose ou du piment oiseau le disputent aux doux effluves de vanille, de cannelle et d’anis étoilé. Aux étals des marchés de Saint François ou de la Darse, les épices régalent les yeux et le nez avant la bouche. Pour l’oreille, faites confiance au bagou des vendeuses créoles !…

        Posée sur la mer entre Caraïbes et Atlantique, la Guadeloupe, avec ses plages douces, l’ombre de ses cocotiers, ses saveurs enivrantes, vous offre le droit à la paresse et au plaisir ! Mais n’abusez pas trop du rhum, car il peut vous jouer des tours…
 


        En effet au moment du départ, l’avion qui doit nous ramener vers la métropole semble posé sur la mangrove pour prendre un dernier bain. Réalité ou excès de rhum ? A vous d’imaginer, car l’illusion est parfaite…
 
 
 
Andrée et Armand