Selon Malraux : « Une Inde repose au cœur de chaque homme ». Une culture qui, tel un long fleuve, est à la fois une et multiple, changement et immobilité et qui nous fascine tous. Si une image de l’Inde sommeille en chacun de nous, c’est en raison de l’aspect universel de la civilisation de ce grand pays…
L’Inde est, depuis plus de quarante siècles, un élément majeur de notre monde ; par son peuple affectueux, un des plus nombreux de la terre ; par une spiritualité à laquelle se sont référés les plus grands penseurs de tous les temps, aux sources d’une sagesse, plus que jamais présente, de nos jours. Si la poésie de l’Inde a enthousiasmé les romantiques des siècles passés ; si la danse, le théâtre et la musique, messages du corps et de l’oreille, représentent des arts parfaits, l’Inde demeure pour les hommes du futur l’expression d’une pensée mystique, une réflexion poétique et métaphysique sur l’unité de l’être…
Aller en inde aujourd’hui, c’est se hasarder plus loin qu’Alexandre le Grand ; c’est retrouver les Empereurs Moghols, descendants de Tamerlan ; c’est marcher dans les pas de Mahatma Gandhi ; oublier les Himalaya, les déserts de feu, pour répéter sans cesse, tel le pèlerin : « L’Himalaya n’est pas montagne, le Gange n’est pas rivière, seul Dieu est Dieu et je n’existe pas… ». l’Inde est à nous, il est parfois difficile de la comprendre, mais il est toujours facile de l’aimer…
Ce n’est pas un rêve ! Pour mieux savourer l’Inde merveilleuse et colorée du Rajasthan, accepter l’hospitalité de ses maharajas dans leurs palais dignes des « Mille et Une Nuits », nous jetons à la hâte quelques affaires de coton dans une valise et nous embarquons à l’aéroport de Marseille Provence pour treize heures de vol…
L’avion nous pose à Delhi, immense capitale aussi bourdonnante que Le Caire et Istanbul réunies ! Notre guide Sarani nous accueille avec des pétales de rose et nous impose sur le front la marque rouge de la félicité. L’autobus se fraie un chemin dans la cohue indescriptible des avenues qui nous dirigent vers New Delhi où se trouve l’hôtel « Siddharth**** », notre résidence pour deux nuits. Il nous faudra une journée pour découvrir dans un concert de klaxons, veaux, vaches, cochons au milieu des vélos, charrettes, Vespa, rickshaws et autos…
Après une bonne nuit de repos, nous voilà fin prêts pour partir à la découverte de Delhi, la capitale indienne. C’est une ville parsemée de vestiges du passé qui racontent la lente marche de l’histoire. Nous commençons la visite par le Fort Rouge. On doit son nom au matériau de construction en grès rouge qui a servi à élever la forteresse et le palais de l’empereur Moghol Shahjahan entre 1639 et 1648…
Les murs de l’enceinte, hauts de 16 mètres, entourent des palais, des mosquées où s’étendent des cours et des jardins. Le palais impérial est situé à l’est de la vielle ville, à l’ouest de la Yamouna ; on pénètre dans la forteresse par la porte de Lahore à l’extrémité orientale du chandni Chowk…
On retourne vers Diwan-i-Khas pour visiter en direction du sud les appartements privés des Grands Moghols, en particulier le pavillon octogonal accroché aux hautes murailles extérieures (Musamman Buri) et le Rang Mahal (pavillon aux peintures) réservé aux favorites…
Nous quittons le Fort Rouge par la porte de Lahore, en direction du sud-ouest, après avoir franchi une place où se trouvent de nombreuses boutiques de marchands de souvenirs, pour arriver aux pieds des marches qui conduisent à Jama Masjid…
La Mosquée du Vendredi fut construite de 1644 à 1658, sous le règne de Shahjahan. On pénètre dans la cour, entourée d’une galerie, en empruntant trois escaliers monumentaux. Le centre de la cour est occupé par un bassin de dimension inhabituelle, destiné aux ablutions rituelles…
La mosquée conserve dans un petit sanctuaire sous les arcades de la galerie quelques saintes reliques, entre autres, un cheveu teint au henné du Prophète, ses sandales en cuir de chameau, un coran écrit sur feuilles de palmes ayant appartenu au Calife Ali. Dans les jardins des singes promènent en liberté…
En empruntant Matha road en direction du sud, on aperçoit, à peu de distance de l’avenue, diverses tombes datant du 15ième siècle, pour arriver à une porte qui s’ouvre sur des jardins. C’est ici que Haji Begum, la veuve d’Houmayoun, fit construire par un architecte persan, de 1556 à 1565, le premier des grands mausolées de l’époque Moghol…
Le mausolée, surmonté d’une importante coupole, s’élève sur un large soubassement peu élevé. Quatre minarets octogonaux entourent le monument construit lui aussi en grès rouge et en marbre blanc. Les portails qui agrémentent les façades s’ouvrent à l’intérieur de niches en arcs brisés qui trahissent l’influence des Iwan persans. La crypte contient les tombeaux d’Houmayoun, d’Haji Begum ainsi que ceux d’autres souverains et princes Moghols…
Lal Kot est la plus ancienne fondation urbaine d’époque islamique de la région de Delhi. Plusieurs monuments importants y ont été conservés, en particulier le Qutb Minar (Le minaret de Qutb ed Din). Il date de 1199, haut de 72,5 mètres, c’est le monument le plus élevé de l’Inde. Son diamètre à la base est de 15 mètres, et de 3 mètres au sommet. Un escalier intérieur mène aux galeries extérieures d’où le muezzin appelait à la prière…
En remontant Janpath en direction du nord, on parvient à Connaught Place, le centre de la nouvelle ville. C’est dans ce quartier que se trouvent également la plupart des cinémas, restaurants, agences de voyages, sièges de compagnies de transport aérien, ainsi que l’office du tourisme indien. Au sud-ouest de la place se trouve Jantar Mantar, l’observatoire construit au 18ième siècle par Jai Singh…
Après deux jours passés dans la Capitale, ce matin nous mettons le cap sur le Rajasthan. Cette « terre des rois » célèbre pour ses palais de marbre et de grès rose, ses balades à dos d’éléphants, ses Rajasthamis aux turbans enroulés comme des boas sur le crâne et ses femmes pleines de grâce dans leurs saris éclatants. La magie du Rajasthan demeure mais l’Inde change. Bienvenue au pays des mille et une nuits indiennes où les maharajas ont, pour le bonheur des touristes, converti leurs palais en hôtels et restaurants de luxe.
Première étape, Jaipur, la ville rose, capitale régionale, égrène ses palais et ses « haveli », vieilles demeures patriciennes aux murs ornés de fresques. Son City Palace, palais royal, offre sa dentelle de marbre et de grès, sa débauche de soieries, d’argent et de cristal. Dans les rues la foule grouille bruyante, bigarrée, superbe. Entre les carrioles à chameaux se pressent des femmes en saris lumineux, aux beaux yeux cernés de khôl et aux mains peintes de henné. À l’origine, la ville n’était pas du rose uniforme que l’on lui connaît actuellement, mais d’une large palette, principalement du gris avec des rehauts de blanc. Cependant, en prévision de la visite du prince Albert, en 1853, elle fut peinte en rose dans sa totalité, le rose étant une couleur traditionnelle de bienvenue. Elle a gardé cet usage depuis…
Nous visitons maintenant le palais des vents (Hawa-Mahal). Il est constitué d’une simple façade pyramidale, gaufrée de cinq niveaux de fenêtres grillagées en encorbellement, qui fait encore la splendeur de ce palais, d’où les femmes pouvaient voir sans être vues. A l’extérieur des murs, près de New Gate, dans les jardins de Ram-Nivas, se trouve le prince-Albert Muséum, construction dans le style colonial (1888)…
En allant vers le nord-est près de Gaitor, on débouche près des Chhatris, mausolées de marbre blanc des maharajas de la dynastie Singh. Puis on se dirige vers le plus grand cadran solaire du monde ! Un site symbolique dans un pays où 60% des mariages sont encore arrangés selon l’horoscope et par la famille…
Nous avons passé notre première nuit au « Clarks Amer**** », et ce matin nous partons en excursion pour le fort d’Amber situé à 25 kilomètres de Jaipur. Sur la route nous croisons chameaux et éléphants transportant toutes sortes de marchandises qui servent à ravitailler les petits villages environnants…
L’ancienne forteresse des princes est située sur une hauteur dans un très beau paysage. L’accès au palais se fait à partir du fort d’Amber, généralement à dos d’éléphant. A l’aide d’un escalier en bois nous montons nous asseoir par quatre, dos à dos, sur une plate forme en bois ornée de ferronneries. Au pas lent et chaloupé de l’éléphant nous gravissons les pentes du fort sur une petite route pavée jusqu’au promontoire de pierre devant le palais…
Le Palais (16ième siècle) renferme de très belles pièces, notamment la salle d’audience princière, et la salle de réception, richement décorée de miroirs. Nous visitons aussi la porte du temple ou Ganesh Pol et le temple de Kali. Une surprise nous attend au Rambagh Palace, où nous déjeunons dans l’ancien pavillon de chasse du chef de l’Etat du Rajasthan converti en hôtel restaurant de luxe. Pour l’anecdote : les commodités se trouvent dans une pièce de 80 m². Dans cet espace, seul devant sa cuvette, ça vous la coupe ! Après un « tali » (sorte de mezze indien) servi dans les jardins et devant les danses rajasthanis, nous succombons aux autres délices culinaires des maharajas, comme cet halwa aussi gras et sucré qu’une déclaration d’amour dans un film de Hollywood…
Ce matin nous partons pour Agra en passant par Fatehpur Sikri. De nombreux monuments en ruines datant de l’époque Moghol sont disséminés dans la campagne. De-ci, de-là, on remarque encore le long des routes des Kos minar qui sont d’anciennes bornes datant de l’époque d’Akbar…
Fatehpur Sikri, « la ville morte ». Akbar y transféra sa résidence en 1569. Après la mort de l’empereur, la ville fut, sans doute, à cause du manque d’eau, complètement abandonnée. Grâce à cet abandon elle ne fut pas détruite au cours des multiples guerres Moghols et a pu devenir une cité musée, témoin de la splendeur de la cour impériale au 16ième siècle…
Au centre du Diwan-i-Khas, se trouve un pilier central sur lequel était placé le trône d’Akbar. En allant vers le sud, on arrive devant Panch Mahal, un bâtiment à cinq étages, l’école du harem juste à côté d’une pièce d’eau et des appartements du grand Moghol lui-même. Plus à l’ouest, on visite les résidences des favorites, des ministres, ainsi que celles de l’astrologue et des poètes attachés à la Cour…
La grande Jama Mashid contient les tombeaux de Selim Chrishti et de Islam-Khan. On quitte la mosquée par Buland Darwaza (la porte des victoires) qui, avec son escalier est réputée être la plus grande porte de l’Asie. De ce seuil, on a une vue splendide et par temps clair, on peut, avec des jumelles, apercevoir au loin la coupole du Taj Mahal…
Dans le milieu de l’après-midi, nous arrivons en vue de la rive occidentale de la Yamouna où se situe la ville d’Agra. Notre guide nous installe au « Clarks Shiraz**** », pour deux nuits. Puis nous partons immédiatement prendre un bain de foule dans le quartier environnant. Nous poursuivons notre découverte de la ville en cyclo-pousse, conduit par un indien asthmatique qui a du mal à reprendre son souffle en haut des côtes. En fin de soirée, il arrive quand même à nous ramener devant l’hôtel. Emus par la condition de ce journalier, nous lui offrons un billet de 10 roupies (soit 10 francs, correspondant à un mois de salaire). Il se jette à nos pieds ! Déconcertés, nous rentrons…
Aujourd’hui la journée est consacrée à la visite du fameux Taj Mahal. Dans les brumes matinales ou au soleil couchant, ce mausolée de marbre blanc est éblouissant de beauté. Emouvant aussi, car le seul au monde à avoir été construit par un homme pour l’amour d’une femme. C’est en 1630 que Shahjahan ordonna qu’on élevât à la mémoire de son épouse favorite Arjumand Banu, un monument funéraire qui devait dépasser en beauté tout ce qui avait été réalisé jusqu’alors…
On pénètre dans l’enceinte par la porte occidentale, près de laquelle se trouve la mosquée Fatehpuri, et la tombe de Satulmisa Khanan, gouvernante de Jehanara. Après avoir traversé la cour d’entrée, on franchit Taj Gate, porte monumentale haute de près de 30 mètres. De sa toiture, s’offre une vue superbe sur l’ensemble du mausolée. On débouche ensuite sur les jardins irrigués par des canaux et des bassins, en face du Taj Mahal, chef-d’œuvre incontestable de l’architecture indo-islamique, dont la réputation méritée est largement répandue au-delà des frontières de l’Inde…
Le mausolée s’élève sur une plate-forme en grès rose et en marbre, large d’une centaine de mètres. Construit sur un plan octogonal, comportant quatre façades larges et quatre façades plus étroites, il donne ainsi l’impression d’une construction carrée dont les angles auraient été coupés. La hauteur des façades est de 32,5 mètres. La coupole dont le sommet atteint 56 mètres de haut, se rattache au type de coupoles créées antérieurement au Turkestan russe à Boukhara et Samarkand. Pavillons et tourelles ornent les toitures. Les façades sont équilibrées par de grands arcs outrepassés séparant des niches superposées plus petites. A chaque angle de la plate-forme supérieure s’élève, jusqu’à hauteur du tambour de la coupole, un minaret haut de 41 mètres…
Ce matin nous quittons Agra pour l’Etat du Madya Pradesh, le plus grand de l’Union indienne, situé au centre du pays, pour rejoindre le site de Khajurâho. Celui-ci se trouve à l’emplacement de l’ancienne capitale de la dynastie Chandela (9ième –13ième siècles). Entre 950 et 1030, de nombreux temples y furent construits, et une trentaine d’entre eux ont été conservés. C’est une ancienne cité du royaume Jijhotî dont parle le pèlerin chinois Xuanzang dans son carnet de voyage…
Les temples de Khajurâho, forment le plus bel ensemble de temples médiévaux de l’Inde centrale. Ils sont remarquables autant du point de vue de l’architecture que de la sculpture. Une multitude de statues illustrant le panthéon hindou, de gracieuses figurines féminines ainsi que des couples amoureux (mithouma) foisonnent sur les façades…
La multiplication de la statuaire érotique dans la décoration des temples indous a été expliquée de différentes façons : ces sculptures représentent la « joie et le plaisir du monde des dieux », et sur un plan spirituel, symbolisent l’union dans l’enceinte du temple de l’Atman et du Brahman (la fusion de l’esprit individuel dans l’âme universelle). La sveltesse et la grâce contournée des figurines féminines sont sans égal : les jeunes femmes ont été surnommées « Surasundari » (séductrices divines) et sont représentées se regardant dans un miroir enlevant une épine de leur pied, et sous d’autres aimables aspects. Ces scènes, que l’on se le dise, sont franchement hard. Surprenant ! Voir des galipettes de ce type sur une façade n’est pas vraiment commun. Quand par-dessus le marché, il s’agit d’un lieu de culte, on peut se poser des questions, du moins si on a été éduqué dans les préceptes d’une des trois religions monothéistes…
Après ce cours, en plein air, sur l’art de l’amour en Inde, nous rejoignons notre hôtel : « The Jass Oberoi**** » à Khajurâho. Le repas est vite expédié et, tout le monde rejoint sa chambre, le Kama-Sutra sous le bras…
Ce matin au petit déjeuner tout le monde s’observe. Certains ont dû trop réviser, ils portent des cernes sous les yeux. D’autres, plus téméraires, se sont probablement heurtés à la « brouette indienne » ou au « ventilateur shakti », car ils affichent un superbe torticolis. La guide, le sourire aux lèvres, ne fait pas de commentaires, et nous prenons la route pour Bénarès. Nous atteignons la ville sacrée en fin de soirée, pour le « Clarks Varanasi*** », notre résidence pour deux nuits…
Située sur la rive gauche du Gange, Bénarès est orientée en direction de l’ouest vers les rives du grand fleuve bordé par les escaliers des ghats dont les marches descendent jusqu’au bord de l’eau. Le « fleuve sacré », les ghats, et la vieille ville « gali » avec ses nombreux temples donnent à Bénarès son atmosphère unique au monde. Chaque indou désire au moins une fois dans sa vie pouvoir se laver de ses péchés dans ces « eaux sacrées » ou mieux encore terminer son existence en ce lieu tout imprégné d’esprit religieux…
On commence la visite très tôt au lever du soleil, par une promenade en bateau sur le Gange. Depuis des millénaires rien n’a changé. Sur les marches des ghats les brahmanes récitent des formules rituelles, à la demande des fidèles, les yogis méditent face au soleil levant, les sadhous (ascètes mendiants) nus et couverts de cendres, l’emblème de Çiva dessiné sur le front, errent entre les vaches sacrées…
Une multitude de fidèles se masse aux endroits les plus sacrés, tournés vers le fleuve ; hommes et femmes tiennent dans leurs mains le lota, récipient destiné à recueillir les eaux sacrées qu’ils répandent ensuite sur leur tête en récitant d’interminables prières. Puis ils se rincent la bouche avec l’eau du Gange, qu’ils rejettent ensuite dans le courant…
On remonte le fleuve le long des marches animées de la rive jusqu’à hauteur de Hanuman ghat où s’élève le temple dédié au dieu à l’aspect de singe. Civala ghat se trouve près d’un fort où en 1781 Warren Hastings assiégea le raja de Bénarès. Ici la caste des intouchables lave le linge des riches indous. Tous les intouchables sont l’objet de sanctions dégradantes. Ils doivent vivre à l’écart des villages. Ils ne peuvent posséder d’autres biens que des animaux domestiques. Ils ne peuvent porter que les vêtements pris sur des cadavres…
Plus loin on arrive aux lieux de crémation, les morts y sont incinérés en présence de leur famille et les cendres jetées dans le fleuve. De l’aube à la nuit tombée, quand les derniers bûchers funéraires scintillent au lointain dans la brume, l’étrange fascination qu’exerce Bénarès la sainte ne laisse aucun visiteur indifférent…
Deux jours dans la ville sainte de l’ancienne Varanasi, c’est le plus que nous pouvons supporter. Bien que nous soyons conscients de ce que représente cette espace pour les indiens, nos yeux ne sont pas habitués à tant de misère. Côtoyer sans cesse mendiants et lépreux dans une promiscuité bien hiérarchisée, entre intouchables et castes élevées, nous interpellent à chaque instant. Nous restons éprouvés par cette atmosphère de recueillement, pour ne pas dire d’abnégation, qui construit le lit d’une croyance figeant les inégalités…
C’est avec soulagement que nous quittons Bénarès, ce matin, pour rejoindre l’aéroport international situé à quelques kilomètres. Un « Boeing 737 » nous dépose deux heures plus tard sur le tarmac de l'aérodrome de Katmandou la capitale du Népal. Notre guide Basri nous accueille avec joie et nous installe à l’hôtel « Shanker*** », pour trois nuits…
Coincé entre deux géants, l’Inde et la Chine, le petit Népal est le plus vaste des Etats indépendants de l’Himalaya. Son originalité vient de sa situation géographique, qui fait de lui une sorte de lien entre les plaines de l’Inde et les montagnes de l’Asie centrale. La haute chaîne de l’Himalaya est, avec la ville de Katmandou, la partie la plus connue du Népal, et en particulier des Européens depuis les grandes expéditions qui ont mené ceux-ci à la conquête pacifique de l’Annapurna (8 078 m), du Dhaulagiri (8 172 m) et de l’Everest (8 848 m)…
Au centre du plateau népalais, Katmandou est à 1 340 mètres d’altitude. Tout autour, des collines, succession de terrasses où la moindre parcelle de terre est utilisée, escaliers gigantesques où pousses de riz ou de blé plaquent des taches d’un vert acide, rendu plus agressif encore par la limpidité de l’air. En toile de fond, la chaîne de l’Himalaya, avec les plus hauts sommets du monde, Everest à l’est, Annapurna à l’ouest…
Katmandou, dont le nom signifie en newari « Maison de bois », est une sorte de ville musée par la profusion de statues, de pagodes et de palais qu’elle contient. Mais n’imaginez surtout pas des monuments figés, époussetés, étiquetés, que l’on admire de loin, sans oser les approcher. Ces trésors font partie de la vie quotidienne, avec toute la ferveur, et l’irrespect, que cela comporte…
Les parvis des temples sont occupés en permanence par des femmes vendant du riz et des fleurs, que les fidèles offrent aux divinités. Un lion de pierre sert un instant d’appui à la hotte trop chargée d’un Sherpa. Des fagots de bois s’entassent sur les marches du temple de Siva et de Parvati, sous les yeux du couple divin qui les contemple d’une haute fenêtre, dans la chaude harmonie des briques roses et des bois sculptés. Les dieux se penchent, dans une attitude très réaliste, et semblent observer l’agitation de la place…
Les rickshaws se faufilent à travers la foule, transportant une ou deux personnes abritées du soleil ou de la pluie par une capote de moleskine noire. Pour quelques roupies, on parcourt ainsi les rues de Katmandou à la recherche des « petites herbes de Provence ». Des taxis tentent de se frayer un passage en évitant les vaches et les chèvres qui essaient de grappiller quelques feuilles vertes aux étalages. Les enfants courent après les touristes pour leur vendre des bijoux de pacotille et les paysans offrent fruits et légumes de saison…
Le marchand de flûtes, disposées en bouquet au sommet d’un bambou, joue quelques notes, perdu dans un rêve. Non loin de là, le coiffeur installé sur les marches du grand temple de Siva, coupe sans ménagement les cheveux de l’homme accroupi devant lui. Tous les styles de vie se côtoient, toutes les époques se frôlent. Nous sommes au cœur de Katmandou, à quelques pas de la demeure où, insensible à l’agitation extérieure, vit la Kumari, la déesse vivante…
Un palais du 18ième siècle à trois étages, aux ouvertures finement sculptées, une porte gardée par des lions de pierre, puis, passé le porche, une cour intérieure entourée de balcons de bois magnifiquement décorés : c’est le cadre de vie d’une enfant promue déesse. Moyennant quelques roupies, on voit apparaître dans l’embrasure d’une fenêtre un visage très jeune. Les yeux semblent immobiles, perdus au milieu de larges cernes noires qui les prolongent jusqu’aux tempes. C’est la Kumari, la vierge pure à qui bouddhistes et hindouistes rendent hommage. Cette déesse vivante est l’incarnation temporaire de Taléju Bhavani. Elle ne quitte jamais sa demeure. Une fois déchue de sa divinité avec l'apparition des premières règles, elle ne pourra se marier car elle est supposé porter malheur à son mari et lui causer la mort…
Le pittoresque vient souvent fausser les images trop dures qui nous assaillent à l’improviste. La beauté l’emporte toujours, estompant les spectacles gênants, anachroniques. Une porte gardée par des dragons, un passage étroit, et l’on débouche dans une cour intérieure où se dresse une pagode magnifique : Machchendranath Bahal, temple bouddhique entouré de moulins à prières…
La magie opère de nouveau. C’est le monde des dieux en bronze doré, perchés sur une colonne au chapiteau épanoui en lotus, le monde des colliers de fleurs et des offrandes que l’on dépose aux pieds des statues, afin d’apaiser la fureur des redoutables divinités dont les visages terrifiants se perdent dans les volutes de l’encens…
A l’ouest de Katmandou, le temple de Swayambhunath domine la ville du haut de sa colline. D’immenses yeux cernés de bleu se détachent sur fond or, veillent depuis des millénaires sur le Népal. Répétés sur les quatre faces de ce sanctuaire bouddhique, ils rappellent à la foule des pèlerins la toute puissance, l’omniscience et la compassion du Bouddha. Trois cents marches conduisent à la plate forme où s’élève le temple central, extraordinaire stupa surmonté d’une flèche faite de treize cercles de métal doré, dominés par un parasol d’or, symbole de majesté…
Sur les bords de la rivière s’étendent les ghats, escaliers sacrés dont les larges degrés sont destinés, comme à Bénarès, à recevoir les bûchers funéraires. Tous les hindous du Népal souhaitent mourir ici, afin que leurs cendres, recueillies par le prêtre, soient dispersées dans les eaux sacrées…
De nombreux Tibétains, établis depuis longtemps au Népal ou réfugiés récents, vivent dans les maisons basses qui encerclent le temple. Leur vie s’est organisée. Beaucoup d’entre eux ont ouvert des boutiques et vendent aux visiteurs des objets en bois sculpté, des tankas, des bijoux et des tapis de fabrication artisanale. Certains offrent parfois des bronzes dorés anciens ou des objets rituels…
Pendant trois jours, baignés par les volutes montantes de l’encens qui brûle dans les temples, celles des « petites herbes de Provence », ou celles des crématoires dans les rues, nos esprits vagabondent. Les images d’éléphants roses, ou de vaches à têtes de centaures, ne sont pas loin dans l’imaginaire de notre cerveau ! Alors, il est temps pour nous de rejoindre la maison. Des petits tibétains nous saluent et nous accompagnent pour nous dire au revoir. Le car nous ramène vers l’aérogare de Katmandou pour un long périple avec escale à New Delhi et Paris...
Palais, jardins et maharajas, couleurs, parfums, turbans et saris offrent une profusion d’images splendides et fortes, de sensations enivrantes et d’émotions variées : Un tourbillon magnifique. Ces havres de paix vous permettent de vous requinquer et de reprendre notre souffle après l’agitation et les odeurs entêtantes des centres-villes, où s’agglutinent, les damnés de la terre. Ainsi nous nous extasions devant l’incroyable façade du monde indou. Là, entre patios et pièces d’eau, lotus et bougainvilliers, décor royal et chant des oiseaux, nous vivons un moment de pur enchantement…
Commentaires
bonjour.Merci pour ma rose.Jene m'attendais pasà etre à l'honneur sur l'image du jour.Je viens de bon matin de faire un joli tour en Inde.J'aimerai bien voir ce pays en vrai.Les images sont magnifiques
Andalousie