posté le 18-09-2008 à 08:21:02
LES AGAPES
Agapes : Nom donné au banquet des Chevaliers Kadosch. Dans la maçonnerie, les Agapes sont généralisées à tous les rites pratiqués dans l’obédience. On y pratique un rituel de table très harmonieux. Les Agapes revêtent une importance considérable, méconnues, ou sous-estimée par de trop nombreux maçons, parce qu’elles contribuent à faire du groupe, que constitue l’atelier, une véritable famille. C’est là que s’établissent les liens qui vont se développer profondément, durablement. Après la tenue, le temps des Agapes présente l’opportunité de se découvrir les uns les autres, de s’apprécier mutuellement, d’échanger avec profit et surtout d’y sceller les liens d’une indéfectible fraternité. Le repas, ce qu’il comporte en victuailles, importe peu, devant le plaisir de se sentir bien avec ceux que l’on aime.
Les Agapes permettent aussi aux Apprentis de se libérer de l’astreinte au silence qu’ils doivent observer sur la colonne du Nord. Ils peuvent alors poser aux anciens les questions qui les intriguent et y trouver certains éléments de réponse. Le surveillant pourra profiter de ce moment pour faire une séance d’instruction impromptue. Il procédera aux explications de circonstance et analysera les observations formulées par ses Apprentis tout en apaisant leurs craintes sur l’immensité de la tâche qui les attend ou devant une éventuelle difficulté d’assimilation maçonnique ou initiatique.
Dans certaines Loges, que j’ai visité, il arrive malheureusement que ce soit parfois l’inverse qui se produise. Personne ne s’occupe des jeunes frères ou sœurs que l’on charge des tâches matérielles les plus diverses (vaisselle, service de table, cuisine, etc.). Livrés à eux-mêmes, abandonnés, ils s’interrogent avec inquiétude sur l’absence de leur Surveillant et celle des autres maîtres de l’atelier parfois trop heureux de se défiler et masquer ainsi leur propre carence et leur inculture maçonniques.
Tandis que ces derniers mangent, boivent ou discutent, les Apprentis travaillent et servent. Astreints au silence pendant des heures, ils n’ont aucune possibilité de se décharger de la tension accumulée. Comment les jeunes frères et sœurs pourront-ils s’intégrer, dans la meilleure harmonie, au groupe existant, si on les confine seuls à la cuisine ou au service, quand les frères attablés ne distinguent des Apprentis que les mains passant les plats ou emplissant les verres ? Si des maçons ont lutté pour l’abolition de l’esclavage, ce n’est pas pour que d’autres en profitent pour asservir les Apprentis à leur confort. Tout les usages ne prescrivent-ils pas cette égalité universelle, à l’image de cette phrase rituelle que j’ai relevé dans le RER : « Venez goûter dans la société des frères les charmes de l’égalité ? ». N’est-il pas coutumier par ailleurs de se rencontrer sur le niveau ? A quoi peuvent bien servir les données fondamentales de la Maçonnerie, les usages fraternels du métier, si certains ne les mettent point en application ?
Il ne faut pas confondre la discipline ou rigueur comportementale individuelle, en juste application de la Règle, et l’infériorisation ou l’asservissement des uns pour le bien-être métallique et profane des autres. Garants de ces dérapages, les Surveillants veilleront à ne point laisser les Apprentis seuls au service ou à la cuisine.
Cette rupture des valeurs profanes surprend et dérange souvent certains frères, fiers, soucieux de leur réussite ou image de marque. Il n’y a pas de place pour l’ego ni pour l’hypertrophie du Moi dans le royaume de la quête initiatique. D’ailleurs, quand vient l’heure de la maladie, qu’approche celle de la mort, les valeurs matérielles ne tombent-elles pas d’elles-mêmes ? Mais il s’avère trop tard alors pour que les inconscients puissent remédier aux erreurs accumulées et corriger les inconséquences de leurs actes passés. La justice va les frapper en leur appliquant les mêmes poids, nombres et mesures qu’ils appliquèrent à leurs semblables. Il sera Minuit.
Les Agapes représentent un moment ô combien essentiel. Pour pénétrer l’importance qu’elles recèlent depuis l’antiquité, il convient de remonter à leur source : la patristique grecque où, dès le début, éros et agapè trouvèrent leur prolongement dans l’homme. Si la modernité a dévalorisé éros en le restreignant au seul amour physique ou à celui des amants, primaire et instinctif, pour les Anciens, tel Grégoire de Nysse, éros exprimait le désir de Dieu dans l’âme unie à lui et, dans ce mouvement de l’âme vers Dieu, Eros apparaissait comme le produit d’agapè.
Pour les Chrétiens, agapè se rapporte à l’amour prévenant et enrichissant dans l’Ordre spirituel de Dieu pour les hommes comme à l’amour inconditionné, au dévouement absolu que chaque membre de la communauté doit prodiguer à son prochain sans distinction de milieu, d’origine, de rang ou de situation sociale, de race ou de couleur. Maxime le Confesseur enseignait : « Je crois, selon la tradition et l’enseignement reçu, que Dieu est agapè, et que puisqu’il est un, sans jamais cesser d’être un, il rend uns ceux qui vivent selon son agapè, et leur donne un seul cœur, bien qu’ils se trouvent être plusieurs ». Voilà pourquoi les agapes sont collectives.
La fraternité maçonnique est ainsi fille d’agapè. Car les Agapes représentent un moment privilégié de la communion fraternelle dans l’amour que chacun doit à son prochain, car elles découlent naturellement du précepte : « Aimez-vous les uns les autres ». L’agapè intervient justement comme l’expression de la Charité. « Dieu est agapè » disait Saint Jean. Cet accès, ce cheminement vers l’autre, cette quête vers la lumière est une exigence pour chacun d’entre nous.
Comme le souligne Saint Paul : « Agapè est le lien de la perfection ». Alors en ne participant pas aux Agapes, le maçon se prive d’un élément majeur dans la grande course des Chercheurs. Qu’il le veuille ou non, il fait partie de cette chaîne d’amour fraternel qui œuvre pour le modifier, le transformer, le rendre plus juste, plus équilibré et enfin humaniste. Si, il s’y soustrait volontairement, c’est que le moment est venu ! Pour lui, de retourner dans le cabinet de réflexion…
Jakin
Commentaires
Et n'oublions pas que la maçonnerie spéculative , à ses origines, au 17 ème siècle en Angleterre, s'est constituée autour de repas, dans des restaurants, des tavernes, où se réunissaient des personnes très éloignées les unes par rapport aux autres, cathloliques, anglicanes, protestantes, afin de signer une trêve dans l'intolérance et les conflits.