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Titre du blog : Les Black's Foot
Auteur : Jakin
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 19-09-2008 à 08:12:25

CHEZ LES MAFIOSO...



Sicile du 11 au 18 octobre 1991




    La Sicile : l’île aux mille séductions. Palerme, Syracuse et Taormina… Rivages enchanteurs et extraordinaire patrimoine architectural, tour à tour grec, romain, byzantin, normand ou baroque, la Sicile a de quoi épater les plus blasés. Carrefour de toutes les civilisations, la plus grande île de la Méditerranée possède des trésors culturels à foison, un art de vivre bien à elle et des paysages d’une beauté à tomber !…

    Mais quand on parle de la Sicile c’est plutôt Corléonne, Toto Rino, ou Mafia, qui viennent à l’esprit. Redoutable société secrète dont la règle, consistant à défendre ses membres au mépris de la légalité et à leur imposer la loi du silence (l’omerta), fait régner sur l’île un climat de crainte et de méfiance…
 


    Les pétales blancs et roses des fleurs d’amandiers voltigent autour des fruits d’or de l’hiver, ces innombrables citrons, pamplemousses, cédrats et mandarines qui donnent à chaque verger de cette île du Sud l’éclat d’une fête. Le long de la mer Ionienne, sur les pentes du volcan Etna qui, du haut de ses 3 300 mètres, domine toute la Sicile, la neige est encore là, immaculée…

    En savourant le soleil idéalement chaud en cette saison aux terrasses de Taormina, le regard continuera de capter ce chatoiement de couleurs, de fleurs en fruits, du bleu de la mer à la blancheur des cimes. Oui, très vite, nous le constaterons, tout y est admirable, il ne faut rien manquer…

    Nous sommes en octobre. Pas de temps à perdre ! Quelques tenues de ville et une veste pour les soirées fraîches suffiront. La valise est vite bouclée. Un vol Marseille Palerme nous attend à l’aéroport de Provence. Pour conjurer le sort nous partons avec le beau-frère, Pierro Carlino, un ancien mafioso repentit, dont la famille habite toujours le petit village de Corléonne…

    Deux heures plus tard, notre guide Livia nous accueille à la sortie de l’aéroport international de Palerme, point de départ de notre séjour. Cette capitale foisonnante, étrange, dont les contrastes stupéfient le visiteur nous assaille de ces parfums de fruits mûrs, de ces senteurs âcres de l’espadon ou de l’encornet et donne à la rue une sensualité portée à son paroxysme. Ici tout se mêle, tout se superpose. La grande beauté de la mer, celle du mont Pellerin qui barre le ciel, celle des palmiers géants, des palais, des statues, des fontaines, des escaliers de marbre…
     


    Une splendeur qui cohabite avec la médiocrité d’une modernité mal conçue, avec des maisons abandonnées, rongées par le temps et la pauvreté dans certaines « vicoli », ces ruelles qui abritent néanmoins des marchés fabuleux. Notamment le plus ancien de Palerme, le Vucciria, où poissons, crustacés, légumes et marchandises de toutes sortes constituent un extraordinaire garde-manger…
       
    Autre gloire de la ville : les mosaïques d’or, lapis-lazuli, pierres scintillantes de toutes les couleurs qui ornent les murs des églises, les porches des palais. Les plus merveilleuses se trouvent à l’église de la Martorana, à la chapelle Palatine (chef-d’œuvre de l’art arabo-normand) et, bien sûr, à la cathédrale de Monreale…
      


    Dans le centre de la capitale, nous rencontrons, tour à tour, marchés labyrinthiques, frais jardins ombragés de palmiers, rues populeuses et splendides joyaux architecturaux. Ils sont l’héritage d’une histoire où s’illustrèrent, entre autres, les rois normands, natifs du Cotentin, conquérants de la Sicile au 11ième siècle. Dans leur palais palermitain, il faut voir la Chapelle palatine, « le plus surprenant bijou religieux rêvé par la pensée humaine », selon Guy de Maupassant…
      
    On aime Palerme tôt le matin. Les nymphes et les chérubins dénudés de la place Pretoria regardent, désabusés, les voitures s’agglutiner au carrefour des Quattro Canti. Ni les klaxons, ni le trafic, ni le tragique dénuement de certains quartiers ne nous découragent. Avec ses parcs, ses ruelles joyeuses, ses palais abandonnés où les flamboyants « guépards » donnèrent jadis d’aristocratiques bals. Palerme ensorcelle…
      

    
    On aime moins la ville, le soir à la tombée de la nuit, car il faut rester dans la périphérie de son hôtel. Passé ce périmètre sécurisé, il y a une forte probabilité de se retrouver en caleçon. Palerme exorcise.  Mais quand on se lasse du tumulte, il faut se réfugier sous les dorures du bar de l’Hôtel des Palmes, où Wagner rêva la partition de « Parsifal »…
       
    Après Palerme, d’autres grandes découvertes. D’abord, à quelque 70 kilomètres, le choc de Ségeste. Dans un paysage presque désertique, un temple brut, doré, posé sur la pierre comme une boite à merveilles, près d’une colline entaillée d’un petit théâtre grec d’où la vue est fantastique, sur terre et sur mer. Ségeste, grande rivale de Sélinonte au 5ième siècle avant J.-C., fut, semble t-il, détruite vers l’an mille par les Sarrasins…
   

    
    De Ségeste, nous gagnons l’immense champ de ruine de la grande cité grecque de Sélinonte. Colonnes couchées, colonnes relevées, arcatures brisées sur fond bleu de mer. Enfin, toujours par la côte, nous arrivons à Agrigente, « la plus belle cité qu’aient jamais habité des mortels ». Ici, c’est l’éblouissement d’un temple presque parfait, la Concorde, et d’autres merveilles doriques, rehaussées par les milliers d’amandiers qui tapissent cette « vallée des temples »…
      
    Nous flânons entre celui de la Concorde, de Junon, de Jupiter, d’Hercule et de Castor et Polux de préférence à l’ombre. Au total, une douzaine de monuments doriques plantés dans un paysage unique qui ont résisté au temps et aux tremblements de terre. Emouvant et sublime Comme la Sicile…
      


    Nous partons aujourd’hui vers l’intérieur pour découvrir les mosaïques romaines de Piazza Armerina. Dans un site verdoyant, sur le versant d’une petite vallée, les maisons grises de la ville se serrent au pied d’une cathédrale baroque. Nous frappons à la porte de bois pour en demander l’entrée. Construite selon une tradition italique qui a trouvé son sommet dans la technique de construction de la villa de l'empereur Hadrien, cette édifice présente, à côté d'aspects très conservateurs, des particularités de construction qui laissent deviner des structures très nouvelles et dont la principale est d'avoir renoncé à la symétrie axiale que l'on observait scrupuleusement jusqu'alors…
      


    A six kilomètres au Sud-Ouest, nous visitons une immense villa romaine du 3ième ou 4ième siècle après J.-C., qui appartenait sans doute à un personnage important. Son pavement mosaïque recouvre la presque totalité du sol. D’une gamme de tons très étendue, ces mosaïques représentent, dans un style parfois fruste mais toujours pittoresque, des sujets très divers empruntés à la mythologie, à la chasse, au sport et à la vie quotidienne…
      


    Nous poursuivons notre route par les villages de Caltagirone, Palazzollo, Noto pour arriver en fin de soirée à Syracuse. Le nom est aussi mélodieux que la célèbre chanson d’Henri Salvador et la ville tient ses promesses. Les premiers grecs s'installèrent vers 730 av. J.-C. à Siracusa. Une série de Tyrans (Gélon, Hiéron, puis Denys l'Ancien) règnent sur la ville et en font l'une des villes siciliennes de premier plan. Elle accueillit Platon, Eschyle, Archimède. Un long sommeil l'envahit ensuite. Jusqu'à ce que Goethe, Maupassant, Renan la firent redécouvrir. Aujourd’hui encore, on admire la source d’eau chaude qui incita les grecs à s’y établir. Agrémentée de bassins, elle est le but rituel de la passegiatta, ce ballet urbain qui anime en fin de journée le front de mer et la superbe place du Dôme, livrés aux seuls piétons…
     

 
    Avec douceur et sensualité, les premiers rayons caressent les hautes murailles, pénètrent au plus profond des ruelles de pierre, irisent les flèches du temple d’Athéna et, peu à peu, nimbent l’île d’Ortygie toute entière d’une lumière chaude et nacrée. Le soleil vient d’offrir l’un de ses plus beaux réveils à Syracuse…
       
    Faire un pas dans cette ville, c’est marcher sur un trésor. Les palais succèdent aux hautes demeures baroques. Autour du Duomo on installe les terrasses sur un pavé que foulèrent Phéniciens et Corinthiens. La magie est quotidienne ! Le soir venu, nous grimpons sur les gradins du majestueux théâtre grec pour voir décliner le soleil. Le vent léger qui s’est levé vers 17 heures allonge les voix. Quel choc ! Un jour comme un autre dans cette cité des merveilles !…
       


    Ce matin nous remontons vers Catane en longeant la côte. Bien que détruite à plusieurs reprise par les éruptions de l’Etna, la ville est un port actif et une cité industrielle dont le développement  s’est fortement accru ces dernières années. Elle présente un plan urbain constitué de longues et larges avenues rectilignes qu’enrichissent de nombreux monuments baroques dus à l’architecte Vaccarini qui les édifia après le tremblement de terre de 1693...
      
    Catane détient le record de la plus grande chaleur en Italie (plus de 40°) et celui moins enviable, de la plus forte criminalité : elle est surnommée « le Chicago de la Sicile »…


    Nous décidons de faire l’ascension du volcan par le versant Sud au départ de Catane. La route qui monte à Nicolosi traverse de nombreuses cultures d’agrumes, d’oliviers et de vignes produisant l’excellent vin de l’Etna, puis au dessus de 500 mètres, poussent des châtaigniers, que remplacent plus haut des chênes, des Hêtres, des bouleaux et des pins. Passé 2 100 mètres, c’est la zone déserte, les pentes des cratères secondaires, sur les scories et la pierre ponce…
       
    A la gare de Torre del Filosofo, nous empruntons un funiculaire qui nous élève jusqu'à un refuge situé à plus de 3 000 mètres. Là, les imprudents en tee-shirt se précipitent vers la cabane de bois pour louer anoraks, coupe vent et souliers de marche. La température avoisine les zéro degrés. Puis on nous offre un petit verre de génépi, avant qu’une autochenille nous conduise au sommet en zigzagant sur la pente abrupte. Nous finissons notre chemin à pied jusqu’au versant oriental, la grandiose valle del Bove, limitée par des murailles de laves, percée de gouffres et de crevasses crachant la fumée. Le vent glacial nous transperce, la roche est encore chaude, vulcain attise son foyer, le danger est tout proche, c’est un moment inoubliable…
      


    Taormina, elle aussi se montre à la hauteur de nos attentes, arrimée aux pentes vertigineuses d’une falaise, comme le serait « un morceau de paradis tombé sur Terre ». la belle cité arabo-byzantine regarde le cratère de l’Etna qui offre encore aux visiteurs ébahis quelques paisibles coulées de lave. Délaissant les ruelles encombrées de boutiques, nous gravissons l’éperon rocheux du théâtre romain pour voir le soleil rougir l’Etna et l’admirable baie de Naxos où, huit siècles avant notre ère, débarquèrent, pour ne plus repartir, les Grecs. Nous avons envie de les imiter !…
     

 
    Il faut pourtant rejoindre le détroit de Messine. En dépit des innombrables destructions qu’elle a subies au cours des siècles, Messine, l’ancienne Zancle des Grecs, est aujourd’hui à nouveau un port actif. Nous visitons la cathédrale, presque entièrement refaite après le séisme de 1908 et les bombardements de 1943. Elle conserve les lignes de son style normand d’origine (12ième). On y pénètre par un étroit portail finement sculpté du 15ième siècle. A gauche, s’élève un campanile haut de 60 mètres doté d’une horloge astronomique construite à Strasbourg en 1933, et qui serait la plus grande du monde…
     

 
    Pour boucler notre tour de Sicile nous nous dirigeons maintenant vers la ravissante ville de Cefalú, ses ruelles, son église fardée d’or et de mosaïques, ses petites places tendres et les bistrots sur le port. On y trouve récemment restaurée dans son élégance originelle, l’une des plus belle cathédrale normandes de Sicile. Cefalú était nommée pendant l'antiquité Kephaloidion, venu du grec Kefalè qui signifie le dominant, certainement pour rappeler l'énorme rocher qui domine la ville. Un rocher qui ressemble presque à une montagne tellement il est impressionnant !
         
    Dans la soirée nous quittons Cefalú pour rejoindre Palerme par l’autoroute (A19). Le soleil se couche sur la baie et marque de ses derniers rayons le chemin à prendre. Il fait déjà nuit quand nous pénétrons dans Palerme. Nous passons notre dernière nuit au « Centrale Palace***** », siège du Lion’s Club…
    

  
    Mille kilomètres de côtes, des montagnes qui plongent dans la mer, un soleil généreux, une cuisine sublime, le quart du patrimoine culturel européen… La plus grande île de la Méditerranée a bien des atouts ! Elle suggère de romantiques promenades…

    D’ailleurs, si l’amour romantique devait avoir une patrie, ce serait la Sicile. S’il devait avoir des yeux, ce serait ceux de Claudia Cardinale dans le « Guépard ». Et s’il devait avoir une voix, celle de ce peuple volubile et séduisant qui sait encore siffler les jolies filles !…

    Ce romantisme fougueux, vous le ressentirez aussi bien le long du littoral ciselé d’anses rondes et claires qu’à l’ombre des petites tavernes de l’arrière-pays, de Caltanisseta à Corléonne, où les chansons susurrées d’une voix un peu rauque, le sourire des siciliens et la troublante langueur des siciliennes donnent à vos soirées un goût d’éternité. Ajoutez-y une bonne pasta aux fruits de mer et le vin des coteaux de l’Etna… Sublime !…
 
 
Andrée et Armand     
 
 
 
 

Commentaires

lejardindhelene le 20-09-2008 à 17:57:44
Magnifique de voyager avec vous...Beaucoup de choses à prendre le temps de lire dans ce blog superbement écrit...Je me permets de vous mettre dans mes favoris...

Hélène
mimi40n2 le 19-09-2008 à 12:39:39
merci d'etre passé sur mon blog

je te souhaite beaucoup de visites

et d'avoir mis un com sur dicton sexy ste emilie

bonne journée et grosses bises

Hebergeur d'images
aurore le 19-09-2008 à 11:09:40
je ne connaissais pas ton blog, je reviendrai pour lire.. bonne continuation et bravo pour l'écriture et ton joli blog..!
mistinguett le 19-09-2008 à 08:48:43
merci pour le p'tit message d'accueil ;-). bonne journée.