Cette phrase du Rituel nous plonge directement et sans ambiguïté dans le Grand Oeuvre. Mais là, il s'agit de la réalisation de la pierre philosophale par la voie dite du Pauvre. Celle qui consiste à s'engager dans un travail long et souvent coûteux, dans tous les sens du Terme.
Le Chevalier de l'Aigle Rouge doit donc travailler la matière en suivant les principes de l'Arcane qui consistent à réaliser l'œuvre au noir, puis l'œuvre au blanc et enfin l'œuvre au Rouge en parcourant les maison du Soleil qui elles, lui servent de guide et de mode d'emploi. Mais comme toujours en hermétisme les étapes sont indiquées dans le mauvais ordre pour obliger le Chevalier avant toute chose, d'y croire, de chercher et enfin de se mettre au travail.
Cependant le Rituel est bienveillant, il nous donne à chaque Maison céleste les clefs de la réussite : Une injonction du Prieur, un mot hébreu, un mot de passe, une lettre hébraïque, une partie du corps humain et deux noms sacrés pour accomplir à chaque porte, le travail qui nous est demandé sur la matière.
C'est dans le protocole élaboré par Georges Ripley dans Les douze portes d'Alchimie que nous retrouvons ce mode opératoire qui se décline ainsi : Coagulation, Fermentation, Solution, Sublimation, Fixation, Distillation, Incinération, Multiplication, Calcination, Digestion, Dissolution et Séparation.
Les douze opérations sont la manifestation sensible de douze matrices, de douze forces structurantes. En ce sens, elles peuvent être mises en rapport avec les douze signes du zodiaque, qui sont une autre expression des mêmes matrices. En vertu de cette analogie, les signes zodiacaux des alchimistes sont parfois utilisés pour désigner les opérations de l’œuvre.
Elles correspondent à des manipulations concrètes dans l’œuvre externe (parergon) accomplie en laboratoire. Elles décrivent en parallèle les opérations qui se produisent dans l’organisme de l’alchimiste (ergon). Nous avons respecté l'ordre dans le déroulé du Rituel pour ne pas dévoiler le mode opératoire aux non pratiquants.
La Coagulation - Œuvre au Noir 1 - élément terre : C'est la première opération de l'alchimiste dans l'œuvre au noir, il doit dissoudre le mercure par la coagulation du soufre. Notre alchimiste commence par préparer, dans un mortier d'agate, un mélange intime de trois constituants. Le premier, qui entre pour 95 %, est un pyrite arsénieux (stibine antimoine). Le second est un métal : fer, plomb, argent ou mercure. Le troisième est un acide d'origine organique : acide tartrique, ou citrique.
Ce mélange (soufre, charbon, nitrate : explosif) est placé dans un récipient fermé de manière spéciale (fermeture d'Hermès ou hermétique). Le travail consiste désormais à chauffer le récipient. Le mélange se change alors en un fluide bleu noir que l'on nomme "aile de corbeau".
C’est un endurcissement d’une chose molle, par le dessèchement de l’humidité et la fixation du volatil. C’est dans ce sens qu’Hermès a dit que la force de la matière sera parfaite, si l’eau est réduite en terre ; parce que tout le magistère consiste à réduire la matière en eau par la solution, et à la faire retourner en terre par la coagulation. Congeler, teindre et fixer sont une même opération continuée dans le même vaisseau.
Congeler, c’est l’acte par lequel on change un fluide en un solide, par refroidissement, coagulation ou quelque procédé analogue. C’est un processus qui se produit vers le bas. C’est pour cela que les adeptes affirment que la matière n’est que de la lumière congelée.
Cette étape du processus alchimique emploie l’élément Terre. Vénus, qui régit ce stade de l’œuvre (en tant que maître du Taureau) est complémentaire de Mars, qui régit le premier stade (en tant que maître du Bélier). La Lune exaltée à ce stade est complémentaire du Soleil en exaltation dans le premier. La congélation ne représente pas seulement la combinaison de Vénus et de la Lune, mais aussi une combinaison de Vénus et du Soleil. Á ce stade de l’œuvre, Vénus et le Soleil sont fondus l’un dans l’autre.
Dans cet espace qui évoque l'histoire du Minotaure de la mythologie grecque : un monstre redoutable au corps d'homme et à tête de taureau (Chour), enfermé dans un labyrinthe, se nourrissant tous les neuf ans, de sept garçons et sept filles qui lui étaient donnés en sacrifice. Il sera finalement tué par le héros Thésée guidé par le fil rouge d'Ariane (l'amour). Nous avons là une représentation de l'homme dominé par ses pulsions instinctives.
Cette Porte nous indique que nous devons retrouver notre axe vertical, et nous tenir "debout" , les pieds sur la Terre, le Soleil dans le cœur et la tête dans le ciel de la conscience universelle. Cela pourrait être la définition de l’Homme Nouveau vers lequel nous marchons (la main gauche). Nous avons tous endossé des manteaux psychiques qui voilent la splendeur de notre âme. Il ne faut pas les rejeter mais les comprendre avec amour, et ils seront transmutés par la Lumière (Ishar). Elle nous invite à devenir le Fils du retour, par notre choix irrévocable de retourner en notre Demeure, et de la trouver sur la Terre (Vav).
La Fermentation - Œuvre au noir 2 - Élément Terre : La fermentation est une réduction des parties actives et spirituelles des mixtes, de puissance en acte et qui, dans certains cas, doit se faire sans le concours d’aucun feu actuel, mais par l’effet du feu potentiel et naturel contenu dans la matière qui se corrompt et se divise par elle-même. La fermentation est la clef qui ouvre la porte de sortie aux poisons végétaux. Par cette opération, la matière involue et sa nature rétrograde vers sa première forme qui est principe fermentatif et sémentiel.
La fermentation est l’action de l’air sur les mixtes, qui en s’y raréfiant, en altère la forme, en désunit les parties sans y produire une dissolution entière comme la putréfaction. La fermentation tient le milieu entre la liquéfaction et la putréfaction. Toutes trois sont des effets de la raréfaction ; mais la putréfaction introduit des parties aqueuses dans les pores des mixtes, la fermentation des parties aériennes, et la liquéfaction des parties ignées. Il y a trois espèces de fermentations ; celle qui se fait par enflure, gonflement, tuméfaction, ébullition, et inflammation ou échauffement interne du mixte ; la seconde est proprement la fermentation ; et la troisième est l’acétification ou aigreur survenant au mixte.
Mais dans la conscience de la Lumière, il est important d'être avant tout relié à son âme, et d'agir non pour sa personnalité, mais pour la grande Unité.
Dans cet espace qui évoque le Mythe de la tour de Babel nous retrouvons l'œil de Dieu ou la Source. Et celui-ci nous demande de descendre de la Tour des possessions matérielles avant que les circonstances ne nous y obligent de façon dramatique (Guedi). Car la tour était perçue comme le moyen de relier le ciel, le monde divin, symbolisé par le temple sommital, avec la terre et le monde souterrain dans lequel est ancrée la base de la ziggurat. La ville de Babylone était plurilingue au moment de la construction de la tour, on y parlait l’akkadien, écrit en cunéiforme, mais aussi l’araméen écrit en alphabet sur parchemin ou plutôt sur papyrus. La ville elle-même abritait des populations très diverses, avec notamment des groupes de déportés provenant des villes conquises par les rois.
Cette Porte nous enseigne que notre regard humain a tendance à séparer, comparer, mesurer selon ses propres critères. Or la pensée est créatrice. Nous voyons ce que nous créons, et donc nous créons ce que nous voyons, enfermant le cri de l'âme dans un cercle sans fin (Ayin). Si l'on veut répondre à l'appel de son âme, les pouvoirs de la pensée créatrice ne doivent pas être utilisés pour les besoins de l'ego, qui en serait ainsi nourri et grandi, mais toujours dans le don de notre volonté personnelle.
Il est une porte qui peut s'ouvrir sur d'autres mondes. La puissance de la pensée créatrice n'existe que par lui, il apporte la clairvoyance et recèle de nombreux pouvoirs (Tévet). Il doit donc être ouvert par la Lumière dans la conscience de l'Amour, afin que jamais ce pouvoir ne soit dévié pour l'ego. Nous devons savoir tourner notre regard vers la spiritualité, vers la pensée élevée et généreuse.
La Solution - Œuvre au Noir 3 - élément Eau : Littéralement, mélange homogène de plusieurs liquides ou de plusieurs solides. En alchimie, opération qui s'effectue à plusieurs stades de la réalisation de l'œuvre. La solution, chimiquement parlant, est une atténuation ou liquéfaction de la matière sous forme d'eau, d'huile, d'esprit ou d'humeur.
Origine de la vie, l'eau est symbole d'inconscience. Faire de l'OR c'est faire de l'O et de l'R. L'évaporation des contradictions mène au centre, il y a équi-Libre. Car l'eau est Jeune-Vie-Eve ! C'est pourquoi les Alchimistes placent la Solution dans le signe du Lion, parce qu'ils ont besoin du feu pour leur opération. C'est le 2ième signe de l'été, la saison la plus chaude.
Effet de la dissolution du corps par son dissolvant. Cette séparation arrive dans le temps que la matière devient noire ; alors commence la séparation des éléments. Ce noir se change en vapeur ; c’est la terre qui devient eau. Cette eau se condense, retombe sur la terre et la blanchit ; cette blancheur est l’air. Á cette blancheur succède la rougeur, et c’est l’air qui devient feu.
Dans cet espace qui évoque Le combat d'Héraclès contre l'Hydre de Lerne, nous découvrons que rien n'est impossible, tout est question de motivation à condition, bien entendu, que celle-ci jaillisse de l'âme de lumière, de notre cœur profond (le pied gauche). En effet, L'Hydre se retrouva confrontée à Héraclès et Iolaos. Héraclès coupa d'abord une tête, mais aussitôt deux autres repoussèrent à la place. Avec l'aide d'Iolaos, son fidèle compagnon, Héraclès brûla les têtes de l'Hydre, trancha celle qui était immortelle et l'enterra sous un lourd rocher puis il trempa ses flèches dans le sang du monstre afin de rendre leur blessure mortelle.
Cette Porte nous propose de changer de regard sur ce qui nous apparaît comme une difficulté. S'il est vrai que la Vie nous teste, c'est avant tout un défi d'amour. Elle nous invite à danser avec elle, à soulever son voile et à découvrir son essence. Les résistances à l'évolution sont normales, mais aucun problème ne reste sans solution pour le Chevalier de bonne volonté qui marche main dans la main avec les Intelligences divines (Tamuz).
Elle nous encourage (et nous aide) à rassembler toute la puissance de notre réelle motivation, en orientant celle-ci de façon juste. Ce n'est pas le moment de nous endormir, mais d'agir dans cette conscience. Alors la Barrière s'incline et s'efface devant nous (Heith). Cette barrière est semblable à tous les Gardiens du Seuil des différents mythes. Il nous faut donner le mot de passe qui ne signifie pas seulement une reconnaissance entre frères et sœurs, comme il en est le cas dans les sociétés initiatiques, mais il représente la vibration qui correspond à un champ énergétique nouveau et si nous ne sommes pas capables de le prononcer, de le vivre, donc de l’être, nous ne pouvons pas passer. Ce ne sera pas le fait d’une punition, mais une mesure de prudence. La barrière est là pour le vérifier.
La Sublimation dans l'Œuvre au noir 4 - Elément Air : Sous le signe de Vénus. L’alchimiste "va maintenant essayer de recombiner les éléments simples qu’il a obtenus" Michaël Maier parle de sublimation, c’est-à-dire l’action d’épurer, de transformer en vapeur par la chaleur. La sublimation et l'élévation d'une matière sèche s'attache au vaisseau est, philosophiquement parlant, c'est une purgation, une subtilisation et une rectification de la matière.
Séparer le subtil de l’épais, dans la première opération, qui est toute intérieure, c’est affranchir son âme de tout préjugé et de tout vice : ce qui se fait par l’usage du Sel philosophique, c’est-à-dire de la sagesse ; du Mercure, c’est-à-dire de l’habilité personnelle et du travail ; puis enfin du Soufre, qui représente l’énergie vitale et la chaleur de la volonté.
C’est en ce sens qu’il faut entendre les paraboles de la Tourbe des philosophes, de Bernard le Trévisan, de Basile Valentin, de Marie l’Égyptienne et des autres prophètes de l’alchimie : mais dans leurs œuvres, comme dans le Gand Œuvre, il faut séparer habilement le subtil de l’épais, le mystique du positif, l’allégorie de la théorie.
Si on veut lire avec plaisir et intelligence, il faut d’abord les entendre allégoriquement dans leur entier, puis descendre des allégories aux réalités par la voie des correspondances ou analogies indiquées dans le dogme unique : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et réciproquement.
Purification absolue. Purification de la matière par le moyen de la dissolution et de la réduction en ses principes. Elle ne consiste pas à faire monter la matière au haut du vase et l’y faire attacher, séparée de la Tête Morte et du Phlegme ; mais à purifier, subtiliser et épurer la matière de toutes parties terrestres et hétérogènes, lui donner un degré de perfection dont elle était privée, ou plutôt la délivrer des liens qui la tenaient comme en prison et l’empêchaient d’agir. La sublimation ne comporte que la simple élévation sèche et adhérente, et la séparation.
Dans cet espace qui évoque le Mythe de la déesse grecque Thémis (la mère du Titan Prométhée), nous sommes l'allié du chercheur qui aborde le monde avec un esprit ouvert (Moaznim). Car sur l'Olympe elle siégeait près de Zeus et présidait à l'ordre universel, aux serments et à la justice. Elle avait des pouvoirs oraculaires et passait pour avoir fondé le site de l'oracle de Delphes. On disait qu'elle avait des dons de voyance si puissants qu'elle pouvait voir des choses que même Zeus ignorait.
Cette Porte nous lie au principe de l'étude, car à ce moment-là nous avons accès à des plans de connaissance qui ne sont pas destinés à l'intellect que nous ne pouvons pas comprendre (Tichry). Elle nous dévoile les sciences de l'univers, de l'infiniment petit à l'infiniment grand, et révèle les splendeurs cachées dans les textes sacrés. C'est au cœur de ce silence, de cette sérénité, que l'amour jaillit aussi du plus intime de notre être (Lamed). On retrouve une fois encore un instrument destiné à briser le statisme de la pensée et de l’être et nous pouvons nous lancer, encore et toujours, à la recherche de la réalisation de soi.
En conclusion : L'Alchimie est un Arcane, il est donc incontournable de travailler sur soi-même, sur ses pensées. Et comment prétendre, pouvoir travailler sur les métaux avec de vieilles conceptions erronées ? Comment pouvoir prétendre transmuter les métaux sans être capable de transmuter ses pensées ? Si on y regarde bien, le principal obstacle dans cette science n'est pas l'obscurité des écrits, mais bien nos partis pris, nos préjugés, nos pensées déterminées ou plutôt prédéterminées.
Dès l'ouverture des premiers livres, avant même l'entrée au laboratoire, il nous faut travailler, œuvrer à libérer nos pensées de ses partis pris, préjugés, notre cœur de ses intérêts personnels, ses désirs égoïstes, égocentriques et notre volonté de sa torpeur.
L'Alchimiste, essayant de comprendre les principes universels qui régissent toute la matière, ne peut s'exclure de la matière et de ses principes. L'ego, agent d'isolement, de séparation et de coagulation, fait obstacle à notre recherche alchimique et nous maintient, grâce aux intérêts personnels, dans l'illusion de la séparativité.
C'est pourquoi si le Chevalier veut découvrir la racine, la quintessence de toute matière, à commencer par celle qui le constitue, il doit se libérer de ses entraves personnelles. Il ne s'agit évidemment pas de détruire systématiquement l'ego et encore moins de le diaboliser comme l'ont fait certains religieux, mystiques ou spiritualistes, mais plutôt de le dissoudre.
Alors nous vous engageons à entrer dans le Laboratoire - le temps de l'Oratoire est suspendu - pour mettre les mains dans le Mystère de l'Arcane et accomplir l'âme à tiers...
Jakin,
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