Le sel est un étrange personnage. Il se nomme kogo en Bambara et milgha en Araméen. C’est un cristal qui peut se fondre dans l’eau et réapparaître sous sa forme première par l’action combinée du soleil, du vent et accessoirement de la sueur de l’homme (également salée). Ses vertus, qualités et propriétés sont innombrables et on ne peut pas dire qu’il ait beaucoup de défauts sinon de pousser les hommes à raconter des histoires salées, à rouiller le parc automobile, et à provoquer parfois certaines malédictions. Dans de nombreuses civilisations, les hommes établissent un lien entre le sel et le Tout-Puissant d’où sa place dans la religion, les traditions, les superstitions et même la sorcellerie. La symbolique du sel remonte très loin dans l’histoire de l’humanité. Dans la religion chrétienne, le sel évoque le rôle même du Christ ressuscité, vainqueur de la mort. Il y a conjonction entre le sel et la lumière. Mais il ne faut pas oublier son caractère maudit. Iahvé change la campagne fertile en pays de sel. Les Romains sèment du sel grenu sur les ruines de Carthage. Dans un contexte quelque peu différent, il est gage d’hospitalité et d’amitié comme en témoigne, chez divers peuples l’offrande du pain et du sel. Indispensable à la vie, le sel était sacré. Il semble même que l’origine des temples et lieux sacrés de beaucoup de civilisations aient été originellement des abattoirs, des lieux de stockage du sel et des conserveries pour la préparation des viandes et produits alimentaires. Naguère la maîtrise du sel était la clef de voûte du pouvoir absolu. Économie, politique et religion se fondaient sur la maîtrise de la production du sel, sa distribution et sa monopolisation. Le sel était infiniment plus précieux que l’or et constituait la monnaie, l’étalon de référence du troc primitif, puis des échanges commerciaux. Quels que soient les domaines d’investigation, (industrie, économie, archéologie, paléoclimatologie, ethnologie, sociologie, médecine, histoire des religions et des civilisations, littérature et, naturellement, cuisine), le sel est omniprésent dans l’histoire humaine. Les salutations viennent du mot sel, de même que salut, et halo (sacré) et hello dérivés du grec –h– als. Salus était la déesse romaine de la santé. En se saluant on se souhaite richesse prospérité et santé ! Démosthène employait l’expression “ partager le sel ” comme synonyme de recevoir l’hospitalité. Cette coutume du partage du sel est encore très vivace dans les populations arabes : “ le sel est entre nous ” témoigne que l’amitié est indéfectiblement scellée. Le sel est ce soir sur notre table pour donner du goût à nos aliments. A notre Initiation nous l’avons rencontré dans le Cabinet de Réflexion, il était là pour sceller l’engagement que nous avons pris avec nous même et pour nous faire prendre conscience de nos actes. Dans notre progression nous le rencontrons dans la notion de partage et plus tard dans celle de la révélation tel l’alchimiste… A l’aube de ce troisième millénaire n’est-il pas opportun de nous souvenir de nos racines culturelles communes en ravivant dans notre mémoire collective cet antique partage du sel, symbole de vie, de fécondité, de croissance et de fraternité ?Jakin,