12 – Aveyron, Conques du 18 au 21 février 2011
Pour cette nouvelle aventure, le cadre d’expérimentation se situe cette fois-ci à Conques. Dans cette région septentrionale de la province du Rouergue, devenue département de l'Aveyron, la nature et l'histoire paraissent avoir conclu une entente et conjugué leurs forces pour donner le jour à ce chef-d'œuvre chargé d'une incomparable puissance d'évocation : Conques. Peu de lieux en France, ou même en Europe, peuvent s'enorgueillir d'une telle accumulation de richesses : l'abbatiale romane et son célèbre tympan du Jugement dernier, les vestiges du cloître avec le grand bassin de serpentine, le trésor d'orfèvrerie et le musée, le village enfin, comme sorti intact du fond des siècles. Le tout s'enchâsse dans un site admirable, en forme de « conque » (du latin concha, coquille, en occitan conca) qu'avait choisi l'ermite Dadon pour se retirer du monde, au 8ième siècle. A l'intérieur d'un plateau ondulé composé de schistes ou de granits, les rivières du Lot, du Dourdou et leurs affluents ont ouvert un réseau de vallées sinueuses et profondes, témoin du rajeunissement de la vieille pénéplaine d'âge primaire. Ici, les gorges creusées par le torrent de l'Ouche, sur le point de rejoindre la vallée perpendiculaire du Dourdou, s'élargissent quelque peu et tracent une sorte de cirque dont la concavité - la « conque » - vient échancrer le plateau aux horizons tabulaires. Il s'agit d'un véritable relief en creux. Pentes escarpées, affleurements de rochers et taches sombres des châtaigneraies engendrent un paysage à la fois austère et grandiose. Tous les voyageurs, depuis l'écrivain Prosper Mérimée, par ailleurs inspecteur des Monuments historiques, qui avouait, en 1837, n'être « nullement préparé à trouver tant de richesses dans un pareil désert », furent frappés par l'aspect « sauvage » du site de Conques. Pourtant, ce cadre naturel s'avère particulièrement bien choisi et présente des avantages climatiques certains. L'abbaye et le bourg se sont installés sur le versant ensoleillé et abrité des vents du nord, assez haut pour échapper à l'humidité et aux brouillards des fonds de vallée. Des sources abondantes leur apportaient l'eau indispensable à la vie. Autour de Conques, il existe une série de belvédères naturels permettant de découvrir l'ensemble du site sous des aspects différents :- au sud, le site du Bancarel permet d'appréhender le bourg de Conques, maison par maison,- au nord, une série de vues plongeantes, depuis les vignobles, offre plusieurs angles de vue sur l'abbatiale et sur les toits de schiste argenté du village.- à l'est, au hameau de Guillebastre, qui surplombe les gorges de l'Ouche, s'ouvre un large panorama en direction de Conques.- à l'ouest, au-delà du pont médiéval qu'empruntaient les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, la montée en lacets ménage assurément les plus beaux points de vue sur le site et sur son environnement naturel. Conques est un village qui a su préserver son authenticité. Etirée à flanc de coteaux, l'agglomération enserre l'abbatiale suivant un vaste arc de cercle. Le plan originel, celui du Moyen Age, s'est conservé dans ses grandes lignes, hormis les altérations provoquées à la fin du 19ième siècle par le percement de la route départementale à travers le bourg, d'ouest en est. La grande expansion du 11ième siècle devait permettre à l'abbé Odolric (1031-1065) d'entreprendre, sur l'emplacement de la basilique du 10ième siècle, la construction de l'abbatiale romane actuelle. Les premières campagnes de travaux se soldèrent par l'édification des parties basses du chevet, abside et absidioles notamment, dont les murs se caractérisent par l'emploi d'un grès de couleur rougeâtre, extrait des carrières de Combret, dans la vallée du Dourdou. Ce matériau, jugé peut-être trop friable, fut abandonné sous Etienne II (1065-1087) qui assura la poursuite des travaux vers l'ouest. On voit se généraliser alors le « rousset », un beau calcaire jaune vif, provenant du plateau de Lunel. Sa chaude tonalité s'harmonise parfaitement avec le schiste gris local qui, dans la maçonnerie, assure le remplissage partout où la présence de pierres de taille ne s'impose pas. A la tête du monastère durant vingt ans (1087-1107), le grand abbé Bégon III déploya une intense activité de bâtisseur, faisant monter tout l'étage des tribunes dans l'église, ainsi que le cloître. Par la suite, aucun document ne permet de préciser le rôle exact joué par l'abbé Boniface, son successeur, dans le premier tiers du 12ième siècle. Mais il faut probablement lui attribuer le voûtement de l'abbatiale et la construction de la façade occidentale. La coupole romane de la tour lanterne, lancée trop hardiment au-dessus de la croisée du transept, s'effondra à une date inconnue. Les travaux de consolidation réalisés, il y a une vingtaine d'années, par les architectes des Monuments historiques ont permis une meilleure connaissance de cette partie de l'édifice, de ses vicissitudes et de ses transformations. Ainsi la faiblesse des trompes d'angles, destinées à assurer le passage du carré à l'octogone, serait responsable du désastre. La coupole fut remontée au cours des dernières décennies du 15ième siècle, en utilisant, pour son voûtement, les techniques de l'architecture gothique.