Le 3 septembre 2001 E:.V:., les matelots suivit du Collège des Officiers montent à bord. Le Frère servant : Hervé, gardien du carénage, siffle les trois coups traditionnels pour saluer l’arrivé du nouveau Capitaine : le V:.M:. Gisèle franchit la passerelle. L’équipage est au complet. Le navire bénéficie d’une aide providentielle. Accastillage, vivres et nouvelles cartes sont livrées grâce aux investissements du nouvel armateur. La brise venue de la plaine de la Crau gonfle le grand Cacatois. Sur le mât d’Artimon, la vigie surveille la manœuvre. Le pont craque de toute part. Les amarres sont larguées et Le galion s’ébranle en glissant lentement sur la Luynes en direction des bouches du Rhône pour rejoindre la pleine mer. Le vent forcie un peut à l’approche du grand large. Grand Humier, Cacatois et Artimon fustigent leurs voiles blanches dans le souffle divin. La mer se creuse, force trois. Dans un pas de deux, entre bâbord et tribord, le navire franchit sans encombre le Golfe du Lyon. Le capitaine veille dans la salle des cartes tandis que l’équipage travaille sans relâche sur la pierre brute : « Je ne sais ni lire, ni écrire » Catherine, « Le Ciseau » Pierre, « La Tolérance » Danièle, « Service compris » Annie, « La différence » Colette, etc., etc… Quand le soleil décroît sur l’horizon le nouveau Barde : le Frère Yannick, joue une musique moderne et harmonieuse pour nous encourager à retrouver le chemin. Ce Frère, entiché d’une abondante chevelure et d’une épaisse barbe poivre et sel, souffle dans un tuyau de plastique vert, courbé comme une lyre qu’il porte sous son bras. Tout en tournant autour de la cambuse, il livre des sons qui semblent sortir du livre des morts de l’ancienne Égypte et qui montent en incantation vers le ciel. Pourquoi favoriser la circulation des chants rituels vers le ciel et de leur donner une résonance particulière qui les rende perceptible par les hôtes du ciel que sont les initiés passés à l’Orient éternel ? Pourquoi cette circulation de l’air est-elle si importante pour nous ? En fait, nous sommes dans un navire dont le capitaine oriente la marche d’après les étoiles mais aussi d’après les vents. Pour sentir le vent, les marins font appel à leurs oreilles ; ce sont elles en effet qui permettent le mieux de percevoir la direction du vent afin de composer avec lui. D’un point de vue pratique, il suffit de tourner doucement la tête ; au moment où le visage est dans le lit du vent, sa pression est identique sur les deux oreilles et les tympans font sentir ce moment de façon très nette ; on arrête alors de tourner la tête et l’on sait très précisément d’où vient le vent. Le sens de l’écoute des vents est primordial pour qui dirige un navire. D’après Didier Michaud, c’est par les fenêtres du tableau de Loge que l’air apporte les paroles des initiés passés à l’Orient éternel vers la Loge et aux Frères et Sœurs. Si, à travers l’Air, la Lumière est transmise, la fonction essentielle des fenêtres est de recevoir ces paroles et de les redonner. Elle n’est pas d’éclairer le Temple. Elles donnent les références permanentes pour percevoir que l’Air est le nouveau lien qui fait connaître le ciel et la terre qui, en fait, ne cessent jamais d’être unis. Malgré son invisibilité, l’Air donne l’orientation de la construction car il est audible. L’orientation se fait par l’oreille, donc par la réception de l’air. Les fenêtres donnent véritablement à une Loge de tailleur de pierre et de bâtisseurs l’art de bâtir par la mise en place des orients… Mais voilà, le galion “ Pythéas ”, n’a pas de fenêtre au Nord, et son barde inexpérimenté a soufflé le tuyau vers la mer au lieu des cieux ! Le Grand Architecte des Mondes qui surveille tout du haut de sa voûte étoilée est maintenant contrarié. Les vents faiblissent et pousse l’embarcation vers Paphos, une petite crique chypriote qui a vu naître en son temps la déesse Aphrodite. Le capitaine en profite pour faire une escale technique et ravitailler en nourriture fraîche. Le bateau mouille pour quelques jours et, c’est à cette escale que montent à bord deux nouveaux mousses la Sœur Marie Paul, une pur Franc et le Frère Armand, un napolitain venant de Rusicade. Rien de bien exceptionnel jusqu’ici, sauf que, pendant le mouillage, lors d’une nuit sans lune, une belle andalouse, Anita De Caso, se présente à la passerelle. Le Frère couvreur dont on taira le nom, éclairé par une faible lanterne, fait son office : “ Qui monte à bord ! ”, “ Une étrangère qui souhaite rejoindre les rives de Memphis ”. Souhaitant en savoir plus, Ce Frère porte la lanterne à hauteur du visage et dévoile en clair-obscur un décolleté à faire damner deux saints. Le Frère Second Surveillant, de quart sur la passerelle, dont on taira aussi le nom, croyant voir dans ce halot de Lumière : Saint Jean, protecteur des Templiers et Saint Barnabé, fondateur de l’église de Chypre, siffle subjugué la traditionnelle montée à bord. Impressionné par ces deux seins généreux l’Officier de quart embarque une “ bimbo ” pour la suite de la traversée. Curieusement les chroniques ne nous disent pas comment les Frères de l’équipage se sont conduit pendant la suite de cette campagne. Mais que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient et que leur âme comprenne… Bref, à la reprise des travaux, le 2 septembre 2002 E:.V:., le navire croise au large des côtes libanaises. Le capitaine nome le Frère José Second Maître et à l’escale de Tripoli, notre sœur, Marie Paule quitte Pythéas pour rejoindre son époux qui ne supporte plus ses longues absences. Pendant ce temps la vie à bord suit son cours selon les préceptes du Rituel court : « Les lacs d’amour » Paul, « Ni nu, ni vêtue » Catherine, « Le Miroir » Annie, « Tout est Un » Pierre, « La Liberté » José, « Le Coq » Christophe, etc. etc… Cependant sur le pont, le travail s’accomplie dans une ambiance survoltée et surannée. En effet, c’était à prévoir ! Notre sœur Anita, la sirène de service, joue avantageusement de sa plastique et transforme les colonnes qui ressemblent, désormais, aux célèbres villes bibliques de Sodome et Gomorrhe. On ne sait plus à quels seins se vouer ? Dans la carrée d’instruction, quand le Second Maître lève le voile d’Isis, je ne perçois que des Vénus dénudées qui fument des petites herbes de Provence et qui se déhanchent voluptueusement sur une musique berbère. Lors d’une escale à Massilia, pour fêter le cinquantième anniversaire de notre armateur, une rixe de frères matelots a lieu pour investire notre table. L’enjeu n’est pas de goûter aux nourritures célestes mais d’avoir un point de vue sur les “ seins-boles ” égyptiens. L’affaire est grave et le mal est contagieux… Pendant l’hiver le Galion cabote entre Haïfa et Port Saïde en suivant les rayons du Soleil le jour et ceux de la Lune la nuit. A la première escale nous embarquons les Sœurs Mireille une bretonne de la Loire et Agnès, une Africaine. Puis à l’escale suivante, la Sœur Carole, une Alsacienne et le Frère Marc, un Piémontais du sud. Ces quatre nouveaux mousses viennent grossir l’équipage du “ Pythéas ” qui en a bien besoin pour découvrir de nouvelles aventures en mer Méditerranée. Cependant, lors du ravitaillement, au petit port de pêche d’Al Arish, sur la côte égyptienne, nous perdons les Sœurs Agnès et Anita dans les ruelles tortueuses de la ville. Quelques Frères se portent volontaires pour parcourir le désert à la recherche des fugueuses. Mais l’équipage doit se rendre à l’évidence, il faut abandonner ses deux sœurs à leur sort. La première née au Togo a toutes les chances de rejoindre la côte africaine sans danger quant à la seconde, elle possède tous les atouts pour finir somptueusement dans un harem du califat de Séville. Rassuré, le navire et l’équipage reprennent la mer. L’automne est bien là. Le 1er septembre 2003 E:.V:. le capitaine donne l’ordre de reprendre la navigation : Cap au 360, direction les Bouches du Rhône. Après plusieurs mois de navigation, le Galion et l’équipage semblent usés par les intempéries et les longues nuits de travail sans sommeil à besogner la pierre brute : « Les Mains » Jean Philippe, « Comment définir l’amour » Annie, « La Spirale » Paul, « La Truelle » Gisèle, « Les Atomes crochus » José, « Le Soleil et la Lune » Yannick, etc, etc… Les visages sont burinés par le soleil et le sel. Les yeux sont pliés comme ceux d’Osiris à force de scruter l’horizon. Les mains sont toujours gantées de blanc et le tablier porte les nombreuses aspérités du travail sur la pierre. Mais les Sœurs et les Frères résistent toujours avec vaillance et courage car ils croient en la force du G:.A:.D:.L:.U:.. Avant de rejoindre le grand large, le Frère José est nommé 1er Maître et le Frère Christophe Second Maître. Puis le navire retourne au petit port d’Al Arish pour mener une dernière enquête sur la disparition des Sœurs Agnès et Anita. Personne dans le village, ne les ayant aperçu cette dernière année, le capitaine décide de les rayer du livre d’équipage et de larguer les amarres. Au début de l’hiver le navire franchi le détroit de Messine et fait escale à Cagliari en Sardaigne pour ravitailler. C’est à cette occasion que les Sœurs Joëlle, une moniale du bocage, Gisèle, une fille de chez Candia et le Frère Gilbert, un Piémontais du Nord montent à bord avec les provisions de bouche. Pains azymes, œufs, rôtis d’agneau, légumes du pays, fruits de saison, fruits secs, huile d’olive vierge, olives noires, sel, vin rouge et eau qui seront consommés à la Saint Jean d’hiver. Pour braver la nouvelle tempête qui forcie au large, « Gisou » décide pour un moment de faire du cabotage le long des côtes de Sardaigne et de Corse. Il faut préparer les nouveaux mousses à intégrer les manœuvres, surtout par jour de grand vent. D’autant que le Frère Christophe réclame de l’aide pour l’instruction des Apprentis et que le Frère Yannick, barde repentit, qui s’en veut d’avoir souffler dans la mauvaise direction sur la route de Paphos, abandonne l’équipage à l’escale d’Ojbia. Puis c’est au tour de la Sœur Colette qui à force de méditer sur le sort de l’humanité c’est perdu dans les méandres de son moi profond. Elle est devenue subitement amnésique de la symbolique maçonnique. Elle quitte le bord à l’escale de Bastia pour rejoindre un autre navire “ le Prométhée ”, dont on nous dit que l’équipage médicalisé est capable de lui faire retrouver l’Orient. Le Barde qui a quitté le Galion était malheureusement le Frère Couvreur qui nous protégeait de nous-même. Alors le sort en est jeté ! La moitié de l’équipage ne veut plus payer sa dîme et nous contraint à mendier notre nourriture spirituelle aux escales suivantes. Une autre partie de l’équipage n’accomplit plus ses heures de travail au point que, pour donner l’exemple, sur ordre du Capitaine, la Sœur Catherine est mise au “ fer ” pendant un mois. Il n’en faut pas moins pour mécontenter le G:.A:.D:.L:.U:., et c’est dans une tempête indescriptible que le Galion rejoint son port d’attache le 16 juin 2004 E:.V:.. Dès que le navire a touché terre, deux Frères et une Sœur qui nous avaient accompagnés dans cette expédition rejoignent leurs embarcations respectives. Il s’agit de Roland et Lucien qui retrouve le “ Lion de Quem ” et de Miche qui retourne à “ Conviventia ”. Les chroniques de bord ne nous disent pas si c’est le mal de mer ou l’inexpérience de l’équipage qui a eu raison de ces marins expérimentés. Le reste de l’équipage décide à l’approche du solstice d’été d’organiser une soirée de débriefing, comme dise les “ Ecossais ”, à Saint Michel l’Observatoire. Un lieu élevé à l’intérieur des terres propice à la réflexion. Et c’est la tête dans les étoiles que l’ensemble des Sœurs et Frères présents ont retrouvé les astres qui jalonnent leur route. La clarté de la Lune et la boussole au centre de leur vie leurs indiquent le chemin à suivre. Enfin tous apaisés entre boules noires et boules blanches, Gisèle transmet l’Équerre et le compas à notre nouveau Capitaine le Frère José. Tout est ainsi prêt pour une nouvelle campagne…