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Les Black's Foot

le 18-09-2008 08:21

LES AGAPES

 

 

 

    Agapes : Nom donné au banquet des Chevaliers Kadosch. Dans la maçonnerie, les Agapes sont généralisées à tous les rites pratiqués dans l’obédience. On y pratique un rituel de table très harmonieux. Les Agapes revêtent une importance considérable, méconnues, ou sous-estimée par de trop nombreux maçons, parce qu’elles contribuent à faire du groupe, que constitue l’atelier, une véritable famille. C’est là que s’établissent les liens qui vont se développer profondément, durablement. Après la tenue, le temps des Agapes présente l’opportunité de se découvrir les uns les autres, de s’apprécier mutuellement, d’échanger avec profit et surtout d’y sceller les liens d’une indéfectible fraternité. Le repas, ce qu’il comporte en victuailles, importe peu, devant le plaisir de se sentir bien avec ceux que l’on aime.

    Les Agapes permettent aussi aux Apprentis de se libérer de l’astreinte au silence qu’ils doivent observer sur la colonne du Nord. Ils peuvent alors poser aux anciens les questions qui les intriguent et y trouver certains éléments de réponse. Le surveillant pourra profiter de ce moment pour faire une séance d’instruction impromptue. Il procédera aux explications de circonstance et analysera les observations formulées par ses Apprentis tout en apaisant leurs craintes sur l’immensité de la tâche qui les attend ou devant une éventuelle difficulté d’assimilation maçonnique ou initiatique.

    Dans certaines Loges, que j’ai visité, il arrive malheureusement que ce soit parfois l’inverse qui se produise. Personne ne s’occupe des jeunes frères ou sœurs que l’on charge des tâches matérielles les plus diverses (vaisselle, service de table, cuisine, etc.). Livrés à eux-mêmes, abandonnés, ils s’interrogent avec inquiétude sur l’absence de leur Surveillant et celle des autres maîtres de l’atelier parfois trop heureux de se défiler et masquer ainsi leur propre carence et leur inculture maçonniques.

    Tandis que ces derniers mangent, boivent ou discutent, les Apprentis travaillent et servent. Astreints au silence pendant des heures, ils n’ont aucune possibilité de se décharger de la tension accumulée. Comment les jeunes frères et sœurs pourront-ils s’intégrer, dans la meilleure harmonie, au groupe existant, si on les confine seuls à la cuisine ou au service, quand les frères attablés ne distinguent des Apprentis que les mains passant les plats ou emplissant les verres ? Si des maçons ont lutté pour l’abolition de l’esclavage, ce n’est pas pour que d’autres en profitent pour asservir les Apprentis à leur confort. Tout les usages ne prescrivent-ils pas cette égalité universelle, à l’image de cette phrase rituelle que j’ai relevé dans le RER : « Venez goûter dans la société des frères les charmes de l’égalité ? ». N’est-il pas coutumier par ailleurs de se rencontrer sur le niveau ? A quoi peuvent bien servir les données fondamentales de la Maçonnerie, les usages fraternels du métier, si certains ne les mettent point en application ?

    Il ne faut pas confondre la discipline ou rigueur comportementale individuelle, en juste application de la Règle, et l’infériorisation ou l’asservissement des uns pour le bien-être métallique et profane des autres. Garants de ces dérapages, les Surveillants veilleront à ne point laisser les Apprentis seuls au service ou à la cuisine.

    Cette rupture des valeurs profanes surprend et dérange souvent certains frères, fiers, soucieux de leur réussite ou image de marque. Il n’y a pas de place pour l’ego ni pour l’hypertrophie du Moi dans le royaume de la quête initiatique. D’ailleurs, quand vient l’heure de la maladie, qu’approche celle de la mort, les valeurs matérielles ne tombent-elles pas d’elles-mêmes ? Mais il s’avère trop tard alors pour que les inconscients puissent remédier aux erreurs accumulées et corriger les inconséquences de leurs actes passés. La justice va les frapper en leur appliquant les mêmes poids, nombres et mesures qu’ils appliquèrent à leurs semblables. Il sera Minuit.

    Les Agapes représentent un moment ô combien essentiel. Pour pénétrer l’importance qu’elles recèlent depuis l’antiquité, il convient de remonter à leur source : la patristique grecque où, dès le début, éros et agapè trouvèrent leur prolongement dans l’homme. Si la modernité a dévalorisé éros en le restreignant au seul amour physique ou à celui des amants, primaire et instinctif, pour les Anciens, tel Grégoire de Nysse, éros exprimait le désir de Dieu dans l’âme unie à lui et, dans ce mouvement de l’âme vers Dieu, Eros apparaissait comme le produit d’agapè.

    Pour les Chrétiens, agapè se rapporte à l’amour prévenant et enrichissant dans l’Ordre spirituel de Dieu pour les hommes comme à l’amour inconditionné, au dévouement absolu que chaque membre de la communauté doit prodiguer à son prochain sans distinction de milieu, d’origine, de rang ou de situation sociale, de race ou de couleur. Maxime le Confesseur enseignait : « Je crois, selon la tradition et l’enseignement reçu, que Dieu est agapè, et que puisqu’il est un, sans jamais cesser d’être un, il rend uns ceux qui vivent selon son agapè, et leur donne un seul cœur, bien qu’ils se trouvent être plusieurs ». Voilà pourquoi les agapes sont collectives.

    La fraternité maçonnique est ainsi fille d’agapè. Car les Agapes représentent un moment privilégié de la communion fraternelle dans l’amour que chacun doit à son prochain, car elles découlent naturellement du précepte : « Aimez-vous les uns les autres ». L’agapè intervient justement comme l’expression de la Charité. « Dieu est agapè » disait Saint Jean. Cet accès, ce cheminement vers l’autre, cette quête vers la lumière est une exigence pour chacun d’entre nous.

    Comme le souligne Saint Paul : « Agapè est le lien de la perfection ». Alors en ne participant pas aux Agapes, le maçon se prive d’un élément majeur dans la grande course des Chercheurs. Qu’il le veuille ou non, il fait partie de cette chaîne d’amour fraternel qui œuvre pour le modifier, le transformer, le rendre plus juste, plus équilibré et enfin humaniste. Si, il s’y soustrait volontairement, c’est que le moment est venu ! Pour lui, de retourner dans le cabinet de réflexion…

 
Jakin    
 
 
 

 

 


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1. TAOMUGAIA  le 20-09-2008 à 10:49:48  (site)

Et n'oublions pas que la maçonnerie spéculative , à ses origines, au 17 ème siècle en Angleterre, s'est constituée autour de repas, dans des restaurants, des tavernes, où se réunissaient des personnes très éloignées les unes par rapport aux autres, cathloliques, anglicanes, protestantes, afin de signer une trêve dans l'intolérance et les conflits.

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le 18-09-2008 05:27

AU PAYS DES MAHARAJAS...

 

Inde du nord, Népal du 26 avril au 8 mai 1991

    Selon Malraux : « Une Inde repose au cœur de chaque homme ». Une culture qui, tel un long fleuve, est à la fois une et multiple, changement et immobilité et qui nous fascine tous. Si une image de l’Inde sommeille en chacun de nous, c’est en raison de l’aspect universel de la civilisation de ce grand pays…

    L’Inde est, depuis plus de quarante siècles, un élément majeur de notre monde ; par son peuple affectueux, un des plus nombreux de la terre ; par une spiritualité à laquelle se sont référés les plus grands penseurs de tous les temps, aux sources d’une sagesse, plus que jamais présente, de nos jours. Si la poésie de l’Inde a enthousiasmé les romantiques des siècles passés ; si la danse, le théâtre et la musique, messages du corps et de l’oreille, représentent des arts parfaits, l’Inde demeure pour les hommes du futur l’expression d’une pensée mystique, une réflexion poétique et métaphysique sur l’unité de l’être…

    Aller en inde aujourd’hui, c’est se hasarder plus loin qu’Alexandre le Grand ; c’est retrouver les Empereurs Moghols, descendants de Tamerlan ; c’est marcher dans les pas de Mahatma Gandhi ; oublier les Himalaya, les déserts de feu, pour répéter sans cesse, tel le pèlerin : « L’Himalaya n’est pas montagne, le Gange n’est pas rivière, seul Dieu est Dieu et je n’existe pas… ». l’Inde est à nous, il est parfois difficile de la comprendre, mais il est toujours facile de l’aimer…

    Ce n’est pas un rêve ! Pour mieux savourer l’Inde merveilleuse et colorée du Rajasthan, accepter l’hospitalité de ses maharajas dans leurs palais dignes des « Mille et Une Nuits », nous jetons à la hâte quelques affaires de coton dans une valise et nous embarquons à l’aéroport de Marseille Provence pour treize heures de vol…

    L’avion nous pose à Delhi, immense capitale aussi bourdonnante que Le Caire et Istanbul réunies ! Notre guide Sarani nous accueille avec des pétales de rose et nous impose sur le front la marque rouge de la félicité. L’autobus se fraie un chemin dans la cohue indescriptible des avenues qui nous dirigent vers New Delhi où se trouve l’hôtel « Siddharth**** », notre résidence pour deux nuits. Il nous faudra une journée pour découvrir dans un concert de klaxons, veaux, vaches, cochons au milieu des vélos, charrettes, Vespa, rickshaws et autos…
      

     
    Après une bonne nuit de repos, nous voilà fin prêts pour partir à la découverte de Delhi, la capitale indienne. C’est une ville parsemée de vestiges du passé qui racontent la lente marche de l’histoire. Nous commençons la visite par le Fort Rouge. On doit son nom au matériau de construction en grès rouge qui a servi à élever la forteresse et le palais de l’empereur Moghol Shahjahan entre 1639 et 1648…
       
  Les murs de l’enceinte, hauts de 16 mètres, entourent des palais, des mosquées où s’étendent des cours et des jardins. Le palais impérial est situé à l’est de la vielle ville, à l’ouest de la Yamouna ; on pénètre dans la forteresse par la porte de Lahore à l’extrémité orientale du chandni Chowk…
      


    On retourne vers Diwan-i-Khas pour visiter en direction du sud les appartements privés des Grands Moghols, en particulier le pavillon octogonal accroché aux hautes murailles extérieures (Musamman Buri) et le Rang Mahal (pavillon aux peintures) réservé aux favorites…
      
    Nous quittons le Fort Rouge par la porte de Lahore, en direction du sud-ouest, après avoir franchi une place où se trouvent de nombreuses boutiques de marchands de souvenirs, pour arriver aux pieds des marches qui conduisent à Jama Masjid…
 


    La Mosquée du Vendredi fut construite de 1644 à 1658, sous le règne de Shahjahan. On pénètre dans la cour, entourée d’une galerie, en empruntant trois escaliers monumentaux. Le centre de la cour est occupé par un bassin de dimension inhabituelle, destiné aux ablutions rituelles…
      
    La mosquée conserve dans un petit sanctuaire sous les arcades de la galerie quelques saintes reliques, entre autres, un cheveu teint au henné du Prophète, ses sandales en cuir de chameau, un coran écrit sur feuilles de palmes ayant appartenu au Calife Ali. Dans les jardins des singes promènent en liberté…
    

  
    En empruntant Matha road en direction du sud, on aperçoit, à peu de distance de l’avenue, diverses tombes datant du 15ième siècle, pour arriver à une porte qui s’ouvre sur des jardins. C’est ici que Haji Begum, la veuve d’Houmayoun, fit construire par un architecte persan, de 1556 à 1565, le premier des grands mausolées de l’époque Moghol…
       
    Le mausolée, surmonté d’une importante coupole, s’élève sur un large soubassement peu élevé. Quatre minarets octogonaux entourent le monument construit lui aussi en grès rouge et en marbre blanc. Les portails qui agrémentent les façades s’ouvrent à l’intérieur de niches en arcs brisés qui trahissent l’influence des Iwan persans. La crypte contient les tombeaux d’Houmayoun, d’Haji Begum ainsi que ceux d’autres souverains et princes Moghols…
      


    Lal Kot est la plus ancienne fondation urbaine d’époque islamique de la région de Delhi. Plusieurs monuments importants y ont été conservés, en particulier le Qutb Minar (Le minaret de Qutb ed Din). Il date de 1199, haut de 72,5 mètres, c’est le monument le plus élevé de l’Inde. Son diamètre à la base est de 15 mètres, et de 3 mètres au sommet. Un escalier intérieur mène aux galeries extérieures d’où le muezzin appelait à la prière…
      
    En remontant Janpath en direction du nord, on parvient à Connaught Place, le centre de la nouvelle ville. C’est dans ce quartier que se trouvent également la plupart des cinémas, restaurants, agences de voyages, sièges de compagnies de transport aérien, ainsi que l’office du tourisme indien. Au sud-ouest de la place se trouve Jantar Mantar, l’observatoire construit au 18ième siècle par Jai Singh…
      


    Après deux jours passés dans la Capitale, ce matin nous mettons le cap sur le Rajasthan. Cette « terre des rois » célèbre pour ses palais de marbre et de grès rose, ses balades à dos d’éléphants, ses Rajasthamis aux turbans enroulés comme des boas sur le crâne et ses femmes pleines de grâce dans leurs saris éclatants. La magie du Rajasthan demeure mais l’Inde change. Bienvenue au pays des mille et une nuits indiennes où les maharajas ont, pour le bonheur des touristes, converti leurs palais en hôtels et restaurants de luxe.
      
    Première étape, Jaipur, la ville rose, capitale régionale, égrène ses palais et ses « haveli », vieilles demeures patriciennes aux murs ornés de fresques. Son City Palace, palais royal, offre sa dentelle de marbre et de grès, sa débauche de soieries, d’argent et de cristal. Dans les rues la foule grouille bruyante, bigarrée, superbe. Entre les carrioles à chameaux se pressent des femmes en saris lumineux, aux beaux yeux cernés de khôl et aux mains peintes de henné. À l’origine, la ville n’était pas du rose uniforme que l’on lui connaît actuellement, mais d’une large palette, principalement du gris avec des rehauts de blanc. Cependant, en prévision de la visite du prince Albert, en 1853, elle fut peinte en rose dans sa totalité, le rose étant une couleur traditionnelle de bienvenue. Elle a gardé cet usage depuis…
      


    Nous visitons maintenant le palais des vents (Hawa-Mahal). Il est constitué d’une simple façade pyramidale, gaufrée de cinq niveaux de fenêtres grillagées en encorbellement, qui fait encore la splendeur de ce palais, d’où les femmes pouvaient voir sans être vues. A l’extérieur des murs, près de New Gate, dans les jardins de Ram-Nivas, se trouve le prince-Albert Muséum, construction dans le style colonial (1888)…    
      
    En allant vers le nord-est près de Gaitor, on débouche près des Chhatris, mausolées de marbre blanc des maharajas de la dynastie Singh. Puis on se dirige vers le plus grand cadran solaire du monde ! Un site symbolique dans un pays où 60% des mariages sont encore arrangés selon l’horoscope et par la famille…
       


    Nous avons passé notre première nuit au « Clarks Amer**** », et ce matin nous partons en excursion pour le fort d’Amber situé à 25 kilomètres de Jaipur. Sur la route nous croisons chameaux et éléphants transportant toutes sortes de marchandises qui servent à ravitailler les petits villages environnants…
      


    L’ancienne forteresse des princes est située sur une hauteur dans un très beau paysage. L’accès au palais se fait à partir du fort d’Amber, généralement à dos d’éléphant. A l’aide d’un escalier en bois nous montons nous asseoir par quatre, dos à dos, sur une plate forme en bois ornée de ferronneries. Au pas lent et chaloupé de l’éléphant nous gravissons les pentes du fort sur une petite route pavée jusqu’au promontoire de pierre devant le palais…
      


    Le Palais (16ième siècle) renferme de très belles pièces, notamment la salle d’audience princière, et la salle de réception, richement décorée de miroirs. Nous visitons aussi la porte du temple ou Ganesh Pol et le temple de Kali. Une surprise nous attend au Rambagh Palace, où nous déjeunons dans l’ancien pavillon de chasse du chef de l’Etat du Rajasthan converti en hôtel restaurant de luxe. Pour l’anecdote : les commodités se trouvent dans une pièce de 80 m². Dans cet espace, seul devant sa cuvette, ça vous la coupe ! Après un « tali » (sorte de mezze indien) servi dans les jardins et devant les danses rajasthanis, nous succombons aux autres délices culinaires des maharajas, comme cet halwa aussi gras et sucré qu’une déclaration d’amour dans un film de Hollywood…
     

 
    Ce matin nous partons pour Agra en passant par Fatehpur Sikri. De nombreux monuments en ruines datant de l’époque Moghol sont disséminés dans la campagne. De-ci, de-là, on remarque encore le long des routes des Kos minar qui sont d’anciennes bornes datant de l’époque d’Akbar…
       
    Fatehpur Sikri, « la ville morte ». Akbar y transféra sa résidence en 1569. Après la mort de l’empereur, la ville fut, sans doute, à cause du manque d’eau, complètement abandonnée. Grâce à cet abandon elle ne fut pas détruite au cours des multiples guerres Moghols et a pu devenir une cité musée, témoin de la splendeur de la cour impériale au 16ième siècle…
       


    Au centre du Diwan-i-Khas, se trouve un pilier central sur lequel était placé le trône d’Akbar. En allant vers le sud, on arrive devant Panch Mahal, un bâtiment à cinq étages, l’école du harem juste à côté d’une pièce d’eau et des appartements du grand Moghol lui-même. Plus à l’ouest, on visite les résidences des favorites, des ministres, ainsi que celles de l’astrologue et des poètes attachés à la Cour…
      
    La grande Jama Mashid contient les tombeaux de Selim Chrishti et de Islam-Khan. On quitte la mosquée par Buland Darwaza (la porte des victoires) qui, avec son escalier est réputée être la plus grande porte de l’Asie. De ce seuil, on a une vue splendide et par temps clair, on peut, avec des jumelles, apercevoir au loin la coupole du Taj Mahal…
      


    Dans le milieu de l’après-midi, nous arrivons en vue de la rive occidentale de la Yamouna où se situe la ville d’Agra. Notre guide nous installe au « Clarks Shiraz**** », pour deux nuits. Puis nous partons immédiatement prendre un bain de foule dans le quartier environnant. Nous poursuivons notre découverte de la ville en cyclo-pousse, conduit par un indien asthmatique qui a du mal à reprendre son souffle en haut des côtes. En fin de soirée, il arrive quand même à nous ramener devant l’hôtel. Emus par la condition de ce journalier, nous lui offrons un billet de 10 roupies (soit 10 francs, correspondant à un mois de salaire). Il se jette à nos pieds ! Déconcertés, nous rentrons…  
     

 
    Aujourd’hui la journée est consacrée à la visite du fameux Taj Mahal. Dans les brumes matinales ou au soleil couchant, ce mausolée de marbre blanc est éblouissant de beauté. Emouvant aussi, car le seul au monde à avoir été construit par un homme pour l’amour d’une femme. C’est en 1630 que Shahjahan ordonna qu’on élevât à la mémoire de son épouse favorite Arjumand Banu, un monument funéraire qui devait dépasser en beauté tout ce qui avait été réalisé jusqu’alors…
      
    On pénètre dans l’enceinte par la porte occidentale, près de laquelle se trouve la mosquée Fatehpuri, et la tombe de Satulmisa Khanan, gouvernante de Jehanara. Après avoir traversé la cour d’entrée, on franchit Taj Gate, porte monumentale haute de près de 30 mètres. De sa toiture, s’offre une vue superbe sur l’ensemble du mausolée. On débouche ensuite sur les jardins irrigués par des canaux et des bassins, en face du Taj Mahal, chef-d’œuvre incontestable de l’architecture indo-islamique, dont la réputation méritée est largement répandue au-delà des frontières de l’Inde…
      


    Le mausolée s’élève sur une plate-forme en grès rose et en marbre, large d’une centaine de mètres. Construit sur un plan octogonal, comportant quatre façades larges et quatre façades plus étroites, il donne ainsi l’impression d’une construction carrée dont les angles auraient été coupés. La hauteur des façades est de 32,5 mètres. La coupole dont le sommet atteint 56 mètres de haut, se rattache au type de coupoles créées antérieurement au Turkestan russe à Boukhara et Samarkand. Pavillons et tourelles ornent les toitures. Les façades sont équilibrées par de grands arcs outrepassés séparant des niches superposées plus petites. A chaque angle de la plate-forme supérieure s’élève, jusqu’à hauteur du tambour de la coupole, un minaret haut de 41 mètres…
      


    Ce matin nous quittons Agra pour l’Etat du Madya Pradesh, le plus grand de l’Union indienne, situé au centre du pays, pour rejoindre le site de Khajurâho. Celui-ci se trouve à l’emplacement de l’ancienne capitale de la dynastie Chandela (9ième –13ième siècles). Entre 950 et 1030, de nombreux temples y furent construits, et une trentaine d’entre eux ont été conservés. C’est une ancienne cité du royaume Jijhotî dont parle le pèlerin chinois Xuanzang dans son carnet de voyage…
      
    Les temples de Khajurâho, forment le plus bel ensemble de temples médiévaux de l’Inde centrale. Ils sont remarquables autant du point de vue de l’architecture que de la sculpture. Une multitude de statues illustrant le panthéon hindou, de gracieuses figurines féminines ainsi que des couples amoureux (mithouma) foisonnent sur les façades…
      


    La multiplication de la statuaire érotique dans la décoration des temples indous a été expliquée de différentes façons : ces sculptures représentent la « joie et le plaisir du monde des dieux », et sur un plan spirituel, symbolisent l’union dans l’enceinte du temple de l’Atman et du Brahman (la fusion de l’esprit individuel dans l’âme universelle). La sveltesse et la grâce contournée des figurines féminines sont sans égal : les jeunes femmes ont été surnommées « Surasundari » (séductrices divines) et sont représentées se regardant dans un miroir enlevant une épine de leur pied, et sous d’autres aimables aspects. Ces scènes, que l’on se le dise, sont franchement hard. Surprenant ! Voir des galipettes de ce type sur une façade n’est pas vraiment commun. Quand par-dessus le marché, il s’agit d’un lieu de culte, on peut se poser des questions, du moins si on a été éduqué dans les préceptes d’une des trois religions monothéistes…
       


    Après ce cours, en plein air, sur l’art de l’amour en Inde, nous rejoignons notre hôtel : « The Jass Oberoi**** » à Khajurâho. Le repas est vite expédié et, tout le monde rejoint sa chambre, le Kama-Sutra sous le bras…

    Ce matin au petit déjeuner tout le monde s’observe. Certains ont dû trop réviser, ils portent des cernes sous les yeux. D’autres, plus téméraires, se sont probablement heurtés à la « brouette indienne » ou au « ventilateur shakti », car ils affichent un superbe torticolis. La guide, le sourire aux lèvres, ne fait pas de commentaires, et nous prenons la route pour Bénarès. Nous atteignons la ville sacrée en fin de soirée, pour le « Clarks Varanasi*** », notre résidence pour deux nuits…
 


    Située sur la rive gauche du Gange, Bénarès est orientée en direction de l’ouest vers les rives du grand fleuve bordé par les escaliers des ghats dont les marches descendent jusqu’au bord de l’eau. Le « fleuve sacré », les ghats, et la vieille ville « gali » avec ses nombreux temples donnent à Bénarès son atmosphère unique au monde. Chaque indou désire au moins une fois dans sa vie pouvoir se laver de ses péchés dans ces « eaux sacrées » ou mieux encore terminer son existence en ce lieu tout imprégné d’esprit religieux…
     

 
    On commence la visite très tôt au lever du soleil, par une promenade en bateau sur le Gange. Depuis des millénaires rien n’a changé. Sur les marches des ghats les brahmanes récitent des formules rituelles, à la demande des fidèles, les yogis méditent face au soleil levant, les sadhous (ascètes mendiants) nus et couverts de cendres, l’emblème de Çiva dessiné sur le front, errent entre les vaches sacrées…
      
    Une multitude de fidèles se masse aux endroits les plus sacrés, tournés vers le fleuve ; hommes et femmes tiennent dans leurs mains le lota, récipient destiné à recueillir les eaux sacrées qu’ils répandent ensuite sur leur tête en récitant d’interminables prières. Puis ils se rincent la bouche avec l’eau du Gange, qu’ils rejettent ensuite dans le courant…
      


    On remonte le fleuve le long des marches animées de la rive jusqu’à hauteur de Hanuman ghat où s’élève le temple dédié au dieu à l’aspect de singe. Civala ghat se trouve près d’un fort où en 1781 Warren Hastings assiégea le raja de Bénarès. Ici la caste des intouchables lave le linge des riches indous. Tous les intouchables sont l’objet de sanctions dégradantes. Ils doivent vivre à l’écart des villages. Ils ne peuvent posséder d’autres biens que des animaux domestiques. Ils ne peuvent porter que les vêtements pris sur des cadavres…
      
    Plus loin on arrive aux lieux de crémation, les morts y sont incinérés en présence de leur famille et les cendres jetées dans le fleuve. De l’aube à la nuit tombée, quand les derniers bûchers funéraires scintillent au lointain dans la brume, l’étrange fascination qu’exerce Bénarès la sainte ne laisse aucun visiteur indifférent…
      


    Deux jours dans la ville sainte de l’ancienne Varanasi, c’est le plus que nous pouvons supporter. Bien que nous soyons conscients de ce que représente cette espace pour les indiens, nos yeux ne sont pas habitués à tant de misère. Côtoyer sans cesse mendiants et lépreux dans une promiscuité bien hiérarchisée, entre intouchables et castes élevées, nous interpellent à chaque instant. Nous restons éprouvés par cette atmosphère de recueillement, pour ne pas dire d’abnégation, qui construit le lit d’une croyance figeant les inégalités…

    C’est avec soulagement que nous quittons Bénarès, ce matin, pour rejoindre l’aéroport international  situé à quelques kilomètres. Un « Boeing 737 » nous dépose deux heures plus tard sur le tarmac de l'aérodrome de Katmandou la capitale du Népal. Notre guide Basri nous accueille avec joie et nous installe à l’hôtel « Shanker*** », pour trois nuits…
 


    Coincé entre deux géants, l’Inde et la Chine, le petit Népal est le plus vaste des Etats indépendants de l’Himalaya. Son originalité vient de sa situation géographique, qui fait de lui une sorte de lien entre les plaines de l’Inde et les montagnes de l’Asie centrale. La haute chaîne de l’Himalaya est, avec la ville de Katmandou, la partie la plus connue du Népal, et en particulier des Européens depuis les grandes expéditions qui ont mené ceux-ci à la conquête pacifique de l’Annapurna (8 078 m), du Dhaulagiri (8 172 m) et de l’Everest (8 848 m)…
      
    Au centre du plateau népalais, Katmandou est à 1 340 mètres d’altitude. Tout autour, des collines, succession de terrasses où la moindre parcelle de terre est utilisée, escaliers gigantesques où pousses de riz ou de blé plaquent des taches d’un vert acide, rendu plus agressif encore par la limpidité de l’air. En toile de fond, la chaîne de l’Himalaya, avec les plus hauts sommets du monde, Everest à l’est, Annapurna à l’ouest…
       


    Katmandou, dont le nom signifie en newari « Maison de bois », est une sorte de ville musée par la profusion de statues, de pagodes et de palais qu’elle contient. Mais n’imaginez surtout pas des monuments figés, époussetés, étiquetés, que l’on admire de loin, sans oser les approcher. Ces trésors font partie de la vie quotidienne, avec toute la ferveur, et l’irrespect, que cela comporte…
      
    Les parvis des temples sont occupés en permanence par des femmes vendant du riz et des fleurs, que les fidèles offrent aux divinités. Un lion de pierre sert un instant d’appui à la hotte trop chargée d’un Sherpa. Des fagots de bois s’entassent sur les marches du temple de Siva et de Parvati, sous les yeux du couple divin qui les contemple d’une haute fenêtre, dans la chaude harmonie des briques roses et des bois sculptés. Les dieux se penchent, dans une attitude très réaliste, et semblent observer l’agitation de la place…
      


    Les rickshaws se faufilent à travers la foule, transportant une ou deux personnes abritées du soleil ou de la pluie par une capote de moleskine noire. Pour quelques roupies, on parcourt ainsi les rues de Katmandou à la recherche des « petites herbes de Provence ». Des taxis tentent de se frayer un passage en évitant les vaches et les chèvres qui essaient de grappiller quelques feuilles vertes aux étalages. Les enfants courent après les touristes pour leur vendre des bijoux de pacotille et les paysans offrent fruits et légumes de saison…
      
    Le marchand de flûtes, disposées en bouquet au sommet d’un bambou, joue quelques notes, perdu dans un rêve. Non loin de là, le coiffeur installé sur les marches du grand temple de Siva, coupe sans ménagement les cheveux de l’homme accroupi devant lui. Tous les styles de vie se côtoient, toutes les époques se frôlent. Nous sommes au cœur de Katmandou, à quelques pas de la demeure où, insensible à l’agitation extérieure, vit la Kumari, la déesse vivante…
      


    Un palais du 18ième siècle à trois étages, aux ouvertures finement sculptées, une porte gardée par des lions de pierre, puis, passé le porche, une cour intérieure entourée de balcons de bois magnifiquement décorés : c’est le cadre de vie d’une enfant promue déesse. Moyennant quelques roupies, on voit apparaître dans l’embrasure d’une fenêtre un visage très jeune. Les yeux semblent immobiles, perdus au milieu de larges cernes noires qui les prolongent jusqu’aux tempes. C’est la Kumari, la vierge pure à qui bouddhistes et hindouistes rendent hommage. Cette déesse vivante est l’incarnation temporaire de Taléju Bhavani. Elle ne quitte jamais sa demeure. Une fois déchue de sa divinité avec l'apparition des premières règles, elle ne pourra se marier car elle est supposé porter malheur à son mari et lui causer la mort…
       


    Le pittoresque vient souvent fausser les images trop dures qui nous assaillent à l’improviste. La beauté l’emporte toujours, estompant les spectacles gênants, anachroniques. Une porte gardée par des dragons, un passage étroit, et l’on débouche dans une cour intérieure où se dresse une pagode magnifique : Machchendranath Bahal, temple bouddhique entouré de moulins à prières…
       
    La magie opère de nouveau. C’est le monde des dieux en bronze doré, perchés sur une colonne au chapiteau épanoui en lotus, le monde des colliers de fleurs et des offrandes que l’on dépose aux pieds des statues, afin d’apaiser la fureur des redoutables divinités dont les visages terrifiants se perdent dans les volutes de l’encens…
     

 
    A l’ouest de Katmandou, le temple de Swayambhunath domine la ville du haut de sa colline. D’immenses yeux cernés de bleu se détachent sur fond or, veillent depuis des millénaires sur le Népal. Répétés sur les quatre faces de ce sanctuaire bouddhique, ils rappellent à la foule des pèlerins la toute puissance, l’omniscience et la compassion du Bouddha. Trois cents marches conduisent à la plate forme où s’élève le temple central, extraordinaire stupa surmonté d’une flèche faite de treize cercles de métal doré, dominés par un parasol d’or, symbole de majesté…
      
    Sur les bords de la rivière s’étendent les ghats, escaliers sacrés dont les larges degrés sont destinés, comme à Bénarès, à recevoir les bûchers funéraires. Tous les hindous du Népal souhaitent mourir ici, afin que leurs cendres, recueillies par le prêtre, soient dispersées dans les eaux sacrées…
      


    De nombreux Tibétains, établis depuis longtemps au Népal ou réfugiés récents, vivent dans les maisons basses qui encerclent le temple. Leur vie s’est organisée. Beaucoup d’entre eux ont ouvert des boutiques et vendent aux visiteurs des objets en bois sculpté, des tankas, des bijoux et des tapis de fabrication artisanale. Certains offrent parfois des bronzes dorés anciens ou des objets rituels…
      


    Pendant trois jours, baignés par les volutes montantes de l’encens qui brûle dans les temples, celles des « petites herbes de Provence », ou celles des crématoires dans les rues, nos esprits vagabondent. Les images d’éléphants roses, ou de vaches à têtes de centaures, ne sont pas loin dans l’imaginaire de notre cerveau ! Alors, il est temps pour nous de rejoindre la maison. Des petits tibétains nous saluent et nous accompagnent pour nous dire au revoir. Le car nous ramène vers l’aérogare de Katmandou pour un long périple avec escale à New Delhi et Paris...
      


    Palais, jardins et maharajas, couleurs, parfums, turbans et saris offrent une profusion d’images splendides et fortes, de sensations enivrantes et d’émotions variées : Un tourbillon magnifique. Ces havres de paix vous permettent de vous requinquer et de reprendre notre souffle après l’agitation et les odeurs entêtantes des centres-villes, où s’agglutinent, les damnés de la terre. Ainsi nous nous extasions devant l’incroyable façade du monde indou. Là, entre patios et pièces d’eau, lotus et bougainvilliers, décor royal et chant des oiseaux, nous vivons un moment de pur enchantement…

    Puis le « toit du monde », entre l’inde et la Chine, fait rêver les amateurs de randonnée. Plus qu’une marche dans les paysages sublimes autour des plus hauts sommets, c’est une aventure culturelle et spirituelle jusqu’à Katmandou qui vous attend…    



Andrée et Armand  



 

 


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1. andalousie  le 18-09-2008 à 03:53:51  (site)

bonjour.Merci pour ma rose.Jene m'attendais pasà etre à l'honneur sur l'image du jour.Je viens de bon matin de faire un joli tour en Inde.J'aimerai bien voir ce pays en vrai.Les images sont magnifiques
Andalousie

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le 17-09-2008 08:50

LE SECRETAIRE

 





    Le Secrétaire est, comme le disent les textes maçonniques, la mémoire de la Loge.

    Il siège à l’Orient du côté du nord, éclairé par la Lune. Les Babyloniens diraient illuminé par Nannar l’astre nocturne. Oswald Wirth lui, pense qu’il est assimilé à la lune parce qu’il reflète fidèlement tout ce qui émane de l’Orateur.

    Pour les Egyptiens, la Lune est assimilable à Thot et au verbe. Alors son ancêtre le Scribe, se tient indifféremment, assis sur ses jambes repliées, à droite ou à gauche de Pharaon, et transcrit sur sa feuille de papyrus, au moyen d’une plume d’oie, fidèlement ce qu’il entend.
 
      En maçonnerie, cette situation lui permet de demander directement la parole au Vénérable Maître. L’emblème de son office est un bijou portant deux plumes recroisées. Dans la hiérarchie des offices en Loge, il occupe la cinquième place. Situé toujours face à l’Orateur (sauf au rite Emulation), il forme avec le Vénérable Maître le triangle de la pensée, de la représentation et de la communication, symbole de la relation spirituelle.

    La charge de Secrétaire revêt une grande importance du fait de la multiplicité de ses fonctions. Durant les tenues, il écoute, résume, transcrit les propos issus des planches présentées. Il enregistre les décisions et le résultat des votes. Il note à chaque fin de tenue le montant recueilli dans le tronc de la veuve que lui signale l’Orateur.

    Il rédige les comptes rendus des travaux et en donne lecture à la Tenue suivante sous forme d’une Planche Tracée qui sera soumise au votes des Maîtres et des Compagnons après les conclusions du Frère Orateur.

    Avec le Vénérable Maître, il prépare les ordres du jour, les convocations qui seront envoyées aux membres de l’atelier, aux Vénérables des Loges voisines et aux instances supérieures.

    Le Secrétaire a en charge toute la partie administrative : relations entre la Loge et ses membres, entre la Loge et les autres Loges, entre la Loge et l’Obédience. c’est lui qui prépare les dossiers d’Initiation d’Augmentation de Salaire, et qui tient l’Administration au courant des différents changements qui peuvent s’opérer au sein de la Loge : Initiations, Compagnonnages, Maîtrises, démissions, radiations décès…afin que les fichiers puissent être tenus à jour.

    Dans notre rituel de Menphis-Misraïm, le secrétaire accompli peut-être un cycle, dans un rythme bien précis. Il circule pour allez chercher la lumière. Il s’exprime souvent longuement. Il fait signer l’Orient. Il écoute avec attention toutes les Sœurs et tous les Frères. Il trace, ou burine une première esquisse des travaux. Enfin, quand minuit plein à sonné, il souffle sa chandelle. Le tout il est vrai sous l'attirance de la Lune.

    Notre Sœur Annie, dans le tracé de sa planche sur le même thème, a fait référence à la chanson de Charles Trenet : « Le Soleil a rendez-vous avec la Lune… ». Moi aussi, pour conclure, Je resterais sur ce même registre, mais en évoquant Lulli. Ce compositeur qui aurait pu selon les circonstances écrire : « Au clair de la Lune, Vénérable Maître, Prête-moi ta plume pour tracer ma planche, Ma chandelle est morte, Je n’ai plus de feu, Va au pilier de la Sagesse, pour l’amour du Grand architecte de l’Univers… ».

Jakin  
 
 
 


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le 17-09-2008 07:53

SUR L'ILE D'APHRODITE...



Chypre, du 21 au 28 octobre 1990






    A Chypre, sa terre natale, Aphrodite est partout : sur les enseignes des boutiques, des restaurants, des magasins de souvenirs et jusque sur les étiquettes des vins locaux. La légende veut que la déesse ait jailli de l’écume au pied du rocher Petra Tou Romiou, près de Paphos. Depuis, les amoureux viennent sur ce rivage, près du caillou tout blanc, et attendent qu’il rosisse au soleil couchant. Se baigner là est aussi une garantie de bonheur pour toute l’année…

    Mais ce n’est pas que le lieu de naissance de la légendaire déesse grecque de l’amour et de la beauté. C’est aussi la troisième île de la Méditerranée et un carrefour de nombreuses civilisations. Tout Chypre n’est qu’un immense musée en plein air, un héritage historique et artistique du passé. Ici, le drame ancien de l’histoire de la civilisation européenne fut mis en scène dans ses grands moments de variations…
 


    Les rivages dorés, les sommets violets de ses collines et les plaines fleuries de cette île enchantée furent témoins de l’épanouissement et du passage des cultures, de l’essor et de la chute des empires. Le passé est présent partout. Côte à côte, les vestiges et monuments de toutes les époques, allant des jours brumeux préhistoriques de l’âge de Pierre à nos temps, allient en un contraste harmonieux le cours de l’histoire de l’île…

    Des colonisations primitives néolithiques touchent à la beauté classique des temples grecs, des théâtres païens romains avoisinent des cloîtres chrétiens primitifs ; des églises byzantines ornées d’icônes et de fresques sont adjacentes à des abbayes et châteaux francs ; des cathédrales gothiques rappelant la gloire des croisades sont entourées de murs et forteresses vénitiens…

    L’histoire et la légende, des paysages enchanteurs et un soleil continuel, donnent la main à l’hospitalité de son peuple pour offrir d’heureuses vacances à tout visiteur à n’importe quel moment de l’année…

    Sadam Hussein a envahi le Kuweit, l’Amérique et l’Europe s’apprêtent à repousser l’envahisseur Irakien, et les Globe-trotters bouclent leurs valises, contre l’avis général de toute la famille, direction l’aéroport de Marseille Provence, pour retrouver sur l’île les amours d’Aphrodite ou tout simplement l’amour de son prochain. Paradoxe de ces temps belliqueux c’est peut être des « skudes» que nous allons voir passer au dessus de nos têtes…

    Quelques heures plus tard l’avion se pose sur le tarmac de Larnaka. Rosella notre guide nous souhaite la bienvenue et organise notre transfert à l’hôtel « Four Lanterns**** », notre résidence pour la semaine. Pendant cette période trouble, nous bénéficions d’un avantage non négligeable, il n’y a pas de touristes, et c’est en « belle américaine », une Buick familiale, que nous visitons l’île comme des VIP, avec un chauffeur qui vous ouvre les portes à chaque arrêt…
 


    Dès qu’on arrive à Larnaka, on comprend comment, née de l’écume, la déesse de l’amour, de la beauté et du printemps a pu poser le pied ici, au sortir de la Méditerranée, aussi limpide aujourd’hui qu’elle l’était alors. Ces huit kilomètres de plage de sable blanc qui s’étendent jusqu’à Dhékélia, rappellent que la ville fut construite sur les ruines de l’antique Kition…
         
    Le charme provincial des vieux quartiers est resté intact et le passé est ici partout présent. Les maisons seigneuriales, les ruelles étroites et animées, la promenade du front de mer avec ses édifices de l’époque coloniale anglaise évoquent les temps où la ville était le siège des consulats et des sociétés internationales. Le Musée archéologique s’élève place Kologréon ; on visite à l’intérieur de deux salles, des objets allant du néolithique au Moyen âge…
       

 
    L’église de Saint Lazare fut construite au 9ième siècle par l’empereur Léon VI (le Philosophe). En l’an 890 on découvrit à cet endroit un tombeau que l’on attribua à Lazare, qui après sa résurrection par le Christ aurait vécu trente ans à Chypre. Il fut, selon la légende, le premier évêque de la ville. Le sarcophage du saint est conservé au-dessous de l’autel. La dépouille du saint volé à l’époque des Croisades, repose à Marseille. L’église, située dans le vieux quartier commerçant de la ville, a été plusieurs fois agrandie. Sous la domination turque, elle obtint – rare privilège – la permission de construire un campanile. Son iconostase date du 18ième siècle…
     
    Le château fort doit sa forme actuelle aux travaux turcs (1625) qui intégrèrent des éléments vénitiens antérieurs. Par la suite il servit de caserne et de prison. Il abrite aujourd’hui un petit musée consacré à l’histoire des origines de Kition et aux fouilles du Tékké de Hala Sultan…
      


    Des remparts du château fort on peut apercevoir une des nombreuses mosquées de l’époque turque qui s’élève dans la ville. Construite en pierre de taille blanche, le minaret reflète sous le soleil une lumière vive qui se voit dès l’entrée dans la baie de Larnaka…
      
    A cinq kilomètres au sud de Larnaka nous visitons l’un des deux lacs salés de Chypre. Le fond du Grand Lac (6 km²) est situé à trois mètres au-dessous du niveau de la mer. Lorsque l’eau s’est évaporée, au mois d’août, il reste une croûte de sel de 5 à 10 cm d’épaisseur. Celle-ci était déjà ratissée dans l’Antiquité. En hiver, les eaux de pluie sont recueillies par le lac qui devient séjour de prédilection des oiseaux migrateurs et des flamants roses…
   

   
    Sur la rive du lac salé s’élève une oasis de palmiers, d’eucalyptus et de cyprès ; au milieu des arbres se dresse une mosquée. Le minaret que l’on aperçoit de loin au-dessus du bouquet d’arbres exotiques, est celui du Tékké de Hala Sultan, l’un des lieux saints de l’Islam. Le Tékké abrite le mausolée d’Umm Haram, tante présumée du prophète Mahomet. Le tombeau actuel date de 1760, la mosquée fut pour sa part érigée en 1816…
     
    Ce matin nous partons pour la visite de Nicosie. La capitale se trouve à 48 kilomètres à l’intérieur des terres dans la plaine fertile de la Mésorée. Son éloignement de la mer en fait une ville très chaude en été où la température atteint aisément les 44° C. L’air est toutefois rafraîchi par les cimes du mont Troodos voisin…
     


     Depuis l’invasion de la Turquie en juillet 1974, Nicosie est une ville coupée en deux. La ligne de démarcation la traverse d’ouest en est, du bastion de Rocca au bastion de Flatro, en barre inexorablement le chemin de ronde de la vieille ville, spectacle à cet endroit de barricades, sacs de sable, bidons d’huile rouillés et de maisons abandonnées, qu’il est interdit de photographier (sauf pour les Globe-trotters)…
      


    Malgré cela, la ville est aujourd’hui une ville animée et moderne. Nous arpentons le lacis de venelles de la vieille ville depuis le chemin de ronde des puissantes fortifications vénitiennes qui l’entourent. Nous avons parfois l’impression que le temps s’est arrêté dans ces petites ruelles verdoyantes où boutiques et cafés se côtoient pour le bonheur de tous…
      
    Tout près de la porte de Famagouste se trouve l’imposant archevêché de style byzantin, construit par l’Archevêque Makarios en 1950. Dans l’aile nord de ce palais, nous visitons le Centre Culturel Makarios III. Là, sont exposés des icônes byzantines très rares ainsi que d’autres objets d’art byzantin et peintures d’art classique…
      


    Juste à côté, la Cathédrale St Jean, construite en l’honneur du protecteur de l’Ordre des Templiers et qui fut consacrée au 15ième siècle à St Jean l’Evangéliste. Elle contient de belles fresques du 18ième siècle représentant des scènes de la Bible et d’autres compositions intéressantes : la découverte de la tombe de saint Barnabé fondateur de l’Eglise de Chypre, la découverte de l’évangile sur les reliques du Saint, etc.…
      
    A la sortie nord de la ville, nous visitons la Mosquée Omeyre. A l’origine une église chrétienne du 14ième siècle, elle fut convertie en mosquée par les Turcs en 1571. Il est parfois possible de monter au sommet de son minaret. Nous n’avons pas eu de chance, le gardien faisait la sieste…
      


    Nous retournons à Larnaka en suivant la route qui traverse les villages de Katodrys, Valva et Khirokitia. Le paysage est très beau. A cette époque de l’année les premières pluies donnent à la plaine et aux collines un vert tendre émaillé des couleurs du narcisse d’automne, du muscari bleu, de l’anémone et des renoncules aux corolles jaunes, blanches et rouge écarlate…
      
    En trois jours on fait vite le tour de l’île où l’essentiel des curiosités peuvent être abordées pour se faire une bonne idée de la vie chypriote. D’autant que depuis 1974, la moitié du territoire est occupé par les turcs qui en refusent la visite. Il ne reste donc plus qu’à courtiser Aphrodite, mais il y a beaucoup de prétendants. Alors ce matin nous partons pour le port de Limassol où nous attend le « Princesa Marissa ». Nous décidons de faire une croisière avec deux escales prévues : Haïfa en Israël et Port-Saïd en Egypte…
 


    Après une journée et une nuit de navigation, le navire se rapproche de sa première destination. Quand pointe le petit matin, les côtes israéliennes se dessinent à l’horizon. La brume du large se dissipe lentement comme un rideau que l’on tire et laisse apercevoir Haïfa la plus belle des grandes villes, étagée sur les pentes du Mont Carmel…
      
    Les fonctionnaires de police montent à bord pour effectuer les formalités de visa. Puis nous débarquons avec notre guide pour rejoindre un minicar qui nous attend sur le parking du quai. Nous longeons le littoral jusqu’à Tel-Aviv, puis nous prenons la route de Ramla pour entrer dans Jérusalem, l’une des plus anciennes villes du monde…
      


    On pénètre dans la vieille ville par la Porte de Damas. C’est la rue des souks. Puis nous empruntons la Porte d’Hérode pour monter vers la Via Dolorosa. La Porte Dorée (5ième siècle) était l’entrée principale donnant sur la Place du Temple. Cette porte selon les traditions juive et musulmane est murée pour l’éternité dans l’attente du jugement dernier…
      
     Nous visitons l’Eglise du Saint-Sépulcre qui renferme le Calvaire, le tombeau du Christ et les cinq dernières stations du Chemin de Croix. Il ne reste plus rien du plan harmonieusement ordonné de la basilique de Constantin. Derrière le porche on aperçoit la pierre de l’onction où, selon la tradition catholique, on embauma le corps du Christ. A droite, deux escaliers étroits conduisent au Mont Calvaire. On y voit le trou où l’on avait enfoncé la croix, et la faille qui se serait ouverte dans le roc après la crucifixion…
      


    Le Mur des Lamentations ou Mur occidental est vraisemblablement un reste de l’enceinte du Temple d’Hérode. C’est le site le plus saint du Judaïsme, et  jusqu’à nos jours les Juifs y viennent pleurer la destruction du Temple par Titus (70 ap. J.-C.). Les Globe-trotters en profitent pour jeter une petite larme avant de retourner sur le « Princesa Marissa » et reprendre la mer…
     


    Dans notre cabine située sur le pont extérieur, nous passons notre deuxième nuit à bord, bercés par le roulis et le tangage du navire qui force son passage dans une Méditerranée un peu agitée. Quand le petit matin se lève nous sommes en vue des côtes égyptiennes. Les premiers rayons de soleil viennent éclairer Port-Saïd, un port dont le trafic ne s’arrête jamais…
     


    Après les formalités de police à bord, nous débarquons en empruntant un long quai de pilotis en bois. Une nuée de marchands telle des sauterelles nous envahit pour nous vendre montres, papyrus et autres gadgets touristiques. C’est avec difficultés que nous rejoignons le car qui emprunte la route longeant le Canal de Suez. Après quelques heures, nous retrouvons avec plaisir, pour la deuxième fois, les Pyramides et le Sphinx toujours aussi énigmatique…
      


    Le Moyen Orient s’est vidé de ses touristes à cause du conflit entre le Kuweit et l’Irak. Au pied des Pyramides, le désert a repris son territoire, même les skudes le boudent. Alors, dans ce silence réconfortant, nous profitons de cette générosité de l’instant. Tout à loisir, nous passons par le salon du prêt-à-porter pour revêtir la coiffe du bédouin ou du terroriste et nous parcourons les dunes à dos de chameaux jusqu’au coucher du soleil…
    

 
    En début de soirée, de retour sur le « Princesa Marissa », nous rejoignons notre cabine pour nous préparer à la soirée du Capitaine. Le navire appareille dans la nuit pour Limassol en huit heures de navigation. Le lendemain, nous passons la matinée à nous promener entre mer et ciel sur les ponts du bateau. Sur la passerelle la plus haute, le nez au vent et les yeux scrutant le large, nous rêvons à nos futures aventures…
      
    Le soleil perce à travers les persiennes de notre chambre d’hôtel. Nous faisons la grasse matinée car notre vol est prévu à 13 heures et l’aéroport n’est pas très loin. Soudain, de l’avenue qui longe la mer, la musique d’une fanfare monte jusqu’à nous. Le temps de sauter du lit et d’ouvrir les fenêtres et nous voyons défiler des groupes de majorettes et de scouts dans un alignements parfait. Rien d’étonnant dans cette île où tout commence et finit par des chansons…
     


    Sur le chemin du retour, nous pensons à ces Hospitaliers de Saint-Jean qui n’y sont restés que dix-neuf ans, il y a près de sept siècles, et pourtant leur empreinte subsiste, à côté de celles des Templiers et des rois de la dynastie franque des Lusignan. Mais ces moines, hospitaliers, pèlerins, soldats et bâtisseurs, s’ils ne furent pas les seuls à s’imposer à Chypre, furent à ce point sensibles à la nature de l’île, à son charme, qu’ils s’y firent paysans…

    Ce charme a survécu aux conquérants, aux siècles. Pour le visiteur d’aujourd’hui, cette île lointaine, tapie aux confins orientaux de la Méditerranée, ce lieu étrange, envoûtant, réunissant toutes les époques, c’est-à-dire toutes les rencontres, ce vieux pays qui est un Etat neuf est la terre rêvée des quatre saisons. Nous avons été conquis à notre tour par Aphrodite…
 
 
Andrée et Armand      
 
   
 


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1. durireauxlarmes  le 18-09-2008 à 00:56:30  (site)

Bonsoir et merci pour ton com. sur mon blog.
Je viens de lire goulûment
ton exposé sur Chypre!
J'avais déjà très envie d'aller visiter cette île pour son climat, mais je ne connaissais pas son histoire... Maintenant j'ai hâte de la découvrir... Et là-bas, quelle est la température de la mer en Décembre ou Janvier? Amitiés, durireauxlarmes.

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le 16-09-2008 14:07

L'EPREUVE DE LA TERRE

 

 

 

La Terre, avec les trois autres éléments que sont l’Air, l’Eau et le Feu, fait partie des épreuves rituelles qui attendent tout être ayant demandé à entrer en Franc-Maçonnerie.

Pourquoi l’épreuve de la Terre est-elle la première ? Se limite-t-elle au passage par le Cabinet de réflexion durant lequel est vécue « la mort au vieil homme » ou se poursuit-elle dans le Temple ? Quelles sont les transformations décisives générées par cette mort symbolique ?

Partant du passage dans le Cabinet de réflexion mais dépassant le cadre de celui-ci, ce livre met en lumière l’importance symbolique de cet élément dans la construction du futur, ou de la future, initié(e).

En s’appuyant sur les mythes et la tradition initiatique, l’auteur révèle la nature alchimique de cette Terre qui façonne l’initié(e) et l’équipe pour permettre sa marche vers la lumière.

L’épreuve de la Terre, voyage et purification, est le premier d’un ensemble de quatre tomes qui traitent, chacun séparément, d’un élément.

Franc-Maçonne depuis 20 ans, Clémence Duval signe ici son premier ouvrage.

 

 

 

 

 


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le 16-09-2008 11:44

AU PAYS DE SAMUEL DE CHAMPLAIN...


Province du Québec, Canada du 12 au 20 juillet 1990







        On ne voit jamais le Québec autrement que vert, blanc ou rouge. Vert en été, rouge à l’automne et blanc en hiver. La quatrième saison, on n’en parle guère. Vert, blanc, rouge, ce sont les vraies couleurs de ce pays canadien français, celles aussi du drapeau arboré dès 1837 par les Patriotes en lutte pour la souveraineté. Le savaient-ils, ces premiers Québécois, que ce drapeau de leur histoire était aussi celui de leur géographie ?…

        Nous voici donc en partance pour cette contrée mystérieuse qui n’est plus la France, ni l’ancienne ni la nouvelle, mais où l’on parle français, qui conserve des liens quelque peu fictifs avec l’Angleterre par le biais de la Couronne royale, qui est liée aux Etats-Unis par le dollar et qui voudrait être elle-même…

        Contemplez l’espace infini, le paysage lunaire, sol minéral criblé de milliers de lacs, veiné de rivières, taché de fondrières, et, même en été parfois, ourlé de glace scintillante. C’est selon la tradition « La terre que Dieu donna à Caïn ». C’est le Labrador, mot voulant dire, selon une étymologie possible : « pays de peine »…

        Enfin ! Voilà la ville de Québec bâtie depuis longtemps sur sa falaise et qui a gardé ses remparts. C’est une capitale provinciale, très francophone, riche en monuments d’autrefois et qui a sauvegardé tous ses attraits. Nous nous mêlerons aux touristes venus goûter les agréments d’une vieille cité d’allure française et demeurée fidèle à ses origines…

        Il ne faut pas chercher au Québec certaines joies et valeurs de l’Europe. Ici, pas de cathédrales millénaires, de châteaux Louis XIII. Le passé est relatif. Pas de vieux et respectables monuments mais, à la place, des rochers, des lacs, des forêts, vieux et vieilles comme le monde. Il faut les découvrir, découvrir les québécois. Nous serons surpris par leur « Parlure », touchés par leur gentillesse, impressionnés par leur fierté, celle surtout d’avoir créé un pays bien à eux, un pays toujours vert, blanc ou rouge…

        Dès 1534, d’illustres français, comme le malouin Jacques Cartier, Samuel Champlain, natif de Brouage, fondateur de la ville de Québec, le premier évêque François de Montmorency Laval et l’impétueux général Lafayette, ont marqué l’histoire de cette province en débarquant sur la côte de Gaspé. Cette histoire commune relayée par la littérature populaire nous présente alors les québécois comme nos cousins d’Amérique. Il s’agit cette fois-ci, pour nous Globe-trotters, d’une aventure affective ! Nous décidons donc naturellement avant de rendre visite à nos cousins de passer deux jours chez l’oncle Sam…

        Le  « Boeing 747 » de la Continental Air Line se pose à l’aéroport de New York (Laguardia) après huit heures de vol. Notre guide local, une mama africaine tout en rondeur nous prend en charge et nous conduit au cœur du quartier de Manhattan, au « Roosevelt*** », Madison Avenue, pour deux nuits…
     


        Grâce au cinéma et aux séries télévisées, nous reconnaissons les lieux mais, pourtant, la surprise est totale. Devant la forêt de gratte-ciel qui nous entourent, nous sommes ébahis, parce que la brillance, la transparence, le gigantisme, l’audace de l’architecture, le flot des voitures et des piétons, le bruit des klaxons et des sirènes, les flashs et les néons publicitaires sont très au-delà de ce que nous pensions trouver !…
     
        Maintenant, confortablement chaussés et regard à la verticale, nous y allons ! Nous débutons notre visite à la hauteur de la 44ième rue et de la 5ième avenue, voie royale de la ville. Tout de suite, un bel et vertigineux environnement. Les magnifiques gratte-ciel Arts déco inspirés des pyramides tels le French Building ou le Chrysler. Nous continuons vers Grand Central Station, la gare monumentale, due au milliardaire Vanderbilt. L’Empire state building, King Kong n’est plus là, mais les 74 ascenseurs oui, et l’un deux nous conduit à son sommet (381 mètres)…
     


        Nous voilà en plein cœur de Manhattan, avec ses salles de concerts et de théâtres, le Lincoln Center, le Carnegie Hall et le fameux Rockefeller Center. Times Square a perdu ses sex-shops, mais pas son âme, ni son déluge de néons. A droite le très chic Upper East Side où résident les stars comme Woody Allen qui vient jouer de la clarinette au Carlyle Hotel. Bordant Central Park, la 5ième avenue où s’alignent musées extraordinaires, immeubles de très grand standing et longues limousines à vitres fumées…
   

 
        Puis vient le tour des magasins de luxe, les bijouteries, les boutiques de gadgets kitchs et bon marché, les restaurants aussi cosmopolites que les consommateurs, les petits jardins publics qui constituent de bienvenues haltes de verdure…
     
        Au sud de Manhattan, nous embarquons sur un ferry de Battery Park en songeant aux émigrés qui débarquaient ici du Vieux Continent. La statue de la Liberté est là, pointant son bras vers cette forêt de buildings. Avec leurs terrasses perchées à 410 mètres, les tours jumelles du World Trade Center offrent un panorama exceptionnel. En bas, Wall Street s’agite et, plus loin, l’Empire State Building ressemble presque à un nain…
     


        Que l’on parcoure cet immense parc de 340 hectares à pied, en calèche, à vélo, en barque ou à rollers, on trouve toujours quelque chose d’étonnant à Central Park : concert de jazz, match de basket, partie d’échecs de haut niveau, régate de modèles réduits de voiliers et même un tournoi de pétanque de la communauté bretonne ! Dans la partie la plus sauvage du parc se trouvent des lacs et des bois où des ornithologues observent piverts, martins pêcheurs, hérons ou écureuils. En plein New York, on croit rêver !…
     


        Sans s’en rendre compte, on marche énormément. En remontant vers le nord, voici des mini pagodes rouges : les cabines téléphoniques de Chinatown ! Puis des rues qui exhalent des odeurs de pizza. C’est Litle Italy, qui précède les lofts et les galeries d’art de Soho, les villas à l’européenne de Chelsea et les bistrots de Greenwich Village, où l’on prend son brunch en compagnie des étudiants. Une sensation jubilatoire et une ville absolument fascinante !…
     
        Mais toute médaille a son revers ! Le guide nous sert un discours appris par cœur d’une prétention sans égale. Tout est incomparable, grandiose, magnifique ! Les superlatifs ne manquent pas. Les américains sont les plus beaux et les plus forts dans les domaines de l’architecture, de l’industrie, du commerce et même dans la gastronomie ! Sauf que nous déjeunons et dînons chez les Italiens, les Chinois, les Hollandais et les Irlandais. Bref, la coupe est pleine, il est temps de partir. L’Oncle Sam est vraiment imbuvable…
 


        Nous quittons New York de très bonne heure pour rejoindre Québec la capitale du Canada. Ce n’est pas que la route est longue, mais aux Etats-Unis, la vitesse est limitée à 75 km/h pour les véhicules de transport en commun. Aux environs de midi nous passons la frontière. Après les formalités de douane et de police, un nouvel équipage nous réceptionne pour la suite de notre aventure…

         Paul, notre guide, nous livre un récital de chansons traditionnelles, accompagné d’un accordéon, pour nous souhaiter la bienvenue. Nos oreilles sont charmées par ce bel accent qui fleure bon la vieille France. Nous sommes toujours sur le continent américain, mais nous avons en quelques minutes retrouvé la quiétude des campagnes françaises. Bienvenue chez les cousins ! Nous déjeunons dans une auberge fermière décorée avec goût. Puis le Saint Laurent montre son rivage, dans le loin, surgit comme un joyau la ville de Québec…
     


        On y entre par une de ses portes monumentales ouvertes dans de pittoresques remparts. Ils enferment l’arrondissement historique de la ville, zone déclarée par l’Unesco joyau du patrimoine mondial. Sur la place d’arme, lieu qui partage la ville haute de la ville basse, nous apercevons le château Frontenac, le plus connu des bâtiments du Québec. C’est un grand hôtel construit en 1892 pour la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique. Il est orné de tourelles médiévales, échauguettes et mâchicoulis typiques du « style château » que la compagnie développa aux grandes étapes de sa ligne transcanadienne…
     


        Québec, il est vrai, n’a pas son pareil dans toute l’Amérique du Nord : rues pavées et sinueuses, souvent étroites, qui ne se coupent pas toujours à angle droit, portant des noms tels qu’avenue d’Auteuil, rue des Remparts, rue du Sault-au-Matelot, bordées de maisons de pierres très « vieille France », à hautes façades, volets de bois et toits à forte pente percés de lucarnes…
     
        Des petits restaurants à terrasses, des bistrots, des boutiques d’artisanat. Au pas de leur cheval, les calèches conduisent des touristes américains, ébahis de voir sur leur continent une ville si différente des leurs et ravis de goûter « the French taste » dans sa version québécoise sans avoir à traverser l’Atlantique…
     


        Quant à nous, nous retrouvons le charme d’une vieille cité de l’ancien monde. Dans la ville basse, les alentours de la place Royale procurent un plaisir exceptionnel, celui de se croire dans un port de l’Atlantique à l’époque où flottait la bannière « fleurdelisée » de Louis XIV. La ville haute offre un panorama unique au long de la terrasse Dufferin sur le fleuve et sur l’île d’Orléans…
     
        On aime s’y promener à pas tranquilles, retrouver au centre ville l’animation de la rue de la Fabrique, de la rue Saint Jean, de la rue Saint Louis, bordées de restaurants, d’auberges et de boutiques. Il faut prendre son temps avec eux et, lentement, goûter Québec la fidèle…
 


        Ce matin nous partons en excursion à la côte de Beaupré, puis sur l’île d’Orléans. De Québec à la côte Charlevoix s’étire la côte de Beaupré dont le nom dit assez l’aspect verdoyant. Au dessus le l’étroite plaine côtière qu’utilise la route, court une terrasse fertile parsemée de fermes qui fut le berceau du Québec rural…
     
        Nous empruntons la route 360, et tournons à droite Immédiatement après le pont sur la rivière Montmorency. Sur la rive Est de la rivière, le parc Montmorency donne accès à deux excellents points de vue sur cette puissante chute qui dévale les 83,5 mètres de la terrasse de Beaupré…
     


        Une première vue s’offre près de l’entrée du parc, en haut de la chute ; une autre au fond du parc dévoile l’ensemble du cirque creusé par la chute, la falaise rocheuse, et les bois qui l’entourent ; la cataracte apparaît sur toute sa hauteur, accompagnée d’une gerbe d’embruns qui, en hiver, gèlent sur place formant un pittoresque « pain de sucre »… 
 
        Au pied de la chute, une bonne vue s’offre. il y a des passerelles aménagées jusque sous les embruns. On voit en face une grande maison blanche, la maison Montmorency, aussi appelée « Kent House » car elle abrita de 1791 à 1794 le duc de Kent, père de la reine Victoria…
  

   
        Toujours vers l’Est, on atteint la côte de Beaupré, un des premiers terroirs habités par les colons canadiens. Au village de Sainte Anne, traditionnel lieu de pèlerinage, on a récemment construit pour les pèlerins une immense basilique néo-romane (1932) et créé une vaste structure d’hébergement…
     
        Une première chapelle fut érigée ici en 1658. La tradition se perpétue de nos jours. En été une procession aux flambeaux est organisée le soir. Outre la basilique, on visite l’historial, musée de cire sur Sainte Anne et l’histoire du sanctuaire. Spectaculaire panorama en trompe-l’œil, peint en 1882, reconstituant Jérusalem et les Lieux Saints au temps du Christ…
   

 
        Nous poursuivons par l’île d’Orléans. l’ « île de Bacchus », comme l’appela d’abord Jacques Cartier, est une longue terre plate placée à la pointe de l’estuaire du fleuve. Habitée depuis 1648, l’île a conservé comme un écho de la vie rurale en Nouvelle France, avec ses églises aux toits pointus et aux clochers effilés, et plusieurs maisons du 18ième siècle…
     
        Aujourd’hui nous partons à la rencontre de la deuxième plus grande ville francophone du monde. Rues en damiers, un centre ville aux gratte-ciel nombreux, de vastes espaces verts, des banlieues industrielles et cités dortoirs reliées par un lacis d’autoroutes, voilà Montréal, née il y a quelque 350 ans sur une parcelle d’une île du Saint Laurent. Elle occupe à présent tout un archipel et les rives du fleuve découpé par ses îles, dans un des plus grands deltas intérieurs du monde…
     


        Singularité locale, au centre de l’île principale se trouve un massif de collines verdoyantes dont la plus haute porte, depuis quatre siècles et demi, le nom de mont Royal. Au pied de ses 229 mètres de roches cristallines, Champlain avait en 1603 compris que ce carrefour géographique était le lieu idéal pour bâtir une cité commerciale…
     
        A Aix en Provence on va faire ses courses. A Montréal, on dit « magasiner », car nos cousins du Québec adorent créer des mots à eux à partir de racines françaises au milieu de l’anglophonie environnante. On nous propose dans la rue un « chien chaud » ce n’est pas un caniche que l’on nous vend, mais un hot dog ! Quand un cousin canadien te parle de ta blonde, il ne s’agit pas de ta bière mais de ta petite amie !…
     


        Au début, cela paraît complètement incongru d’entendre parler français dans cette ville qui ressemble tellement à une mégalopole américaine, avec ses immenses avenues et les sirènes lancinantes des voitures de police dont le son se répercute contre les gratte-ciel. Puis on se laisse surprendre par l’accueil chaleureux et décontracté des Québécois. Dans les rues comme dans les boutiques, ils ont toujours le sourire ou le mot pour rire…
     


        Autre originalité, typiquement montréalaise, le centre ville pourvu de nombreux gratte-ciel et magasins, se double d’une cité souterraine. On y  circule à pied sur 10 kilomètres dans des galeries marchandes climatisées, reliées par des escaliers mécaniques aux stations de métro, à des gares, des immeubles de bureaux, ou des grands hôtels. On trouve aussi dans cet « hypo-Montréal » 20 salles de cinémas, 130 restaurants et bars et bien d’autres commodités de la vie citadine…
     


        Le soir venu, nous goûtons à la cuisine québécoise dans un petit restaurant local richement décoré. Le bois est présent partout. Une cuisine riche et fruste, créée pour des paysans sans grands moyens qui travaillaient en plein air : Crevettes de Matane, foie de morue, canard du lac de Brôme, cretons (version locale de la rillette), tourtière (pâté rond à base de viande de porc), soupe aux gourganes, ragoût de boulettes, etc.…Le tout arrosé d’un bon cidre. A la fin du repas, après plusieurs verres de caribou, un alcool local, la fraîcheur de la nuit ravigote…
     


        Ce matin nous quittons Montréal en direction de l’Ontario, on suit le cours de l’Outaouais, affluent du Saint Laurent qui longtemps, a symbolisé la route de l’Ouest pour les Québécois. C’est en effet cette rivière que remontaient autrefois les coureurs des bois qui s’embarquaient sur des canots d’écore pour aller jusqu’à la pointe des Grands Lacs troquer aux trappeurs indiens leurs marchandises de pacotille contre les précieuses peaux…

        Cette ancienne route de « voyagement » devint ensuite une voie industrielle destinée au transport des grands troncs de bois que l’on acheminait ainsi jusqu’à Montréal. C’est encore le cas aujourd’hui, des petits bateaux puissants tractent d’énormes quantités de billes de bois reliées entre-elles par des filins d’acier…
   

 
        Soudain on arrive en vue d’Ottawa, la capitale administrative. On y trouve de solennels bâtiments cernés de parcs impeccables, d’admirables musées, et des rues commerçantes animées. La cité est reliée par des ponts à la ville de Hull, de l’autre coté de l’Outaouais. Elles forment une vaste agglomération pourvue de parcs, de jardins et de vastes espaces de loisirs…
     
        Une visite s’impose au musée des beaux-Arts, le plus beau et le plus riche du Canada. Puis nous nous rendons sur la Colline parlementaire. C’est ici, au milieu d’un parc, qu’ont été bâtis les édifices gouvernementaux dominés par la tour du Parlement, haute de 89 mètres et dotée de quatre grandes horloges et d’un carillon. Son porche néogothique sert d’entrée à la Chambre des Communes et au Sénat…
     


        Devant le parlement brûle la flamme du Centenaire, installée en 1967. Sur les pelouses, tous les jours, la cérémonie de la relève de la garde offre un spectacle très apprécié et très photographié, comme le sont aussi les membres de la gendarmerie canadienne (encore appelée police montée)…
     


        Aujourd’hui c’est une étape de transition. En quittant Ottawa le matin, nous devons rejoindre Toronto pour la nuit, et nous rapprocher ainsi des chutes du Niagara. Tout au long de la route qui rejoint la frontière des Etats-Unis, nous croisons sans cesse quelques classiques. Ces « monstres » : tracteurs rutilants, propres comme un sou neuf, qui traversent les provinces du Canada pour le transport des marchandises…
     


        Sur la rive américaine de la rivière, s’étend la grande ville industrielle de Niagara Falls, tandis que son homonyme canadienne est vouée à l’industrie touristique. Hôtels, motels, restaurants et attractions de toutes sortes aux enseignes voyantes se pressent surtout le long de la rue Clifton Hill…
     
        Leur hauteur (50 mètres environ) n’est pas exceptionnelle, mais leur ampleur et la puissance des eaux qui s’y engouffrent nous impressionnent, on reste fasciné devant le spectacle sans cesse renouvelé de cette eau rugissante. Il y a 25 000 ans, estime-t-on, le Niagara, déversoir du lac Erié dans le lac Ontario, dévalait l’escarpement du Niagara à la hauteur de Queenston ; rongeant les tendres roches schisteuses à la base de la falaise, puis sapant la couche de calcaire dur du sommet, l’érosion a depuis fait reculer la chute de 11 kilomètres, creusant la gorge que nous voyons aujourd’hui…
   

 
        Le tonnerre des eaux des Iroquois est plus impressionnant du côté canadien. Nous bravons ce défi à bord du « Maid of the Mist », un bateau, qui longe la chute avant de s’immobiliser devant le « fer à cheval » au milieu de tourbillons furieux. La formidable puissance de la cataracte est saisissante. Dans ce majestueux tableau, nos imperméables ruissellent sous les embruns…
     


        L’aventure prend fin à l’aéroport de Toronto. Nous laissons avec regret notre cousin Paul qui nous regarde partir vers la porte d’embarquement. Le Québec nous a accueilli avec chaleur, comme le feraient des enfants qui reçoivent leurs grands-parents restés sur le vieux continent assez longtemps, et nous en sommes reconnaissants…

        Le Québec restera une belle porte d’entrée pour connaître ce vaste Pays. car il reste à découvrir encore de grands espaces de liberté : La Colombie britannique et le Yukon, pays des montagnes rocheuses et des grands lacs ; Les grandes prairies avec l’Alberta, le Manitoba et le Saskatchewan ; Les provinces maritimes constituées du Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse et l’île du Prince-Édouard ; Sans oublier Terre Neuve et le territoire des Inuits. Encore de belles aventures en perspectives…

        Dans l’avion qui nous ramène en Europe, Gilles Vigneault nous murmure à l’oreille : « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver… », et les paroles d’Elisapie Issac, jeune chanteuse Inuit prolonge notre voyage en rêve : « Moi, j’en ai vu des couchers et levers de soleil en juillet. Moi, j’en ai dansé pour les aurores boréales en février. Moi, j’en ai mangé du béluga que mon père a chassé. Mais un jour j’ai décidé de partir…Pour la première fois j’ai vu les oies partir vers chez moi. »…
 
 
 
Andrée et Armand    
 
 
 


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le 16-09-2008 10:00

INITIATIONS

 

 

 

 

        En introduction à son ouvrage - Initiation, rites, sociétés secrètes -, Mircea Eliade écrit : « On a souvent affirmé qu’une des caractéristiques du monde moderne est la disparition de l’initiation. D’une importance capitale dans les sociétés traditionnelles, l’initiation est pratiquement inexistante dans la société occidentale de nos jours ».

        De son côté René Guénon affirme dans - les Aperçus sur l’Initiation - : « Il n’y a guère dans le monde occidental, comme organisations initiatiques pouvant revendiquer une filiation traditionnelle authentique, que le Compagnonnage et la Maçonnerie ».

        Ecartelé entre ces deux points de vue dont le premier est issu de ma connaissance comme profane et le second de ma recherche comme Maçon, je mesure l’embarras de tracer cette planche.
 
        Si l’on ne comprend pas le phénomène, l’expérience que l’on observe, ou que l’on vit, si l’on n’ est pas armé pour déchiffrer la signification des apparences, si l’on n’a pas une notion élémentaire au moins des règles de l’évolution et des changements, alors le sens des choses nous apparaît que si l’on est prêt à le recevoir.

        La plupart d’entre nous s’en rend compte, d’une manière il est vrai souvent confuse. Toute expérience ne vaut que dans la mesure où l’observateur, ou celui qui la vit, a été amené à comprendre ses modalités, ses conditions, et ses constantes.

        Tous les individus d’une société tribale, parvenus à un certain âge, sont conduits, par un rituel spécifique de l’enfance à l’adolescence, de l’adolescence à l’âge adulte. On enseigne au néophyte la création du monde telle qu’elle est perçue ou conçue par le groupe, le culte qu’il doit rendre aux ancêtres, à la terre, aux dieux… Les valeurs morales, le comportement que les autres attendent de lui…

        Les épreuves peuvent être physiques. Elles ont pour but d’éclairer le groupe sur la force de l’individu, sur sa souplesse, sa résistance à la douleur, à la faim ou à la soif, sur ses facultés d’orientation…

        L’initiation présente un caractère de nécessité. Nul ne peut être admis dans le groupe, participer à la vie de tous les jours, sans avoir vécu l’initiation. Les rites de passage sont obligatoires pour quitter le monde insouciant de la jeunesse, pour permettre l’accession au sacré, aux traditions, à la vie collective. C’est en cela que, pour les membres du groupe, les rites initiatiques sont un gage de survie de la société.

        Il est fort probable que les constructeurs des premiers temps procédaient à des initiations afin de transmettre des secrets de calcul, de géométrie, de construction, à des hommes choisis, jugés dignes de recevoir cet enseignement. L’ésotérisme des bâtisseurs repose sur une sacralisation, une déification du travail, et impose le respect des lois et des secrets afin de protéger le Métier. Les textes qui nous sont parvenus ont permis de comprendre la démarche et la mentalité des constructeurs. Ils présentent tout un système symbolique basé sur la matière, les outils, les formes géométriques, la magie des nombres, les tracés, l’orientation, la probité, la fraternité, le secret, le serment…

        Dans le langage courant, est initié celui qui sait, ou qui possède une connaissance. Selon la terminologie maçonnique, l’initiation n’est pas une illumination délivrée par on ne sait quel miracle. Pour le Maçon, elle est le premier pas d’une longue marche. Elle n’est pas la délivrance d’un savoir total, comme certains ont tendance à le croire, mais le début d’une quête qui ne s’arrêtera pas. Les « progrès » ne sont pas l’accession aux grades supérieurs ou aux honneurs, mais bel et bien l’amélioration, l’enrichissement jour après jour de la personnalité.

        L’Apprenti va tailler sa pierre, le Compagnon va la rendre cubique, le Maître va apprendre à tracer des plans. Le progrès de chacun n’est pas le résultat de la cérémonie d’un soir, mais le fruit d’un long travail sur soi. Le travail du Maçon dure toute la vie, jusqu’à l’ultime initiation que le profane appelle la mort.

        Alors comment trouver un sens dans l’initiation maçonnique ? Comment cette réalité, cette authenticité que j’ai reçue par transmission, puisse me conduire sur le chemin de ma nouvelle vie comme le précise le rituel : « Je viens apprendre à vaincre mes passions, à surmonter mes préjugés et à soumettre mes volontés aux lois de la justice ».

        Tout simplement comme un acteur qui rejoue sans cesse la scène de l’initiation. Un acteur qui cette fois-ci produit une création de l’intérieur qu’il projète sur un miroir pour se corriger à la vue de tous. Car l’initiation, c’est la préparation, c’est l’introduction, la mise en condition indispensable à toute entreprise, l’apprentissage des conditions d’exercice d’une activité, d’une profession, d’une carrière. En somme, l’initiation c’est ce qui précède l’expérience, qui y prépare et qui y conduit.

        Etre initié, ce n’est certainement pas avoir l’expérience ou la connaissance de toute chose, mais c’est être prêt à l’expérience vraie. Voilà ici posée dans l’initiation la construction que le Maçon opère sur sa personnalité : Etre prêt à l’expérience vraie !

        Chacun d’entre nous, les yeux bandés, ni nu, ni vêtu, a franchi la porte basse pour pénétrer dans un monde nouveau, pour renaître dans un nouvel ordre social, pour découvrir les relations entre l’homme et le milieu. Chacun d’entre nous a aussi été averti des difficulté de l’épreuve. Pourtant chacun d’entre nous a fait le premier pas sous la bienveillance du Grand Expert. Nous étions prêt à l’expérience vraie !

        Arnold Van Gennep trouverait ici l’illustration parfaite d’un rite de passage. Comme il pourrait s’approprier les légendes de fondation qui traversent notre rituel et en déterminer des interdits. Les ethnologues s’interrogent toujours sur les modalités de l’initiation. ils répondent que le principe en est toujours le même, que la réflexion demeure au niveau de l’anecdote, que les étapes, les intentions avouées peuvent différer selon le milieu et les modes de vie. Les maléfices du Vaudou, la valeur de l’ascèse indienne, la cruauté des pratiques amazoniennes, l’ésotérisme obscur de Chine ou du Tibet nous surprennent, mais sont les aspects diversifiés d’une constance. Comme il est probable que le corpus initiatique de la Grèce Antique, celui des bas quartiers de Rome, comme celui de la Judée différaient, même s’ils étaient tous inspirés des rites Egyptiens.

        Là s’arrête l’observation de l’usage. Dépouillé de tous ces métaux, le futur maçon entreprend son voyage initiatique sans l’usage de la vue. Il ne peut faire confiance qu’à la perception des sons et à la main fraternelle qui le dirige. Son attitude dépend de sa préparation intellectuelle, de son ressenti, de son imagination et de sa capacité à se maîtriser. Il commence à mettre en pratique l’expérience vraie.

        Mais chacun accomplit son rite de séparation, de purification, d’agrégation ou de rejet face à lui-même. C’est cette action, toute personnelle, qui démarre la quintessence de notre parcours de constructeur et qui nous guidera dans l’expérience vraie. En témoignent les comptes rendus faits par les Apprentis après leur initiation.

        Lors de mon initiation, j’avais compris que tout était symbole. Que je devais travailler dans le Temple avec tous les outils qui m’étaient donné à imaginer pendant mon parcours aveugle, et avec tous les outils qui m’étaient possibles de découvrir quand le VM m’a donné la lumière. Pourtant un mois après avoir fait quelques pas sur le chemin de l’expérience vraie, je prends la parole pour me plaindre. Mes lunettes de profane étaient restées à la porte du Temple et je voulais avec prétention observer mon nouvel Univers.

        Sur le chemin de l’expérience vraie, il me suffisait de prendre le temps, tout mon temps, pour tailler ma pierre brute. Alors, point de lunettes pour observer mes SS et mes FF sur les colonnes me renvoyer l’amour, la quiétude et la ferveur comme une multitude de miroirs pointe la lumière. Point de lunettes pour examiner l’intérieur de mon corps, seulement être à l’écoute de mon être ou de mon mal-être.

        Quand le jeune homme de la tribu est initié à la chasse ou à la pêche, à la vie religieuse ou politique de sa communauté, sans doute lui dévoile-t-on un certain nombre de connaissances, de secrets, mais est-ce tout ? Ne lui attribue-t-on pas aussi le privilège d’être à son tour le découvreur, l’homme qui assume la responsabilité des rapports entre la communauté et le Cosmos, l’homme qui apportera une chance nouvelle à la communauté ?

        Cette question a attiré mon attention sur mon propre comportement pendant mon initiation. Ai-je pris conscience pendant mon parcours que l’appareil rituel ne faisait que me styliser. Pas vraiment ? Certes j’étais préparé, je me disais enfin tu vas vivre une expérience riche que tout ethnologue rêve de vivre de l’intérieur : un rituel de passage. Mon imagination vagabondait plutôt avec l’adoubement des chevaliers de la Table Ronde. Je me suis donc laissé simplement porter par la main ferme qui me dirigeait et pêcher par omission de symbole. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris toute la signification de mon initiation : par la mise en pratique de l’expérience vraie.

        Une initiation, c’est un peu, comme des « Essais » ou ces « contributions », ou encore des « introductions à l’Etude de » qui servent de titre à des ouvrages considérables, et, sinon définitifs, du moins exhaustifs.

    Au fond, c’est une sorte de quintessence de leur expérience, de leur sagesse, de leur savoir que les Maçons se communiquent, des uns aux autres, à travers les générations.

        A l’évidence, toutes société initie ses membres à ses conceptions de la vie, et l’initiation symbolise et figure cette démarche universelle. Et quand on y réfléchit, du point de vue de la communauté, vivre c’est revivre la création du monde.

        L’homme qui agit vraiment, entre, par son acte, dans un univers nouveau, il crée une vie nouvelle, et, par expérience, il se rend compte de la crise, ouverte par cette nouveauté, du bouleversement opéré par cette liberté qui tout à coup s’affirme. Il apprend les précautions nécessaires, et hélas, pas toujours suffisantes. Il éprouve d’abord ses forces, il cherche à acquérir le contrôle de ses aptitudes, il accumule et rassemble les connaissances, organise le savoir, exerce son discernement, et, finalement manifeste son courage et sa maîtrise.

        L’initié, c’est celui qui a la conviction que cette création, qui est pour le Franc-Maçon une construction, est le mystère qui enveloppe l’homme et le cosmos dans l’émouvante épreuve du présent.

        Epreuve quotidienne, épreuve toujours décevante, et cependant source de toute joie et de toute lumière. Les hommes sont émerveillés, et terrifiés à la fois d’être sur la terre, d’être ce qu’ils sont dans le monde tel qu’il est. Ils se disent qu’ils ne peuvent être qu’en vertu de quelque chose qui les dépasse, de circonstances qu’ils ignorent, mais en même tant, ils sentent que ce monde est le leur, qu’ils y ont leur place, et qu’il dépend d’eux qu’il en soit toujours ainsi.

        Que l’on croit en Dieu ou au Grand Architecte de l’Univers, quelle importance ? L’initiation livre à celui qui la reçoit, la clé de cet univers, elle lui indique le passage, elle lui assure la protection nécessaire lui inspirant confiance dans l’immense royaume étoilé qui élève sa voûte au-dessus de lui. Elle le prépare aux pratiques, lui inspire le courage et la volonté, lui ouvre l’accès aux joies supérieures du sacrifice et de la charité.

        Symboliquement, c’est un peu comme si l’on accordait à l’initié la saisine de cette terre, qui le nourrit et qui le porte, la maîtrise du feu qui le protège et lui donne puissance, de l’eau qui anime et vivifie, de l’air qui soulève et qui purifie. Bref, c’est comme si l’on révélait à l’homme ce qui donne au monde sa durée, et dont il est l’héritier, exploitant par la chasse, la pêche, l’art manuel, le domaine qui lui est ainsi ouvert.

        Il faut bien rappeler et c’est peut-être le dernier mot sur la question, que l’initiation est un métier que le franc-maçon exerce toute sa vie par la construction de son état intérieur.

        Ce qui compte c’est que l’homme fasse son métier d’homme, assume ses responsabilités dans ce monde, et qu’il sache à la fois ses limites et les conditions de son action.

        En définitif, le mot le plus simple est celui qui sans doute convient le mieux : l’initié, c’est un homme éveillé. Etre éveillé : avoir le sens du relatif, avoir le sens de la mesure, savoir les limites de son pouvoir, et connaître les zones d’obscurité et de lumière qui se partagent l’existence.

        Etre dans l’expérience vraie c’est  vivre, en somme, comme un homme éveillé.

 
Jakin    
 
 
 


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