On connaît la fortune du miroir dans la littérature occidentale : des contes traditionnels (Blanche Neige) aux contes moderne (Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva), du romantisme fantastique (Hoffmann, L’histoire du reflet perdu, Maupassant, Le Horla) au surréalisme (Rigaut, Lord Patchogue, Cocteau, Le Sang d’un Poète).
Si le miroir excite autant les imaginations, c’est qu’il est un objet étrange. Cette étrangeté provient du double paradoxe de la perception, d’une part, le reflet de soi dans le miroir dédouble le sujet ; d’autre part, l’espace du reflet est perçu comme le prolongement de l’espace réel au-delà du miroir. Le double ouvre sur des vertiges identitaires, l’espace sur des vertiges ontologiques. D’un côté, c’est Lord Patchogue qui se cherche et se perd dans une série de reflets. De l’autre, c’est Alice qui découvre un monde fantastique en passant à travers le miroir.
L’imaginaire littéraire du miroir s’appuie ainsi sur l’étrangeté bien réelle d’une expérience perceptive qui donne à voir un double de soi et du monde au statut problématique. Cet étonnement face au miroir se retrouve jusque dans l’étymologie du terme qui vient du latin minari, « admirer » mais aussi « regarder avec étonnement », « être surpris ».
L’expérience des vertiges du miroir n’est toutefois pas un apanage occidental. D’une part, les miroirs sont présents depuis fort longtemps dans bien des parties du monde, en Chine ou au Japon comme en Egypte ancienne. D’autre part, la surface réfléchissante de l’eau (ou d’un minéral cristallin) a tout de même permis aux peuples sans miroir de ne pas rester des peuples sans reflet, avant que le commerce ne diffuse universellement les petits miroirs à main.
En Afrique centrale, cela fait cinq siècles que les miroirs européens ont commencé à circuler le long des voies de traite. Tout un ensemble de représentations et de pratiques les concernant a donc eu le temps de s’y développer et de s’y stabiliser : représentations inquiétantes qui associent miroirs, fantômes et sorciers, mais aussi pratiques divinatoires et initiatiques où le miroir joue un rôle de premier plan.
La figuration de Janus en double visage opposé suggère l’image du miroir ou celle du reflet dans l’eau. Et, par la grâce de la réflexion, au deux sens du terme, ont est conduit à mille interrogations qui traversent la philosophie, la morale, la science et sans doute, la poésie.
On interroge le miroir, c’est-à-dire, on s’y regarde pour se connaître et se reconnaître. Il répond, c’est-à-dire il nous renvoie une image que nous interprétons et il nous permet de nous situer en tant que corps par rapport aux autres.
Le miroir est donc un outil de connaissance de nous-mêmes, de notre réalité physique et, parce qu’il nous renvoie notre image, il nous met face à nous-mêmes, face à notre regard et, par delà, face à notre conscience, à notre âme… « Les yeux sont le miroir de l’âme ».
C’est pourquoi, il est hautement symbolique puisqu’on passe inévitablement du physique, du corps à l’esprit.
Ne dit-on pas : « Ah si je faisait cela, je ne pourrais plus me regarder dans un miroir ? ». Le miroir, c’est-à-dire l’image de moi qu’il me renvoie, devient mon double, ma conscience et mon propre juge. Il nous questionne sur nous-mêmes, nous renvoie à l’introspection, au « connais-toi toi-même » de Socrate.
Il est d’ailleurs présent aussi dans les représentations symboliques profanes des Vertus. Il est l’attribut de la Sagesse qui se réserve d’agir en toute connaissance de cause, qui a réfléchi au sens plein du terme. Il est aussi l’attribut de la Prudence qui, elle, tient le miroir comme un rétroviseur et découvre ce qui se passe là où elle ne voit pas. Il est enfin – est cela est évident – l’attribut de la Vanité. Celle-ci ne voit dans le miroir que l’apparence des choses, sa beauté, sa jeunesse, sa séduction qui bientôt seront abîmer par le temps, puis par la mort. Une sorte de miroir aux alouettes qui trompe celui ou celle qui ne découvre pas l’au-delà de cette surface polie, glacée.
Le miroir dit un proverbe est le vrai cul du diable. Derrière le miroir du diable rôde aussi la mort. L’irruption de la mort donne sa dimension tragique au spectacle de la belle qui se mire.
Dans la Loge, ce miroir qui revient est une autobiographie narcissique habilement fictive : il fait revenir la mémoire des mots, des images, des obsessions, des personnes, des objets fétiches pour tenter de trouver la cohérence et le sens à ce personnage qui se nomme Franc-Maçon.
Le Miroir : Illusion et réalité Le cheminement de notre pensée nous amène à nous interroger sur l’ambiguïté du miroir, sur sa polyvalence. Capable de la reproduction instantanée et totalement fidèle de n’importe quoi, il propose une photographie, mais une photographie fantôme, puisqu’il suffit de bouger le miroir de quelques centimètres ou de se déplacer soi-même pour avoir une autre image, sans trace aucune de la première. Ainsi on y fait apparaître et disparaître ce que l’on veut. Chacune de ces images n’est qu’une fugace illusion, une sorte d’apparition quasi magique sur cette surface brillante.
Pour mettre en évidence la polyvalence du miroir, sa signification symbolique à la fois de reflet, de réflexion et, d’autre part d’illusion évoquons l’histoire de Narcisse :
Jeune homme grec d’une grande beauté, insensible à l’amour passionné de nymphes et de mortelles, Narcisse, un jour, se penchant sur l’eau d’une source, s’éprit de sa propre image et, voulant la rejoindre, se noya.
Psychologues et moralistes ont repris ce mythe pour en faire le symbole de la vanité, de l’égocentrisme, de l’amour de soi. On parle de narcissisme à propos des gens trop attentifs à eux-mêmes, à leur image, à leur succès, à leur pouvoir.
Le miroir n’est qu’un objet créé par l’homme. Lisse, glacé, brillant, argenté, il nous trompe sur sa profondeur. Il n’en a pas ; il n’est qu’une surface menteuse contre laquelle nous nous casserions la tête s’il nous prenait l’envie d’y pénétrer autrement que par l’imaginaire.
Mais revenons à notre conte mythologique : Narcisse est victime d’une double illusion.
Une première illusion due à l’ambiguïté du miroir. Il a cru à la réalité de cette image qui n’était que virtuelle. Il a cru pouvoir rejoindre, retrouver ce beau jeune homme qu’il voyait dans l’eau et il n’a pas compris que ce n’était qu’une illusion, que ce jeune homme n’existait pas dans l’eau, qu’il n’était autre que le reflet de son propre corps.
Une seconde illusion a abusé Narcisse, cette fois non plus due au miroir mais à lui-même. Narcisse s’est pris pour quelqu’un d’autre. Il ne s’est pas reconnu parce qu’il ne se connaissait pas. Il n’avait pas d’identité. Il ne savait pas qui il était. Et, cette ignorance l’a conduit à sa perte, à la mort.
La confrontation au miroir au cours du Rituel d’initiation nous apparaît de plus en plus riche. A travers ce symbole, on nous invite à reconnaître pas seulement les traits de notre visage, ce que nous sommes, mais à reconnaître (dans le sens d’accepter), à prendre conscience de qui nous sommes.
La Loge elle-même est notre miroir. Les Sœurs et les Frères apprenant à nous connaître nous renvoient une image qui n’est pas toujours celle que nous croyons donner. Ainsi, il nous arrive quelquefois d’être étonnés de l’interprétation que l’on peut faire de nos comportements.
Le miroir offre le pire et le meilleur. Il nous offre une image illusoire, virtuelle qui peut nous entraîner à la vanité, au narcissisme, voire à notre perte ; ou au contraire (et ce n’est pas mieux) si notre image ne nous satisfait pas, au complexe d’infériorité, avec son cortège de repliement sur soi, d’amertume, de jalousie.
Mais, si nous allons au-delà de cette image apparente, par la réflexion, par l’introspection, le miroir peut nous aider à découvrir les chemins de notre vérité et à forger un moi plus cohérent, plus solide et donc meilleur.
Les miroirs ne sont pas seulement « bons à penser », ils sont également « bons à manipuler ».
Le Miroir et La Magie
Il y a aussi l’au-delà du miroir. Que se passe-t-il derrière le miroir ? Va-t-on y trouver l’autre Moi… la Mort… un mystérieux ailleurs… le Sacré… l’énigme résolue du Destin ?
Alice traversant le miroir y fera un voyage au Pays des Merveilles ; Orphée, par le génie de Jean Cocteau découvrira l’inquiétant Royaume de la Mort.
Et puis, il y a l’imaginaire psychologique et affectif qui a fait avec le miroir une sorte de pacte diabolique, défiant le Temps et l’Espace. Il y a le miroir magique de Blanche Neige, qui sait tout, il y a le miroir de la Belle et la Bête, magique lui aussi car il a le don d’ubiquité.
Il y a aussi ce conte peu connu de Charles Perrault, Le miroir ou la métamorphose d’Orante, un homme Orante, joue le rôle d’un miroir et finit par en devenir un.
Les peintres du 15ième siècles et de la Renaissance ont très souvent reproduit des miroirs convexes dans leurs œuvres. Le miroir peint ainsi renvoie au mystère d’une présence au second degré. En 1436, dans la Vierge au Chanoine Van der Paele, fait apparaître son visage dans les reflets du bouclier de saint Georges, faisant office de miroir convexe.
Cette présence de l’auteur en très petite dimension, dans le miroir comme second degré, nous renvoie au double, au fantôme dont nous allons parler dans un instant.
Le miroir peut aussi présager l’avenir. La reine Catherine de Médicis consultait Nostradamus et ses miroirs pour connaître le destin de ses fils et de la France.
De toute manière, la mort est au bout du chemin. Le peintre Furtnagel le rappel dans le double portrait des époux Burgkmair. La femme tient dans la main un miroir où se réfléchit, non pas leurs deux visages mais leurs deux crânes décharnés. Portraits fidèles et en même temps rêverie philosophique sur l’inéluctable destin de l’homme.
Le miroir, derrière sa surface mystérieuse recèle les rapports secrets entre les êtres et les choses ; leurs infinies et subtiles connivences nous mènent aux grandes interrogations sans réponse. Jean Cocteau disait : « Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images ».
Le Miroir et les fantômes Jean Cocteau disait aussi : « Les miroirs sont des portes par lesquelles la mort va et vient… Du reste, regardez-vous toute votre vie dans une glace et vous verrez la mort travailler comme des abeilles dans une ruche de verre ».
Ombre et reflet sont donc des images particulièrement sensibles, puisque c’est l’intégrité du sujet qui s’y donne à voir et qui s’y joue. Cette image spéculaire atteste à la fois l’unité de l’être et le sentiment qu’il a de sa rupture. Une sorte de peur de ce dédoublement car il met en question ma singularité, mon identité. Comment, je ne serais plus MOI unique ? Je ne suis plus un mais deux. Et l’image inversée renforce l’idée d’avoir été coupée en deux, de deux moitiés qui auraient été séparées.
Pour Edgar Morin, le double est sans doute le seul grand mythe universel car il correspond à une expérience vécue : il est vu dans le reflet, l’ombre ; il est senti et deviné dans la nature ; il est vu dans les rêves. Chacun vit accompagné de son propre double non pas copie conforme, et plus encore qu’alter ego (autre moi-même), ego alter (moi, autre).
Pour les civilisations archaïques, le double est présent, accompagne chacun de nous tout au long de sa vie. Au moment de la mort, tandis que le corps demeure à l’état de cadavre inerte, le double se libère pour devenir esprit, fantôme, « a-mortel », comme dit Morin.
C’est le double lui-même qui est dans le reflet de l’eau ou du miroir. Toute la magie du miroir réside dans celle du double. De nombreuses superstitions en témoignent encore.
Au Gabon et au Congo, on retourne les glaces dans la maison d’un mort, de même qu’on ne regarde pas dans le rétroviseur d’un corbillard, de peur d’être tourmenté par le fantôme du défunt et de mourir soi-même. Il ne faut pas se regarder la nuit dans un miroir de peur d’y être happé par des fantômes. Non seulement le miroir reflète les fantômes, mais il menace de transformer le sujet lui-même en fantôme.
Comme Joseph Tonda le relève, le miroir « spectralise » la personne. Il est toujours « un miroir anormal » qui donne à voir la troublante image d’un sujet défiguré par des pouvoirs occultes qui le dépassent (la mort, la sorcellerie).
Cette association menaçante entre miroir et mort se retrouve dans le folklore européen. Il faut voiler les glaces dans la maison d’un mort, de peur que l’âme du défunt ne reste dans le foyer ou que celui qui s’y mire n’y perde la sienne ou ne meure. Il est pareillement défendu d’exposer le cadavre devant un miroir, son reflet annonçant un second décès. Briser un miroir entraîne au pire la mort, au mieux sept ans de malheur. Il ne faut pas se regarder la nuit dans un miroir. Une curieuse croyance française stipule qu’on peut se voir dans une glace tel qu’on sera à l’heure de sa mort, si on accomplit un certain rituel pendant la nuit de l’Epiphanie.
Le double nous suit ; il se fait ombre. La nuit où tout n’est qu’ombre, l’homme perd son ombre et c’est elle qui le possède. La mort est comme la nuit ; elle libère les ombres. Les morts n’ont pas d’ombre ; il sont ces ombres.
Toute les formes que peut prendre le double, ombre ou reflet, renvoie à l’amour du Moi et à la protestation contre l’anéantissement insupportable de ce Moi dans la mort.
Ce double prend quelquefois la forme opposée au moi ; il devient son contraire, plus que le « Moi autre », « le Moi, autrement ». C’est l’histoire de Dr Jeckill et Mr Hyde.
Méphisto n’est-il pas, lui aussi le double inversé de Faust ? Et Vendredi, celui de Robinson ?
Mais, prenons garde, il n’est pire chose que de porter la main sur son double. Souvenons-nous de l’histoire de Dorian Gray qui voulant détruire son portrait peint qui vieillissait à sa place, meurt au même instant.
Il faut noter cependant qu’en Afrique centrale, les usages rituel du miroir ne sont pas narcissiques : on ne s’y abîme pas dans l’image de soi, mais au contraire dans celle d’autrui. Les initiés du Bwete qui se regardent si attentivement dans leur miroir pour se maquiller au début d’une cérémonie ne sont pas amoureux de leur image : ils scrutent plutôt leur transformation en autre chose qu’eux-mêmes. Maquillés et accoutrés, ils deviennent en effet des mikuku, c’est-à-dire des esprits ancestraux.
Pour résumer, on pourrait dire que dans un miroir, les Chrétiens voient tantôt Dieu tantôt le Diable alors que les Africains y voient tantôt les anciens tantôt les sorciers. Dans les deux cas, le miroir analogique transforme le reflet d’ego en l’image de son « signifiant », cette altérité constitue une réalité double.
Et nous voilà amenés à la relation duelle, ce lien qui unit indissolublement l’un et l’autre, les opposés et les complémentaires, la pensée par couple, par notion à double face. Un mot en appelle un autre qui lui est opposé mais nécessaire. Ainsi, le Bien suppose le Mal : le principe mâle est impensable sans le principe femelle, l’ombre implique la lumière,… etc.
Cela ne fait-il pas penser au Pavé Mosaïque ? Qui exprime cette dualité inhérente au monde vivant, à commencer par la vie et la mort, le blanc et le noir. Bien/Mal ; Bonheur/Malheur ; Passé/Avenir… de toute manière, peu importe ; ce qui fait la richesse de ce symbole, c’est que chacun y projette ce qu’il veut, ce qu’il pense, ce qu’il est.
Le Miroir aux alouettes
Parfois la beauté reflété par le miroir est si captivante qu’elle peut faire oublier le temps qui la menace inévitablement. Dans Allégorie de la jeunesse, de la vieillesse et de la mort, Albrecht Dürer dessine la jeunesse belle insouciante et nue se contemplant dans le miroir. Elle tient un sablier. Elle est entourée de la vieillesse et de la mort dont elle n’a pas conscience.
Le miroir est-il terni parce qu’il reflète ? Garde-t-il par rémanence, les traces imperceptibles des images qui se sont succédé à sa surface ?
Les Précieuses Ridicules de Molière semblent le croire, qui après avoir demandé « le conseiller des grâces » à leur servante qui ne les entend pas, interpellent celle-ci : « Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien d’en salir la glace par la communication de votre image ».
Le miroir réfléchit, c’est évident ! Voici l’une des réflexions qui lui est attribuée : « Je me demande bien ce que toutes ces femmes nous trouvent d’intéressant pour nous regarder comme elles le font ! ».
Pourtant il ne juge pas, ce miroir à la fois accueillant et indifférent à tout, il reflétera parfaitement la beauté d’Hérodiade sans l’avertir de la noirceur de son âme ! Il reste en toutes circonstances, sinon de marbre, du moins de glace !
L’homme peut-il être miroir conscient ? Miroir de quoi, si ce n’est de lui-même en vérité et non de ses fantasmes et de ses peur !
Une tradition talmudique évoqué par Jorge Luis Borges dit fort justement que l’homme en quête de Dieu se retrouve, en fin de compte devant lui-même. De même, lorsque le héros de Novalis, dans Le Disciple de Saïs, soulève le voile d’Isis, c’est lui-même qu’il découvre…
Qui ne se souvient de la scène où Hamlet médite sur la destinée humaine en tenant dans sa main le crâne de Yorik ? « Contempler des ossements, c’est se regarder au miroir ».
Le but ultime n’est-il pas d’entrer vivant dans la mort ?
N’est-ce pas ce que traduit La Madeleine aux deux flammes peinte par Quentin Latour ? Elle porte un crâne sur ses genoux et contemple un miroir dans lequel elle ne se reflète pas mais voit l’image de la bougie située à côté d’elle. La même idée se retrouve dans cet autre tableau du même artiste, La Madeleine au miroir. Cette fois, c’est le crâne qui apparaît dans le miroir et non pas l’image de la sainte.
Le guerrier impeccable de don Juan vit avec la conscience de la mort en permanence à sa gauche, mais pour vivre avec d’autant plus d’intensité et non par peur de la vie.
Mais y a-t-il une frontière entre la vie et la mort ailleurs que dans les notions du mental humain ?
« Dans l’approche bouddhiste, la vie et la mort sont perçues comme un tout : la mort est le début d’un autre chapitre de la vie. Elle est le miroir dans lequel se reflète l’entière signification de la vie ». Est-ce pour ce motif que Yama, dieu de la mort, utilise le miroir du karma pour le jugement et que le miroir du Dharma montre la cause des actes passés ?
Comment peut-on regarder la mort en face et la vaincre ? Chaque tradition apporte sa réponse et trace la carte d’un chemin possible.
Dans la mythologie grecque, Persée doit tuer la Méduse sans croiser son regard. Curieusement une ruse analogue permit aux habitants de Franche-Conté, de Gascogne, d’Auvergne, du Poitou et d’autres lieux sans doute, de se débarrasser des basilics qui vivaient au fond des puits.
Vaincre la mort, n’est-ce pas aussi sortir du piège du temps ? Le temps de l’éphémère passage de l’âme dans un corps est une fraction infime du temps inscrit dans la matière dense. Là encore, c’est un jeu de miroirs qui permet d’explorer notre univers, et par là même le temps qui lui est inhérent.
Vaincre le temps et la Mort ne peut se faire par des jeux de miroirs aussi sophistiqués soient-ils. Le télescope plonge dans l’abîme du temps tout comme le microscope dans l’infiniment petit, mais l’un et l’autre ne font que multiplier les apparences et les illusions propres à ce monde.
Etre Miroir, … Quels que soient le poli d’un miroir et la qualité de son tain, il n’en reste pas moins quelque chose d’autre que ce qu’il réfléchit et il pourra tout aussi bien réfléchir le milieu trouble dans lequel il est immergé que l’essence des choses. Une autre Lumière qui ne fait point d’ombre contient et le clair et l’obscur. il faut donc pour que le retour à l’Unité se fasse que le tain et le miroir disparaissent ; l’obscurité n’a alors plus lieu d’être pour révéler la lumière et toute réfraction cesse.
C’est sur ce chemin que s’est engagé le franc-Maçon, car c’est une lutte de tout les instants avec le Symbole des symboles qu’il croisera tout au long de sa vie maçonnique.
L’impétrant le rencontre pour la première fois dans le Cabinet de Réflexion, soit entier, soit brisé. Il invite celui-ci à recoller les morceaux de lui-même, tel un puzzle en pièces séparées, nécessitant de prendre conscience qu’il doit désormais reconstituer sa véritable image, se réunifier en rassemblant ce qui est épars.
Puis une seconde fois lors de la réception au grade d’Apprenti au moment où on lui demande de se retourner pour découvrir que son pire ennemi n’est pas forcément devant soi, mais peut être derrière soi, ou plus précisément être en soi ; être soi-même. Le néophyte est confronté brusquement à sa propre image, réalisant que son pire ennemi est d’abord lui-même, dont il doit savoir se défier. De même il doit apprendre à se connaître pour mieux percevoir ses faiblesses afin de progresser vers l’ineffable Lumière qu’il est venu rechercher. Cette thérapie initiatique opère comme un électrochoc. Lorsque le miroir est abaissé, le récipiendaire découvre une physionomie amie qui le réconforte pour l’encourager, dans sa quête de Vérité, à effectuer la traversée du miroir.
L’Apprenti le retrouve pour son passage au grade de Compagnon. Le Vénérable Maître lui tend son viatique et l’accompagne à la porte du Temple. Il est prêt pour le voyage. Sa besace contient un morceau de pain, une flasque de vin et un miroir. La démarche n’est nullement narcissique. Le Compagnon doit se regarder, analyser ses faiblesses et ses forces, combattre ce qu’il y a de mauvais en lui, et cultiver ce qu’il y a de bon. On ne demande pas au Compagnon de se regarder physiquement. Ce serait à la fois trop simple et inutile. Il doit accomplir un travail d’introspection. c’est le connais-toi toi même socratique.
Puis le Compagnon expérimente la thaumaturgie du miroir dans son élévation au grade de Maître. Tout à la fois illusion et réalité, fantôme et magie il double involontairement sont image à l’approche du miroir. Il entre de dos dans le Temple avec l’humilité et la certitude du compagnon. Le miroir qu’il ne distingue pas encore renvoie déjà le reflet d’Hiram, car il est Hiram. Lorsque le 3ième mauvais compagnon le précipite de l’autre côté du miroir il entre dans le mystère de la vie et de la mort. Hiram est mort, M.. B...., la chaire quitte les os. Mais l’esprit est toujours vivant, car il entend de l’autre côté du miroir le bruit des maîtres qui le cherche. Quand trois paires de mains le tire a nouveau de l’autre côté du miroir : un nouveau Maître est née.
Tout devient transparent et limpide, te voir n’est plus regarder ton reflet, mais là, déjà, la pensée du reflet est terminée, tout est vrai ! Toute animation n’a déjà plus son ombre. C’est pour cela que je n’ai pas donné le nom de miroir, à toi, disciple, afin que tu saches que : « se confondre, en ce lieu, c’est se voir soi-même, non pas dans le reflet d’un miroir, C’EST ETRE !
L’histoire du miroir ne s’arrête pas là, car c’est un éternel recommencement. En effet ce soir, comme le fidèle disciple de Pythéas, j’aborde un continent nouveaux. Sur la plage un groupe d’hommes en tenue de pingouins forme un cercle. Pour m’y faire accepter je vais sortir de mes poches ces étranges petits miroirs et les distribuer pour que chacun croise les reflets ambivalents de l’autre.
Si dans le miroir de l’explorateur, le reflet de l’indigène hésite, entre le singe et le gentleman, dans le miroir du Maître apparaît l’instant d’avant : j’ai laissé sur mon plateau l’excellent livre d’Agatha Cristie « Le miroir du Mort » ouvert à la page 3, 5, 7 ou peut être plus…
Jakin,
Commentaires
1. annielamarmotte le 04-10-2008 à 04:23:24 (site)
et en Ch'ti ça donne quoi?.... je vais essayer
2. annielamarmotte le 04-10-2008 à 04:25:55 (site)
c'est mieux qu'en images......
3. ticorpuss le 06-10-2008 à 22:06:45 (site)
merci pour ton passage...