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Les Black's Foot

le 09-09-2008 05:22

L'HIVER RUSSE



Leningrad, Moscou du 26 décembre 1987 au 2 janvier 1988

 

 

 

            En août 1982, nous avions nous aussi, comme Alexandre Dumas, succombé à la curiosité de la Sainte Russie. Moscou, Kiev et Leningrad, trois joyaux culturels et artistiques de l’URSS, furent notre première aventure de Globe-Trotter.  Cinq années ont passée, déjà ! L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques est actuellement gouvernée par Mikaël Gorbatchev, un réformateur…

            A la fin de notre premier voyage, nous avions laissé dans le quartier du canal Griboïedov à Saint-Pétersbourg, Pouchkine, le plus grand des poètes russes, Nikolaï Gogol, Ivan Tourgueniev et Fédor Dostoïevski, avec regrets. Il est temps d’y retourner pour une seconde lecture…

            Cette fois-ci c’est l’hiver, et traditionnellement les fêtes de l’hiver russe sont très populaires. Elles sont organisées avec beaucoup de ferveur par l’ensemble de la population. Quelques pull-overs, gants, cache-nez et bonnets sont jetés dans une valise, sans oublier l’indispensable tenue de ski pour affronter le froid nordique. Sandrine (17 ans) et Stéphane (12 ans) nous accompagnent dans cette nouvelle aventure…
Ce matin du 26 décembre nous n’avons pas le temps de ranger les cadeaux de noël. Il faut se rendre à l’aéroport de Marseille Provence pour rejoindre la capitale où un vol de six heures nous projettera vers Leningrad…
      


            Il est 23 heures quand le Boeing 747 se pose sur l’aéroport de Poulkovo. Au poste de police, les mêmes cerbères auscultent longuement nos passeports. A la lecture de notre nom, un petit sourire éclaire le visage austère du policier qui nous gratifie de quelques mots en russe, probablement sur la chanteuse Madonna. Comme nous ne comprenons rien, nous lui rendons son sourire, et nous voilà dans le hall aux bagages…

            Dans ce hall le silence règne. Il n’y a pas âmes qui vivent. Aucun des tourniquets qui livrent les bagages n’est en fonctionnement ? Bien qu’il soit pas loin de minuit, c’est tout de même curieux dans un aéroport international. Cela fait maintenant une heure que nous attendons, inquiets pour nos valises, quand un fonctionnaire se présente et nous explique, en anglais, qu’il y a une grève des bagagistes et qu’il faut attendre deux heures du matin la relève d’une nouvelle brigade de travailleurs ? Un comble au pays des soviets !…

            Les bagages finissent par arriver, le guide et le car aussi. Nous traversons pendant plusieurs kilomètres la banlieue de Leningrad recouverte d’un blanc manteau de neige. Les phares ont du mal à percer cette atmosphère blafarde de fin du monde. Il est trois heures du matin quand nous arrivons au pied de notre hôtel, le « Pribaltiiskaïa ». Un thermomètre lumineux affiche moins 20°, nous sommes frigorifiés…
 


            La nuit a été courte, mais réparatrice. Le « Pribaltiiskaïa » situé sur la place de la victoire est un ensemble hôtelier gigantesque à l’image de ce pays : vingt-cinq étages, dix ascenseurs, d’interminables couloirs, et une immense salle à manger au 1er. Du départ de la chambre n° 2115 au 18ième étage, le jeu consiste à arriver au premier étage, sans se perdre, dans un temps raisonnable. Le gagnant a le droit de prendre le temps pour déjeuner et ce n’est pas toujours le cas ! Fort de notre entraînement, lors du précédent voyage, munis d’une boussole (qui indique la direction de Lénine) et du plan de l’hôtel, nous accomplissons cet exploit en dix minutes. Les enfants nous suivent…

            Emmitouflés dans nos tenues d’esquimaux « provençaux », nous partons affronter les températures polaires. Il fait toujours moins 20°, le plafond nuageux est bas et de couleur gris blanc. Nous retrouvons avec plaisir les bords de la Neva qui cette fois-ci sont gelés. La place de la révolution, devant le palais d’hiver des anciens tsars, ressemble à une gigantesque patinoire. Les enfants en profitent pour s’exercer à de spectaculaires glissades…
     


            Malgré la température, nous débutons une promenade, sur les berges enneigées de la Neva en compagnie de quelques autochtones. Cette balade nous conduit jusqu’au Musée de l’Ermitage où nous prenons le temps de découvrir, au chaud, les collections des peintres italiens, flamands et français. Il est seize heures, le jour tombe vite, nous en profitons pour prendre le métro et rentrer nous mettre à l’abri dans notre hôtel…
     
            Aujourd’hui la température a baissé, il ne fait que moins 18°. Nous partons pour la visite de la forteresse Pierre et Paul et la cathédrale qui contient les tombeaux des Tsars de la famille Romanov, dont le dernier fut Nicolas II. Le chemin est impraticable, mais pas pour les soviétiques, qui viennent prendre un bain dans une piscine improvisée, creusée dans la glace. Une tradition locale, ils nous glacent le sang…
         


            En début d’après-midi, serrés les uns contre les autres, nous déambulons dans le centre ville : la perspective Nevski bordée de magasins, la place du Palais, l’Amirauté, l’église Saint Nicolas des marins, etc.…Puis nous décidons de faire un tour sur les bords de la mer Baltique. Tout est blanc et gelé sur des kilomètres. Aussi loin que porte notre vue, il n’y a que de la glace. Le silence est rompu, de temps à autres, par les craquements que fait la glace sous la forte pression. Soudain une légère bise, venant de la mer, se lève. En quelques secondes, seulement, notre visage, les oreilles et le nez se givrent. On n’ose même plus les toucher, de peur qu’ils se cassent. Rapidement nous reprenons le chemin de l’hôtel pour nous mettre au chaud…
     
            Avant de nous transformer définitivement en glaçon, nous quittons Leningrad en fin de matinée pour nous rendre à Moscou. Un « Antonov 180 », le taxi local en URSS, qui en deux heures de vol, nous transporte à destination. La ville de Moscou nous accueille dans une température plus clémente, il fait moins 10°. Nous retrouvons, le temps d’une visite, le monastère de Novodévitchi et son parc sous la neige. Puis ce sont les retrouvailles avec le « Rossia**** », notre hôtel, un complexe de 2 500 chambres sur dix sept étages, vitrine du gigantisme soviétique…
     


            Après le petit déjeuner nous partons pour la visite du centre ville. Enfin il fait chaud, le thermomètre affiche 0°. Il neige en abondance. La lumière du jour est faible et le ciel gris cendre. Pas de problème, on a vu pire ! On retrouve successivement la Tour du Sauveur, le musée d’Histoire, la cathédrale de l’Annonciation, l’église Ste Barbe et l’église de la Conception de Ste Anne. Sur la Place Rouge, malgré la neige qui tombe toujours, la file d’attente pour visiter le Mausolée Lénine est toujours aussi longue. Le pauvre, il doit se geler les « burnes » !…
     
            Un moment d’accalmie en début d’après-midi nous permet de profiter pleinement des splendeurs de Basile le Bienheureux et de l’intérieur du Kremlin. Quelques rayons de soleil qui se fraient un chemin dans l’épaisse couche de nuages redonnent un éclat tout particulier à la Cloche Reine et au Tsar des Canons, chefs-d’œuvre de la fonderie russe. Comme la température redescend vertigineusement à l’approche du soir (-10°), nous rejoignons notre hôtel pour la nuit…
     


            Ce matin, le jour se lève sur les fêtes de l’hiver russe. C’est le dernier jour de l’année et la coutume doit être respectée. En effet dans la tradition orthodoxe, c’est au passage de la nouvelle année que les enfants reçoivent leurs cadeaux, et non à Noël. La journée commence par une promenade en troïka dans la forêt des environs de Moscou. Nous empruntons une charrette, décorée de couleurs vives, montée sur patins et tirée par un attelage de chevaux de traie. Recouverts d’une immense couverture en peau d’ours, nous glissons pendant deux heures sur la neige dans un paysage de conte de fée. Seul le bruit des petites clochettes portées par l’attelage perce le silence des bois…
     


            Au retour, complètement frigorifiés, nous somme accueillis par nos hôtes au son des Balalaïka, dans une splendide demeure où caviar et vodka coulent à flots. Enfin réchauffés par cette eau de feu et ces petits grains noirs, nous rejoignons la salle à manger pour un buffet de spécialités locales. Zakouski, blinis, hareng fumé, roulade de porcelet… sont présentés avec soin pour le plaisir de nos papilles gustatives…
     
            Nous nous dirigeons maintenant dans un autre espace de la forêt. C’est un grand parc, doté de tous les jeux de plein air, spécialement aménagé pour les enfants. Des troupes de jongleurs, de funambules, de théâtre de rue sont là pour dynamiser la fête. Il y a même un théâtre de marionnettes. Des personnages représentant le folklore russe, font peur aux enfants et  aux parents qui se prêtent volontiers aux jeux. Sur un tapis de neige, enfants et parents se défoulent dans une joyeuse ambiance de cris et de chants sous les flashs crépitants des appareils photos de quelques touristes qui participent à la fête. En fin d’après-midi nous recevrons de la main du représentant d’Intourist un diplôme en souvenir de notre participation à la fête traditionnelle de l’hiver russe…
 


            C’est au tour du Bolchoï de nous accueillir pour une représentation populaire. Des troupes du Caucase, de l’Ukraine et des autres régions de la Russie exécutent des danses tirées du folklore soviétique. La couleur des costumes et la dextérité des danseurs révèlent toute la beauté des traditions anciennes. La musique tzigane, tantôt langoureuse, tantôt cadencée, nous imprègne d’harmonie et nous prépare pour la suite des festivités…
     
            Un rapide tour à la chambre est nécessaire pour nous mettre sur notre « trente et un », c’est le cas de le dire ! Chemise blanche à col cassé et nœud papillon sont obligatoires pour affronter le grand monde dans la salle à manger de style baroque. Les tables sont organisées par nation et le personnel arbore l’habit traditionnel des paysans russes. Une immense horloge « rococo » trône sur un meuble haut…
 


            Notre table est richement décorée et abondamment pourvue de champagne, vodka et jus de fruits. Celles des enfants aussi. Autour de nous des Japonais, des Italiens et des Hongrois prennent place. Le service est impeccable et les mets succulents. Nous troquons nos boissons fruitées contre la vodka des enfants, car nous avons décidé d’accompagner le repas uniquement avec cette boisson. Soudain toute une « tablée » se lève bruyamment et s’embrasse. il est minuit dans leur pays. Ainsi de suite, à chaque heure qui passe, une nation fête le nouvel an dans la joie et l’allégresse et vient congratuler tous les convives. Notre tour arrive aussi, en communion avec les italiens et les hongrois. Nos réserves de vodka s’épuisent…
  
            C’est au tour des japonais de fêter le nouvel an. Ils se lèvent, s’embrassent sur la bouche et tombent à la renverse sur le sol en poussant des cris aigus. Profitant de ce moment d’allégresse nous échangeons nos bouteilles de champagne contre leurs bouteilles de vodka afin de reconstituer nos réserves…
 


            Il est cinq heures du matin, six bouteilles de vodka sont vides sur la table. Nos yeux cherchent à stabiliser le décor qui vacille. Nos phrases commencent à devenir incompréhensibles. Mon voisin de table veut passer la nuit avec la serveuse, la situation dégénère. C’est le moment que choisissent nos compagnes pour nous ramener avec difficulté vers l’ascenseur. Nous tombons, comme des souches de bois mort, tout habillés sur le lit, pour ronfler…

            Notre guide vient nous chercher à seize heures pour nous accompagner à l’aéroport international de Moscou car notre vol est prévu à vingt heures. A la sortie de l’hôtel le froid nous saisit, mais comme nous sommes imbibés de vodka, nous ne gelons pas. Dans l’immense hall d’embarquement le bruit résonne dans notre tête. Nous passons en silence le contrôle de police et nous nous écroulons dans notre siège dès notre entrée dans l’avion. Vive les fêtes de l’hiver russe…

 

 

Andrée et Armand 

 

 

 

 


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le 08-09-2008 07:43

UN COMPAGNON POUR QUEL VOYAGE ?

 



 

            Je n’ai pas pu m’empêcher de reprendre une citation du Frère Cauwel, dans son discours de Grand Orateur au Convent de la GLde France, en 1926 :

             « Les voyages de l’initiation au deuxième degré de la maçonnerie ont un but unique qui est de donner au jeune compagnon le moyen de progresser dans son Art en lui livrant le secret d’une méthode de travail qui lui permettra de ne pas perdre son temps, suivant une des quatre manières définies par notre F Voltaire : la première consistant à ne rien faire, la deuxième à faire des choses inutiles, la troisième à faire mal des choses utiles, la quatrième à faire des choses utiles en temps inopportun. »

            Sur ces bonnes paroles, me voilà compagnon, le VMa rempli mon bissac avec du pain, du vin, du sel et un miroir, puis ma souhaité bon voyage en m’accompagnant jusqu’à la porte du temple. Car c’est là, la destinée du compagnon, que de voyager.

            Resté seul sur les parvis, je comprends que le Compagnon est appelé au mouvement. Dans la tradition compagnonnique, il partait faire son « Tour de France ». La question est alors posée, un compagnon pour quel voyage ?

            Dois-je continuer à voyager autour du monde pour connaître de nouvelles sensations et assimiler une nouvelle philosophie ?

            Pour cela, dois-je refaire le voyage des sens et contempler les temples de Karnak quant le soleil se couche et marque de sa lumière oblique les pas de la divine Isis sur les eaux sacrées du Nil. Entendre avec humilité les bruits de la savane africaine le soir sous la tente en imaginant les premiers hommes qui se dressent à l’aube de l’humanité. Toucher avec respect les pierres refroidies, par une belle nuit étoilée, aux pieds des temples de kusco, ou de la cité Inca du Machu Picchu en admirant ces grands bâtisseurs. Sentir avec ostentation les odeurs enivrantes de la cannelle, de la vanille et du safran lorsque le jour pointe sur les petites Antilles. Goûter avec délectation un plat de mézés dans un petit port Chypriote, ou un thé à la menthe sur une natte en plein désert du Wadi Rum comme le rituel du voyageur étranger que l’on accueille.

            Dois-je refaire le voyage des architectures en parcourant la Grèce antique, la crête, la Turquie byzantine ou les îles Cyclades comme l’a fait jadis Ulysse pour m’imprégner de la sagesse, de la force et de la beauté des colonnes Doriques, Ioniques, Corinthiennes ou Toscanes.

            Dois-je refaire le voyage des arts et partir pour apprendre la grammaire Diola dans une petite école de basse Casamance ; participer à un symposium des Nations Unies pour maîtriser l’art du discours ; faire retraite dans un Mandala du toit du monde pour assimiler la logique des hommes ; faire un stage chez un banquier Suisse pour  acquérir, multiplier et se soustraire au nombre ; courir les jardins du Prado à la recherche de ses lignes ésotériques ; assister au concert mythique des Pink Floyd à central Parc pour retrouver les rythmes de mon corps ; et finir ce voyage aux cent mille soleils d’Odeillo la tête dans les étoiles à la recherche de la voûte céleste.

            Dois-je refaire le voyage des cultures et parcourir les interminables couloirs poussiéreux de nos grandes bibliothèques pour retrouver les traces des écrits de nos penseurs, pour acquérir la sagesse ou la justice de Solon, la morale ou la prudence de Socrate, la règle ou la force de Lycurgue, la théorie ou la tempérance de Pythagore. Et remplie de ses vertus méditer sur la terre, l’eau, l’air et le feu aux pieds de la forteresse de Massada ou dans le désert de Judée.

            Dois-je refaire le voyage de la glorification du travail en rendant compte que dans les Andes péruviennes à plus de 6000m d’altitude, des indiens frappent la roche dans des cavernes profondes, avec un simple burin et une massette pour détacher quelques kilos de minerai afin de faire vivre leur famille. Que cette condition est acceptée parce qu’ils sont croyant en un être suprême la Pacha-Mama qui les protège et à qui ils font des offrandes journalières de feuille de coca, d’alcool et de tabac.

            Si j’ai volontairement puisé, dans mes voyages de profane la trame du voyage initiatique du compagnon c’est que je reste persuadé que l’un et l’autre sont des voyages complémentaires. Ils s’effectuent pendant un long chemin sous les hospices du pavé mosaïque, à la frontière entre le blanc et le noir, entre le bien et le mal, comme une dualité. Du voyage du profane au voyage du compagnon il y a un sens commun : le regard.

- Le premier regarde vers l’extérieur, le second regarde vers l’intérieur.
- Le premier nous permet de rencontrer l’autre celui qu’ont nomme l’étranger. A son contact nous échangeons, nous comparons, nous nous découvrons et puis nous nous améliorons. Ces rencontres sont des instants de bonheur et de joie, elles finissent bien souvent par une profonde amitié qui perdure malgré les distances.
- Le second qui est l’essentiel reste le voyage intérieur que doit parfaire le compagnon.

 

            Ce voyage que l’apprenti à commencé entre le cabinet de réflexion et les quatre éléments doit se perpétuer en y intégrant de nouveaux paramètres que le rituel lui à donné : Maillet et ciseau, niveau et perpendiculaire, équerre et compas, compas et règle, les sens, les ordres d’architecture, les arts libéraux, les philosophies, la glorification du travail, et la synthèse de la lettre G.

            Ces deux voyageurs, qui ne sont en fait qu’un, accomplissent une même destinée, ils cherchent à s’améliorer sur le chemin de la vie. Car tous les lieux sont propices à la réflexion symbolique et tous les lieux peuvent être porteurs de symbole, c’est pourquoi, le franc-maçon est  un être qui s’accompli dans le devenir.

            Si le compagnon est traditionnellement voué au voyage. C’est que le compagnon n’est pas « installé ». Il est seulement adapté à l’état qui sera le sien, c’est-à-dire, à celui de travailleur spécialisé, qui se trouve dans l’obligation de se rendre de chantier en chantier pour répondre à la demande. Ou tout simplement de loge en loge pour se réaliser, échanger avec les autres, et surtout dans la différence des rituels se confronter avec d’autres miroirs.

            Le compagnon doit-il essayer de rechercher une liaison horizontale c’est-à-dire entre : le maillet et le ciseau, les sens, la gravitation, ou entre l’équerre et le compas, les ordres d’architecture, la géométrie ? Le compagnon doit-il essayer de rechercher une liaison horizontale entre les symboles et les figures proposées à son attention au cours de la cérémonie rituelle ? Cette question est pratiquement une banalité. Il n’y a pas de compréhension, si l’ensemble des données de l’expérience n’est pas ordonné selon une série. Car  il faut établir entre les données un lien, un fil d’Ariane, qui permette de suivre une progression et d’établir une finalité.

            Au grade de compagnon, nous nous trouvons lancés dans l’initiation de métier. Cette initiation implique des étapes et suppose des moyens. Les étapes sont d’abord la connaissance des éléments, des matériaux, puis l’exercice de la sensibilité et l’apprentissage de l’activité manuelle, la maîtrise des outils. Succèdent à ces nécessités les données de la condition. La condition du Compagnon est obscure. Il est au service d’un maître d’œuvre, il est l’exécutant, et l’exercice de ses talents est toujours limité à un domaine fragmentaire, à une partie seulement de l’œuvre. Mais cela ne l’empêche pas d’avoir à tenir compte des conditions générales de la création.

            La création est toujours fonction de la nature. Il n’y a pas d’art qui échappe au conditionnement, soit humain, soit naturel, et si l’ouvrier ne tient pas compte de ce conditionnement, sa création ne peut avoir ni durée ni valeur exemplaire.

            Or, c’est par l’exécution du chef-d’œuvre que l’ouvrier montrera son aptitude à atteindre la maîtrise. Autrement dit, il devra faire preuve qu’il a sinon maîtrisé, du moins tenu compte de l’ensemble des données qui contribuent à l’élaboration d’une œuvre. Ces données sont certes matérielles, mais elles ont un rapport avec la vie et avec le temps.

            Symboliquement, on peut comprendre le voyage du Compagnon comme le pèlerinage au milieu des hommes, et ce pèlerinage lui fait découvrir la diversité des créatures et l’universalité de l’humanité. Mais le voyage dans l’espace est une sorte de substitut du voyage dans le temps. Et c’est en quelque sorte à la recherche du point fixe que se voue le Compagnon. Ce point fixe, il peut évidemment le chercher à travers la terre comme le lieu le plus favorable, comme le séjour le plus prometteur : c’est la terre fortunée, peut-être la terre promise ou qu’il croit lui avoir été promis. La méditation lui permet de mesurer ce que peut avoir de fugace la satisfaction que l’on éprouve à la possession des richesses intérieures et le Compagnon cherche, au-delà du lieu d’asile, la référence absolue, le centre immuable autour duquel il pourra se construire, édifier sa personnalité.

            Le Compagnon est donc en contradiction, car il est dans l’obligation d’errance comme l’est aussi la loi ancestrale de l’humanité. Car c’est la destinée humaine du Compagnon : de marcher toujours. Jamais on n’arrive à la maison, jamais on n’atteint vraiment le refuge, la terre d’éternité. Et ce n’est pas en accumulant les richesses et les pouvoirs que les hommes s’assureront contre le temps qui passe. Alors le Compagnon voyage à l’intérieur de son moi le plus profond pour trouver la vérité.



Citation d’Edouard Plantagenet, « causeries initiatiques pour le travail en chambre de compagnon » :
- Donne aux mots leurs sens propres – Les approximations sont des causes d’erreurs et engendrent la logomachie.
- Ramène les faits à leurs proportions réelles – Ne sois dupe ni de ton imagination, ni du prestige illusoire des valeurs usurpées.
- Donne à tes raisonnements une limite afin de ne point t’égarer en de fallacieuses contingences.
- Donne aux rapports des choses entre elles une mesure afin que leur coordination logique ne dépasse point tes possibilités.
- Considère toujours chaque chose et toutes les choses en leur relativité – L’absolu n’est pour l’homme qu’une aspiration inconsciente vers l’inconnaissable.
- Tel est le secret, telle doit être aussi la loi.
 
Jakin 

 

 


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le 08-09-2008 06:19

DANS LES VILLES IMPERIALES...



Maroc du 15 au 21 août 1986

            Situé à l’extrémité occidentale de l’Afrique du Nord – appelée aussi Maghreb -, le Royaume du Maroc étend son littoral de la Méditerranée à l’Atlantique qui lui servent de frontières naturelles. La côte méditerranéenne est très accidentée contrairement à celle de l’Atlantique qui offre de nombreuses plages. Une immense plaine fertile, avec une multitude de vallées et de collines, s’étend entre l’Atlantique et la montagne. Alors que le Haut Atlas, qui atteint au sommet du Toubkal 4 165 mètres d’altitude, représente la colonne vertébrale de l’Ouest du Maroc, la chaîne du Rif longe la Méditerranée…

            La présence de l’homme en territoire marocain remonte à l’époque préhistorique, ainsi qu’en témoigne la découverte de restes de squelettes humains fossilisés près de Rabat et Casablanca datant de l’ère paléolithique inférieure. Après l’arrivée des berbères, le Maroc connut sur son territoire le passage des romains, des vandales et des byzantins. Mais son histoire commence avec la conquête arabe et l’implantation de l’Islam à la fin du 8ième siècle, conquête réalisée par le Chérif Moulay Idriss, arrière petit fils d’Ali, gendre de Mahomet. Le Maroc moderne commence avec Mohamed V qui obtint l’indépendance en dénonçant les protectorats imposés par la France et par l’Espagne et que consolida fermement son fils, l’actuel monarque Hassan II, en réintégrant à son royaume, en 1975, le grand territoire du Sahara…

            Blanc, bleu, vert, végétation et paysages éclatants, cotonnades plus vives encore, le Maroc a oublié d’être terne ! De Casablanca à Fès, en passant par le magnifique pays de crêtes montagneuses qu’est le Rif, ses couleurs sont inoubliables. Mer, montagnes arides, vallons et plaines cultivées, jardins et palais, tout ici évoque l’attachement de l’homme à sa terre et témoigne de ce fabuleux sens de l’esthétique marocain, qui triomphe aussi bien à Marrakech ou à Mekhnès que dans les petits villages du Rif ou du Moyen Atlas…
 


            En route pour le soleil, en route pour l’Orient ! Un soleil parfait, qui ne brûle pas, et un Orient forcément magique, vif et voluptueux, dès lors que l’on pose le pied dans ce pays. Surgi du désert comme un miracle avec ses palmeraies classées en espèces protégées, il fut bâtie comme un trésor dès le 11ième siècle par les Almoravides, princes du désert. Plus près de nous, Colette, Piaf, Montand, Yves Saint Laurent…l’ont adoré…

            Pas de temps à perdre ! vite une valise avec quelques tee-shirts et shorts, une paire de babouches achetée au marché aux puces, des lunettes de soleil et une casquette, sans oublier la nécessaire carte bancaire, avec une puce, s’il vous plait ! Et nous voilà partis à l’aéroport de Marseille Provence. Trois heures plus tard, sous un soleil de plomb, notre guide nous accueille à Casablanca. L’aventure pour les villes impériales commence…

            Casablanca, une ville industrielle et commerciale. Elle est l’une des villes les plus peuplées et des plus importantes du Royaume. On la surnomme « Casa », en arabe Dar el Beida (Maison Blanche). Elle couvre une grande superficie et son port splendide est situé entre les promontoires d’Oukacha et d’El Hank, qui lui font un abri sûr. Elle possède les installations portuaires les plus importantes du continent africain. L’aspect de la ville est dominé par la présence de grands immeubles modernes dont le profil contraste fortement avec la présence des constructions typiques de style arabe. Le centre est couronné par le magnifique Parc de la Ligue Arabe et ses grandes avenues peuvent concurrencer celles de Paris ou de New York…

            C’est un véritable plaisir que de parcourir les rues de la ville et de se promener dans les vieux quartiers musulmans, folkloriques à l’excès. La place Mohamed V, l’avenue Hassan II envahie de boutiques et de magasins, l’ancienne médina, labyrinthe pittoresque de ruelles et pour finir les plages de Pont Blondin, Sehb Edhed, Temara, Miramar, Tamaris ou d’Azemmout entourée d’eucalyptus…
     


            Ce matin nous partons pour la capitale du Royaume et siège du gouvernement. Rabat est située à l’embouchure du fleuve Bou Regreg. La ville possède deux zones parfaitement différentes, la médina, pleine de vitalité et la ville neuve qui se caractérise par son urbanisme moderne…

            C’est une ville où les arbres et les fleurs sont en abondance. Ses jardins sont délicats et adoucissent suggestivement la structure urbaine. C’est un véritable plaisir de se promener dans le jardin du Belvédère, celui des Oudayas, celui du Triangle ou de L’expérimental…
     
            Dans l’harmonieux tracé urbain, on remarque l’Avenue de Mohamed V, l’artère la plus dynamique, le Boulevard de Hussein I, la rue de Souk Essebt, la Place de Souk el Ghezel et la rue de Djemaa, la voie principale de la Casbah des Oudayas. C’est une accumulation de surprises visuelles…
     
            La tour Hassan, minaret d’une mosquée de style romano-byzantin considéré comme l’un des plus grands temples de l’Islam, dont la sveltesse rappelle le profil architectural de la Koutoubia de Marrakech et celui de la Giralda de Séville, à l’entrée du mausolée de Mohamed V, se dresse comme les chevaux de la garde royale…
     


            Nous visitons aussi les autres monuments importants, aussi bien historiquement qu’artistiquement, tel le Chellah, les murailles, la porte de la Casbah des Oudayas, celle de Bâb Errouah, la fontaine Mérinide du 14ième siècle, la Grande Mosquée et la Petite Mosquée de Guazzrin. Côté histoire, on peut noter que sous Yacoub el-Mansour (« le Victorieux »), Rabat connu un moment de gloire. Après plusieurs campagnes militaires victorieuses en Espagne, Ribat el-Fatah (la forteresse victorieuse), devint une grande capitale. El-Mansour fit élever plusieurs kilomètres de murailles et percer la portes des Oudaias pour pénétrer dans la casbah. Il entreprit alors l'édification de la plus grande mosquée de tout l'ouest musulman si ce n'est de tout l'Islam. Sa mort en 1199, mis un terme à ce grandiose projet. La Grande Mosquée, dominant le pont sur l'oued Bou Regreg, ne fut jamais achevée. Il reste aujourd'hui l'impressionnant minaret et des colonnes
     
            Et enfin pour finir la journée, la visite du Palais Royal. Il fut construit pendant la seconde moitié du 19ième siècle sur le terrain qu’occupait un ancien palais du 18ième siècle. Sa majestueuse façade en pierre jaune frappe l’attention. Ses  salles, grandes et somptueuses ont été restaurées et enrichies durant ces dernières années. Sa Majesté étant occupée à faire emprisonner plusieurs opposants au régime, n’a donc pas pu nous recevoir pour le thé. Et c’est avec regrets que nous retournons à notre hôtel…
         


            Après le petit déjeuner nous partons pour Fès, la plus ancienne des quatre villes impériales. Elle fut pendant des siècles le centre culturel et religieux de l’Occident musulman. Sa situation magnifique au centre de la plaine du Saïs, sur les deux rives de l’Oued Fès, et la longue histoire de son développement, intimement liée à celle du pays, en font un des points culminants de ce séjour…

            En l’admirant de la hauteur des tombeaux Mérinides, qui la domine au nord, on est saisi par cette impressionnante agglomération serrée dans son cadre de verdure et le vallonnement des montagnes qui l’entourent à distance. Les minarets de ses nombreux sanctuaires s’élèvent au-dessus du foisonnement de ses maisons grises, où les toits verts de la Zaouïa Moulay-Idriss et de la Karaouiyne marquent le cœur de son rayonnement…
     


            Mais il faut encore parcourir inlassablement ses ruelles en pente, visiter les chefs d’œuvres de son architecture et se mêler au grouillement de la foule dans ses souks en pleine activité pour en connaître ses multiples aspects. Nos regards embrassent les toits bruns et mauves, émeraude et or, et l’harmonie calme des formes. Le contraste n’en est que plus prodigieux quand, talonnés par les ânes, interpellés par les « balek ! (attention !) des triporteurs, les yeux éblouis de couleurs, nous pénétrons dans la vieille ville, la plus belle et la plus ancienne des médinas et l’une des mieux conservée…
         
            Un choc ! Nous ne suivons aucun plan, nous allons à notre guise du souk des bijoutiers à celui des potiers, des tailleurs aux teinturiers. Nous regardons les portes incrustées de nacre et de cuivre, les tuiles émeraudes de la superbe mosquée El Qaraouiyyin où, comme dans toutes les mosquées marocaines, on n’entre pas…

            En descendant vers l’Oued Fès, on atteint le quartier des teinturiers situé entre les ponts Gzam-ben-Zeklam et Sidi-el-Awad, moins pittoresque que celui de Marrakech. En aval, au-delà de la place Seffarine, les tanneurs ont installé leurs cuves sur les terrasses des maisons proches du pont Bin-el-Moudoun (entre les deux villes). Si l’odeur n’y est guère agréable, le spectacle est extraordinaire et coloré…
     


            La ville de Fès-Jdid, malgré son nom de « ville neuve », date du 13ième siècle. Elle est moins étendue et moins typique que sa voisine. Bab-Dekkaken donne accès au Petit Méchouar qui conduit au Palais Royal (Dar-el-Makhzen). A côté de cette grande porte, entre Bab-Sbaa et Bab-Segma, s’étend le Grand Méchouar avec à gauche la Makina, ancienne manufacture d’armes qui abrite une fabrique de tapis…
     
            Après cette « partie de Fès », il est temps de se consacrer aux plaisirs de la table. La ville possède plusieurs restaurants installés dans le cadre authentique d’anciens palais où l’on y sert la meilleure cuisine du Maroc. C’est incontestablement ici que l’on déguste, de préférence à toute autre ville, le meilleur couscous, surtout si l’on a eu la précaution de le commander à l’avance…
     


            Ce matin nous partons pour Moulay-Idriss, la ville sainte. Cette citée renferme le tombeau du fondateur de la première dynastie marocaine, celle des Idrissides (7ième siècle), situé dans la dépression qui sépare les deux quartiers, Tasga et Khiber, ce dernier le plus haut placé et d’où l’on a, d’une petite terrasse proche de la mosquée de Sidi-Abdallah une vue remarquable sur les maisons en cascade. Des ruelles en gradins permettent de descendre devant la barricade du horm (entrée interdite aux non musulmans et interdiction de prendre des photos dans la ville)…

            L’après-midi est consacrée à la visite du site de Volubilis sur la route de Mekhnès. Cette cité romaine a de tout temps été liée à sa voisine musulmane du nom de Oulili, la résidence du roi berbère Juba II. C’est une cité édifiée par les romains dès l’an 40 pour contrôler la région nord africaine qui fut ensuite peuplée par des Grecs, Berbères, Juifs et marchands carthaginois. C’est au 2ième et 3ième siècles que cet avant poste commença réellement son développement, grâce à la culture des céréales. Sous un soleil brûlant nous déambulons dans les rues pavées à la découverte de la maison d’Orphée, les termes de Gallien, le Municipe, le Forum, et le Capitole. L’Arc de triomphe de Caracalla (217 ap. J.-C.) se situe à l’extrémité d’une allée dallée, et le Decumanus maximus bordé d’arcades, en direction de la porte de Tanger…
     


            La soirée se termine sous une immense tente dressée dans le désert tout proche. Des danseuses du ventre nous invitent à nous trémousser, avec elles, sur la piste centrale, en échange de quelques billets de 1$. Des charmeurs de serpents à sonnette font leur numéro pendant que nous dégustons un tajine au poulet « bicyclette ». Nos hôtes berbères, qui nous accueillent, nous offrent une fantasia : un spectacle de cavaliers armés sur des magnifiques chevaux arabes. Ils foncent sur nous et au dernier moment tire en l’air avec leurs mousquets droits. C’est un bruit assourdissant, la poussière envahit la tente, ça sent la poudre, les youyous des femmes couvrent nos cris, et les cavaliers ravis de leurs effets s’apprêtent à recommencer…

            Aujourd’hui c’est le tour de Mekhnès, une autre cité impériale, dans laquelle nous pénétrons par Bâb El-Mansour. Sans doute la plus belle porte d’Afrique du Nord, constellée d’étoiles de faïence. Dans cette ville façonnée par Moulay Ismail, contemporain de Louis XIV (dont il demanda la fille en mariage), tout est vaste : palais en ruines, écuries, bassins, mausolées, sans oublier le contemporain golf royal au cœur de la ville…
     
            On entre dans la médina près d’une fontaine ornée de mosaïques. Sous une voûte à droite se trouve Dar Jamaï (19ième) ancien palais de vizir. On prend à gauche la rue Sekkakin bordée par les échoppes de ferblantiers, jusqu’à Bâb Berrima. Puis un passage étroit qui conduit vers Dar-Kebira, un ancien palais de Moulay Ismail. On contourne les murs du palais qui ouvre sur un jardin andalou, pour arriver à Der-El-Beïda, ancienne résidence impériale du 18ième siècle aménagée en Académie militaire. De l’autre côté de la route se trouve le quartier de Jbabra ; avec la Roua, anciennes écuries de Moulay Ismail qui aurait abrité 12 000 chevaux. Une salle sous coupole était peut-être destinée à la sellerie…
     


            Ce matin nous partons de bonne heure pour rejoindre Marrakech la dernière ville impériale aux portes du Sud. Notre minicar se faufile allègrement entre les vélos, les attelages d’ânes, les Mobylettes et les calèches empanachées. Au bord de la route, des orangeraies, l’élégante silhouette des palmiers dattiers, la pourpre des bougainvillées. Blottie entre ses remparts, voilà Marrakech avec ses toits en terrasses dominés par le fier minaret de la Koutoubia…
     
            Les matins de Marrakech vibrent au son du muezzin de l’immense Koutoubia, la mosquée de la grande ville rouge du sud qui domine, du haut et de la splendeur de son minaret, les hautes montagnes de l’Atlas qui font un large écrin à la ville…

            Il faut lâcher les amarres, se laisser griser par la magie des lieux, et inch’Allah ! En djellabas chatoyantes et châles satinés, la foule déambule. Nous la suivons sans crainte dans les venelles sinueuses de la médina. Derrière les hauts murs se cachent palais et jardins, rafraîchis par de mélodieuses fontaines, qui se transforment parfois en de paisibles bistrots où l’on déguste, sur des tapis, pâtisseries au miel, thé et orange pressées…
 


            « Regarde, regarde ! » s’émerveillent les visiteurs avec des yeux d’enfants ravis sur la place Jemma el-Fna. Ici, là et là encore ! Un montreur de singes savants. Une acrobatique pyramide humaine. Un jongleur. Une troupe de danseurs. Un charmeur de serpents. Un porteur d’eau…Le spectacle est gratuit et le cirque permanent sur cette grande piste aux étoiles envahie de troubadours et de vendeurs à la sauvette. Autour, les restaurants improvisés avec des braseros et quelques tables accueillent les spectateurs. La place s’anime ainsi chaque jour, quand le soleil se lève et fait battre le cœur de la médina…
         


            Autour des souks, les riads, hautes demeures ocre ou argile, aux arabesques relevées de marbre, abritent de véritables palais transformés en chambres d’hôtes luxueuses. Salles fraîches en mosaïque, terrasses langoureuses aux sofas et coussins profonds, tentures aux belles couleurs intenses, patios et fontaines murmurantes invitent sans ambiguïté à la paresse et au plaisir…
     
            Douces perspectives qui se confirment autour des superbes bassins de la Ménara où des voluptueux jardins de Majorelle dont les parfums et la sensuelle luxuriance ont inspiré le célèbre décorateur nancéien, puis plus tard Yves Saint Laurent. Plus loin nous découvrons la décoration de la Mamounia d’un kitsch délirant et dégoulinant d’or, mais qui reste un lieu très attirant et hanté par le souvenir des anciennes stars d’Hollywood qui firent la renommée du plus grand palace d’Afrique du Nord…
     


            Nous retrouvons avec plaisir notre hôtel « Mansour Eddahbi***** ». La lourde porte de bois se referme lentement et, comme par magie, la rumeur insistante de la rue s’arrête. Un couloir frais, doucement éclairé, débouche sur une cour intérieure. Et là, divine surprise ! Nous voici dans un palais des Mille et Une Nuits, dont l’exotisme confortable ravit tous nos sens et efface d’un trait la fatigue de nos pérégrinations. Nous n’entendons que le bruit cristallin de la fontaine. De sa vasque où flottent des pétales de rose, l’eau glisse dans un grand bassin qui rafraîchit toute la cour et les larges feuilles de trois bananiers jouent efficacement les éventails…

            Dans notre chambre ouverte sur le patio, nous profitons assez de cette fraîcheur pour apprécier le chaleureux contact des superbes kilims qui tapissent le sol. Avec un mobilier élégant et, telle une malle aux trésors, un coffre finement ciselé qui jouxte le lit bas recouvert de tissus aux couleurs profondes, le décor est à la fois sobre et raffiné. La salle de bain nous séduit plus encore avec, à la place de la baignoire, une belle et large vasque en  creux, dans laquelle nous allons fondre… de plaisir !…

            C’est notre dernière matinée à Marrakech, nous traînons dans les superbes jardins de Majorelle. Notre guide vient nous chercher pour les formalités d’embarquement à l’aéroport, notre aventure prend fin. Comme de tout être bien aimé, on peut, en parlant du Maroc, être lyrique et possessif. Ses habitants le sont, vis-à-vis de leur patrie. Le voyageur, l’étranger qui s’attarde, garde, des jours ou des années, un éblouissement tenace, souvent une nostalgie… 

 

Andrée et Armand                  

 

 


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le 07-09-2008 07:40

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le 06-09-2008 20:55

SUR LES TRACES D'ATATURK...


La Turquie d’Asie du 15 au 29 août 1985

            A cheval sur l’Europe et l’Asie, la Turquie combine avec bonheur le faste des Mille et Une Nuits et l’efficacité d’un pays moderne. Pour nombre d’entre nous, elle constitue le rêve d’évasion par excellence. Un rêve tout à fait réalisable, car la Turquie offre d’innombrables possibilités touristiques, et son peuple connaît les règles de l’hospitalité…

            A peine arrivé, l’étranger découvre le charme des villes et des villages turcs, qui est déjà celui de l’Orient de légende, l’immensité de paysages à l’échelle de l’Asie, la somptuosité de monuments qui rappellent l’opulence des sultans. Ailleurs, on parle d’un riche passé ; en Turquie, le passé est tout simplement fabuleux. Aucun des grands événements de l’histoire qui ne se soit déroulé, au moins en partie, dans ce pays. La moindre parcelle de sol semble imprégnée de vestiges : on piétine les restes de civilisations superposées. Combien de sites, combien de villes d’art surprennent par leur ampleur ? Sans doute est-ce là ce qui fonde la fierté de ce peuple. Cette séduisante mentalité de conquistador qui sommeille dans le cœur de chaque Turc…

            Le passé remonte à 7 000 années et 65 états se sont formés sur ces territoires, jusqu’à aujourd’hui. Durant ces périodes qui ont duré de 5 000 ans avant J.-C. jusqu’en l’An 576 de notre ère, on y voit des restes des âges suivants : l’âge de pierre, le chalcolithique (cuivre), le bronze et l’âge du fer. Diverses civilisations s’y sont succédées. Dans l’Antiquité, les empires suivants s’y sont développés : Assyriens, Hellénistique, Perse, l’Empire d’Alexandre le Grand et l’Empire Romain. Au Moyen âge, s’est développé Byzance. Après le 13ième siècle, 26 seigneuries féodales anadoliotes (Beylik) se sont développés à la place de ces États disparus, pas plus grands en superficie que les provinces actuelles. C’est une de ces seigneuries, la Dynastie Ottomane (Osman Oğullan), qui, entre 1299 et 1922, remplaçant l’Empire Seldjoukide, s’étendra en Europe, Asie et Afrique pour y former l’immense Empire Ottoman. Sur ces terres, en lieu et place de cet Empire, s’édifiera la République Turque (1923) dont le fondateur et premier Président de la République fut le Maréchal Mustapha Kemal Atatürk…

            Le jour n’est pas encore levé. Nous attendons silencieusement sur le premier trottoir de la gare routière d’Aix en Provence l’arrivée de notre moyen de transport. Les valises qui trépignent d’impatience sont maintenant à nos pieds. Cette fois ci nous tentons l’aventure dans un long périple autoroutier qui nous conduira en Asie. Mohamed (Momo pour les intimes) notre chauffeur et Corinne notre accompagnatrice arrivent dans un autocar flamboyant aux couleurs de « Bonnes Vacances » notre tour opérator. Les valises s’installent avant nous et nous prenons la route, direction la frontière italienne…

            Quand nous arrivons à Vintimille, les forains déballent leurs marchandises dans un ballet incessant de cris et de mouvements d’humeur, La comédia d’el arte chauffe son répertoire pour la grande scène du marché qui va bientôt se jouer avec les premiers clients. Nous avons juste le temps de prendre notre premier cappuccino et le car reprend sa route…

            Cela fait maintenant plusieurs minutes que nous longeons un immense parapet de béton recouvert de dessins et de tags, nouveau moyen de communication de la génération spontanée et d’artistes en manque de liberté. C’est sale, c’est gris, une multitude d’immondices jonche le sol, bienvenue à Gènes. Nous traversons les quartiers populaires et enfin rendus sur le port, nous dégustons un plat de spaghetti bolognaise à se faire péter la moustache dans une taverne de pêcheurs ou règne une cohue indescriptible…

            Nous passons la nuit à Parme, connue pour ses jambons et sa chartreuse qui nous ravit aussi par la beauté de ses marbres blancs et roses qui habillent son baptistère et sa cathédrale. Dans la soirée nous cherchons en vain une épicerie ouverte pour goûter au fameux jambon. Dépités, nous rentrons à l’hôtel pour avaler un banal repas : La traditionnelle cuisine internationale, un comble au pays des pâtes fraîches…
         
            Le voyage est long, nous passons donc par Padoue pour demander la protection de St Antoine. La ville s’anime autour de la piazza Cavour et nous profitons de la halte pour prendre une collation au café Pedrocchi, de style néoclassique. A l’époque romantique, ce café était fréquenté par l’élite libérale et notamment par Alfred de Musset…
 


            Nous déjeunons à Trieste, une ville moderne qui s’allonge au fond d’un golfe au pied du plateau de Karst qui forme une côte escarpée aux magnifiques falaises blanches. Puis nous reprenons la route jusqu’à la frontière yougoslave pour atteindre Zagreb notre étape de nuit…

            Zagreb, la capitale de la Croatie, que nous avons visité l’été passé, est toujours aussi germanique. Nous profitons de la longueur du jour pour effectuer une petite visite à la cathédrale, cette fois-ci sans guide car nous connaissons le chemin. Nous retrouvons même la demeure de notre guide local Milka, qui agréablement surprise de nous revoir, nous offre un thé à la menthe…
         
            La Croatie et la Serbie sont traversées. Nous faisons un halte déjeuner à Belgrade, capitale de la Yougoslavie. Pas le temps de traîner car il faut reprendre la route pour la frontière bulgare et atteindre Sofia avant la nuit…
 


            La capitale bulgare nous accueille dans un restaurant au décor traditionnel. L’ambiance est chaleureuse. Nos hôtes nous servent un repas slave arrosé de vodka, et une jeune troupe  nous présente un spectacle de danses évoquant le folklore de la Bulgarie. Très tard dans la nuit un trio de musiciens, se déplaçant de table en table, viennent faire pleurer les violons. Les verres de vodka se vident, les cordes des instruments transpercent nos âmes, le romantisme reprend naissance, c’est une soirée exceptionnelle…
     
            La nuit a été courte, mais nous nous levons heureux, comme si le violon avait apaisé notre fatigue. Nous avons le temps de rendre visite au Danube, aux vieux remparts de la ville et à la cathédrale orthodoxe avant de reprendre la route pour la frontière turque que nous franchissons à Edirne…
     
            Quand on aborde la Turquie en venant de Bulgarie, Edirne apparaît comme une juxtaposition de groupes de maisons, séparés les uns des autres par des vergers et des rideaux de cyprès ou de peupliers, au-dessus desquels pointent çà et là des minarets. Comme de l’autre côté de la frontière, on y trouve les mêmes auberges sans étage, avec leur tonnelle où il fait bon siroter le raki, déguster les mêmes pastèques ou le même riz au mouton. Pourtant on perçoit à Edirne une différence subtile. La nonchalance des habitants n’est pas la même, le silence est d’une autre qualité, plus solennel, presque tragique. Ici, la vie semble flotter dans son cadre urbain comme un corps amaigri flotte dans un vêtement trop grand…

            En fait, ce qui frappe, au seuil de cette étendue, c’est la brusque révélation de la steppe. En quelques kilomètres, on change de continent. La plaine de Roumélie provoque le premier face à face avec l’Asie. Ce territoire de steppe s’ouvre en forme d’éventail et Istanbul en occupe la pointe…
         
            L’ancienne capitale, autrefois appelée Byzance puis Constantinople, nous offre les fastes d’un conte des « Mille et Une Nuits ». Au Grand Hôtel Tarabya***** notre lieu de résidence pour quatre jours, nous goûtons au plaisir du keyif (l’art de se relaxer). Nous squattons, en fin de soirée, le fond du bistrot pour fumer un bon narguilé et boire un verre de raki…

            Paisibles, nos regards se portent sur la baie du Bosphore, quand soudain une agitation secoue l’hôtel. Tous les serveurs se précipitent sur le perron, un prince saoudien est annoncé. Et nous voyons entrer le prince en habit traditionnel bédouin accompagné de sa suite. Quelques instants plus tard une vingtaine de ses femmes voilées et tout de noir vêtues se présentent. Leur entrée est orchestrée comme un ballet burlesque. Des serviteurs du prince entourent le cortège et jettent en l’air sur leur passage des billets de 10 $ pour les serveurs courbés qui se précipitent pour les ramasser…
 


            Quant à nous, pauvres globe-trotters, nous ne faisons plus le poids. Plus personne ne s’intéresse à nous. Nos verres sont vides. Il est impossible de se faire resservir. Le narguilé est éteint car l’employé chargé d’entretenir le foyer ne revient plus. Frustrés, nous nous dirigeons vers la salle à manger dans l’espoir de ne pas dîner en même temps que ce prince…

            A six heures Istanbul s’éveille en sursaut. Du haut des mosquées s’élève soudain l’appel à la prière, qui se mêle aux sirènes des vapeurs, ces bateaux bus qui sillonnent le Bosphore. Auprès des embarcadères et dans les vieux quartiers, le commerce prospère. C’est en artistes que les marchands de quatre saisons empilent fruits et légumes. Les passants achètent une poignée de pistaches ou quelques prunes vertes qu’ils mangeront salées. Porteurs d’eau, écrivains publics, cireurs de chaussures se disputent le pavé avec les taxis jaunes et les marchands ambulants. Cette Istanbul populaire est le royaume du système « D », mais aussi celui de la gentillesse, car les Turcs sont de grands sentimentaux…
 


            Autre temple du commerce, le Bazar égyptien magnifié par le parfum des épices et l’éclat de l’or. Mais pour faire des affaires, mieux vaut se perdre dans les ruelles alentour qui abritent les fameux Hans, d’anciens caravansérails transformés en échoppes grouillant d’activité. On y trouve à bas prix une profusion de vêtements en cuir et de beaux cachemires. Ambiance orientale garantie, tout comme dans le Grand Bazar, où se pressent chaque jour 500 000 visiteurs qui marchandent kilims, soieries et bijoux. Une véritable caverne d’Ali Baba, qui nous retiendra pendant des heures et nous fera craquer pour des robes de Shéhérazade, babouches de cuir et colliers d’or que nous n’oserons jamais porter ! Nous faisons une halte à la brasserie Havuzlu Lokanta pour déguster les délicieuses pâtisseries turques qui portent des noms troublants : « lèvres amoureuses, nombril de dame » ou encore « l’extase de l’Imam »…

            Les jours suivants, nos pas nous mènent vers les faïences de la mosquée Bleue. A l’origine c’est la mosquée du Sultan Ahmet 1er, l’un des monuments les plus connus du monde turc et islamique. Un modèle le l’art classique turc. Cette mosquée royale fut la seule à comporter six minarets. On découvre de la porte qui donne accès à la cour intérieure, la fontaine des ablutions symboliques où une infidèle vient se rafraîchir…
     


            Nous ne manquons pas non plus de nous imprégner de l’ambiance de celle de Soliman le Magnifique. C’est le plus important et le plus grand édifice de la ville. La beauté de son architecture, les proportions idéales et attirantes du style ottoman nous fascinent. La nef centrale avec ses quatre minarets est surmontée d’une grande coupole. L’entrée principale donne accès à un parvis intérieur entouré de balustrades et au milieu une fontaine des ablutions. L’unité, la clarté, la décoration mesurée de l’architecture intérieure renforcent l’aspect majestueux de cet édifice. Au pied du mihrab un nouvel Imam officie…
         
            Considérée comme la 8ième merveille du monde, Sainte Sophie est identifiée comme le plus beau monument de l’architecture mondiale et de l’histoire de l’art. c’est une des rares œuvres qui a pu résister au temps et a pu survivre durant des siècles jusqu’à nos jours. Après avoir été pendant 916 ans la Première Eglise, et pendant 477 ans une mosquée, elle devient finalement par ordre d’Atatürk un musée. Ses architectes étaient Anthemius de Tralles et Isidore de Milet…
         
            Reste le Topkapi, le richissime palais des sultans. Après s’être extasié devant les fabuleuses collections de vaisselle, de bijoux, d’émeraudes et de diamants, on s’attarde à plaisir dans les frais corridors de son harem et dans les jardins d’où l’on aperçoit la mer de Marmara…
     
            On pénètre dans la première cour du palais par la porte impériale. La fontaine, à l’entrée de cette cour, est la plus belle œuvre de l’art turc du 18ième siècle. Jadis dans cette cour se trouvait l’Hôtel de la monnaie, les boulangeries du palais, les réserves de bois, le régiment des gardes, dans la terrasse inférieure des jardins potagers privés. Le premier monument du palais le Çinili Köşk se trouve aussi dans cette première cour. En entrant à gauche, dans la cour s’élève l’Eglise Sainte Irène, œuvre du 6ième siècle…
     
            Le harem de Topkapi se compose de longs corridors et de 400 chambres dispersées autour de cours étroites et sombres. Cette partie du palais fut sans cesse aménagée et agrandie, elle fut dénommée le « Harem » car la Reine mère, les frères et sœurs, les autres membres de la famille royale, les serviteurs fidèles et les eunuques de la famille royale l’occupaient. Ce harem était rigoureusement interdit au monde extérieur…
     
            De Topkapi on rejoint Eyüp en bateau. On longe les rives de la Corne d’Or, ce bras de mer jadis si beau où survivent quelques unes des célèbres maisons en bois qui font le charme d’Istanbul. C’est un quartier pittoresque qui a grandi autour d’un des lieux saints de l’islam…
 


            Un sentier ombragé de cyprès et d’eucalyptus gravit la colline sacrée. Au sommet, un café solitaire, à qui Pierre Loti, romancier français, a donné son nom. Un vrai beau café, aux murs de boiseries rouges, avec salon de lecture, brasero pour l’hiver et tonnelles fleuries. Sur la terrasse panoramique nous sirotons un café turc. Istanbul est à nos pieds, s’étirant à l’infini avec ses mille coupoles et minarets qui semblent flotter dans l’air du soir. Un enchantement…

            Par une belle soirée d’été, c’est au bord de l’eau que nous glanons encore de beaux souvenirs. Dans le quartier des pêcheurs de Kumkapi, on se régale de mezzés, de poissons grillés et de kebab d'agneau avec un ayran (une boisson au yaourt). Et là encore, on se dit qu’Istanbul sera toujours Byzance !…
     
            Les Stanbouliotes fréquentent toujours les « gazinos », ces cabarets kitch, où nostalgie rime avec raki, la boisson nationale. Pour notre dernière soirée nous rejoignons cette effervescence tonique au Taslik Maksim, cabaret oriental du centre ville. Des chanteuses peroxydées y poussent la romance, les danseuses du ventre ondulent sous une pluie de fleurs lancées par un public extatique. Quelques uns d’entre nous sont invités à se déhancher avec ces superbes créatures sur scène. Le raki coule à flot. Toute la nuit, danses sensuelles et languissantes nous accaparent et nous finissons dans le petit matin frais comme des loukoums…
 


            La brume n’est pas levée sur le Bosphore quand nous quittons Istanbul par le pont de l’Europe. Un gigantesque ouvrage qui relie le continent européen à l’Asie. Les cheveux ont du mal à rentrer dans la casquette, pourtant indispensable. « Momo », notre chauffeur, conduit en silence et en souplesse pour ne pas faire déborder le raki de nos estomacs. La route traverse une multitude de petits villages fermiers flanqués dans une végétation dense et verdoyante jusqu’à Bursa, notre étape de nuit…

            L’antique Brusa qui mérite son surnom de Bursa la Verte est bâtie au pied de l’Ulu Dağ, l’un des monts Olympe des anciens. Ville d’art par excellence, elle évoque la douceur de vivre des premiers siècles ottomans et les raffinements infinis le l’islam. Fondée vers le 3ième siècle avant notre ère par Prusias 1er, roi de Bithynie, importante forteresse byzantine et station thermale des empereurs, Bursa est conquise par le sultan ottoman Osman Gazi après un siège de onze ans (1315-1326)…

            Nous grimpons jusqu’à l’ancienne citadelle pour goûter la poésie de son esplanade. Là, confortablement attablé à la terrasse d’un des nombreux petits cafés, on découvre un vaste et verdoyant panorama, tout en admirant les türbe (mausolées) de sultans édifiés dans les jardins. En redescendant, on passe par la Muradiye Camii (mosquée de Murat II), aux admirables décors de faïence émaillée bleu turquoise, puis on contourne l’édifice pour aller flâner à l’ombre de ses coupoles, dans le cimetière de la Muradiye où rosiers, magnolias, cyprès et platanes environnent de nombreux et admirables türbe. Paradoxalement , ce cimetière est l’un des sites les plus riants de la ville !…
     
            Ce matin nous partons pour une longue route étape, de plus de 500 kilomètres, pour nous rendre à l’ouest de la Turquie d’Asie, la région historique Seldjouk. L’Anatolie baignée par la mer Egée et la Méditerranée donne à ce rivage un aspect très accidenté. Ce ne sont que golfes, caps, promontoires, îles, tous les reliefs d’un littoral découpé, voire tourmenté, et d’une grande beauté. Une végétation souvent luxuriante ajoute son charme à cette côte riche en plages et en sites pittoresques. La côte occidentale de la Turquie d’Asie est une sorte de Riviera, en plus grand…

            A partir de cette étape, sur plusieurs jours, nous remontons le littoral sur les traces d’Homère et d’Hérodote. D’innombrables vestiges d’un passé multimillénaire jalonne le parcours. Au fil des siècles, des camps préhistoriques, la ville de Troie, une vingtaine de cités grecques, dont quelques unes des plus fameuses : Ephèse, Izmir et Pergame, des ports romains, des établissements byzantins ou turcs sedjoukides ont entassé, le long de ces rivages, une profusion de monuments, dont les restes jaillissent du sol entre les fleurs et les herbes desséchées par le soleil : un paradis pour l’archéologue…

            Ephèse a été bâtie en Anatolie de l’Ouest, la plus belle partie de l’Anatolie d’ailleurs. Nous pouvons le sentir avant de pénétrer dans la ville, à peine arrivés à ses portes. Il est difficile d’imaginer la beauté de cette cité à l’époque romaine où elle était la capitale de 500 villes anatoliennes, époque où Homère écrivait son Œuvre immortelle, époque où Saint Jean découvrait le silence et la paix. Epoque lointaine où l’on remarquait de loin, la mer, les marches du merveilleux théâtre et où les brillantes et colossales colonnes d’Artémis vous éblouissaient. Les ruines d’Ephèse sont belles. Malgré leur ancienneté, malgré le vent des siècles qui a soufflé, malgré les destructions, ses vestiges demeurent dans toute leur majesté et leur ampleur sur plusieurs emplacements de l’ancienne ville.  Cependant, l’Éphèse chrétienne est moins bien connue, et pourtant elle apparaît d’une grande importance si l’on considère qu’elle accueillit ceux que l’on peut nommer les Témoins du Coup de Lance, à savoir la Vierge Marie, Jean, le disciple que Jésus aimait, et Ste Marie Madeleine…
 


            La fontaine de Trajan située à gauche au pied de la montagne Panayir en montant après le temple d’Hadrien a été construite à la fin du 1er siècle et dédiée à l’Empereur Trajan. Sa hauteur est de 12 mètres. Elle est à deux étages. On a découvert là 12 statues de Vénus, Satyre, Poséidon ainsi que les grands noms des familles impériales. Dans l’avenue Curetiale, qui mène à la bibliothèque Celsius, la statue sans tête de droite est celle d’une doctoresse qui rendit de grands services à l’époque byzantine…
         
            A cette époque les apôtres de Jésus, Saint Paul et Saint Jean vécurent dans ces lieux en tant que précurseurs de la religion chrétienne. Durant cinq à six ans Saint Jean demeura à Ephèse en travaillant dans son magasin. Il vécut les dernières années de sa vie à Ephèse où il écrivit l’Evangile et mourut. Sa tombe est sur la colline Ayasuluk. L’église qui fut érigée sur sa tombe par l’Empereur Justinien est l’un des gigantesques monuments du Moyen Age. Au premier plan se trouve l’église Saint Jean et derrière la forteresse construite au Moyen Age. Cette forteresse a été employée aussi à partir du 14ième siècle par les Seldjoukides qui se sont installés là…
     
            Bergame était dans l’antiquité une métropole célèbre dans le monde entier du point de vue artistique et culturel. Elle s’étend au pied des pentes de l’Acropole. Elle est arrivée jusqu’aux turcs sans rien perdre de ses richesses. On y admire les plus beaux chefs d’œuvres de l’art hellénistique : temples, palais, agoras, gymnases, Temple de Jupiter (Zeus). C’est là que vécut le célèbre médecin Galien. C’est là que se trouve le fameux Temple d’Esculape, Dieu de la Médecine, prisé dans le monde entier. La fameuse bibliothèque de Bergame devint incomparable une fois qu’eut brûlé la prestigieuse Bibliothèque d’Alexandrie. C’est là que fut inventé le fameux papier dit de Bergamone. Une des sept églises fondées en Anatolie par Saint Jean s’y trouvait…
         


            La ville de Troie (Truva) fut fondée en 3 000 ans avant notre ère. C’est d’elle que vint l’inspiration d’Homère pour une partie de son Iliade qui rapporte la légende du cheval de bois introduit frauduleusement par les soldats grecs qui s’y trouvaient cachés et qui, prestement descendus, ouvrirent les portes de la ville aux Grecs sans coup férir, après un siège interminable qui dura de longues années. On y visite les vestiges prestigieux de ses remparts en terre séchée, son Palais royal, le Temple à Athénée, l’agora, l’odéon, l’amphithéâtre. Au retour on assiste à la descente du dernier grec oublié dans le cheval en 1 200 av J.-C…
         


            Nous passons notre dernière nuit orientale à Canakkale sur les bords de la mer Egée. Cette ville se développa dès 1452 sous la protection des remparts entourant le Détroit des Dardanelles connu pour les combats qui s’y déroulèrent sur terre comme sur mer en 1915. Ce matin nous franchissons en bateau le détroit et nous reprenons notre route, direction la frontière grecque pour rejoindre Salonique notre prochaine étape…
     
            Thessaloniki, a été fondée en 315 av. J.-C. par le diadoque (général) macédonien Cassandre qui lui donna le nom de sa femme Thessalonica, sœur d’Alexandre le Grand. Aujourd’hui c’est la seconde ville et le second port de Grèce, capitale de la Macédoine. Encadrée par des usines à l’Ouest, par un quartier haut de caractère oriental au Nord et par un secteur résidentiel à l’Est, Salonique a pour centre la place Aristotelous, ouverte sur la mer. Son site face au golfe, ses artères bordées d’arbres et de magasins cossus, ses églises byzantines ne manquent pas de charme…    

            Les remparts entourent principalement la ville haute et l’acropole où des ruelles en lacis et des maisonnettes à terrasses évoquent les casbahs orientales    . Nous partons du cimetière de la rue Zografou, puis nous longeons d’abord l’enceinte par l’extérieur en direction du Nord ; à un angle une portion d’appareil en pierres massives marque l’époque hellénistique. Plus haut apparaît la grosse tour de la Chaîne (15ième siècle), mais avant d’y arriver on pénètre à l’intérieur de l’enceinte pour gagner l’entrée de l’acropole. De ce côté les remparts, restaurés récemment, offrent une belle perspective que jalonnent les tours Paléologue et d’Andronic II (14ième siècle). Ce soir au restaurant nous goûtons notre première Moussaka…
     


            Dans le petit matin nous reprenons la route pour traverser la vallée du Pénée et atteindre Kalambaka. Au dessus se découpe une forêt de rochers aux formes fantastiques, masses sombres de ton « gris éléphant ». Ces monstres rocheux aux parois vertigineuses, portent à leur sommet les célèbres monastères cénobitiques, les Météores (de     « météora » : suspendus dans les airs). Au 11ième siècle, des moines ermites commencent à occuper les grottes des Météores. Au 14ième siècle, pour se protéger des invasions, les moines débutent la construction de ces monastères incroyables…
     
            Les 15ième et 16ième siècles constituèrent la grande période des monastères dont le nombre atteignit 24 et qui furent décorés de fresques ou d’icônes par de grands artistes, tels le moine Théophane le Crétois, qui peignit aussi le mont Athos, et ses disciples. Aujourd’hui trois monastères seulement sont occupés par des moines ou des moniales, le Grand Météore, Varlaam, Agios Stefanos que nous visitons…
         
            Naguère les monastères étaient inaccessibles autrement que par des échelles amovibles ou des nacelles suspendues à des cordes et tractées par un treuil jusqu’à une tour en surplomb dite « tour du vrizoni » : d’après les voyageurs d’antan, les cordes n’étaient remplacées qu’après rupture ! Aujourd'hui, des escaliers et des passerelles ont été aménagés pour que nous, pauvres touristes, puissions accéder à certains d'entre eux…


            Après une bonne nuit réparatrice à Kalambaka, car les innombrables escaliers des monastères et la moussaka du soir ça épuise un globe-trotter, nous reprenons la route dans la matinée pour rejoindre le port de Patras dans le Péloponnèse…

            Troisième ville de Grèce, patrie du poète Jean Moréas, Patras a été rebâtie sur plan géométrique après que les Turcs l’eussent incendiée en 1821. Principal port de la côte ionienne, au cœur d’une fertile plaine fruitière et vinicole, c’est aussi une ville universitaire. Ses rues à arcades, ses places ombragées, son môle portuaire, très fréquenté le soir, ne sont pas désagréables à parcourir. A la tombée de la nuit, car et passagers, embarquent sur un ferry qui traverse pendant deux jours la mer Adriatique pour nous débarquer de l’autre côté à Rimini en Italie…
     


            Pas de chance ! « la croisière ne s’amuse pas ». En effet, la mer Adriatique réputée pour son calme traditionnel, se paye une exception pendant notre traversée : tempête force huit. Bonjour les dégâts, même les marins du bord sont malades. Le navire est désert, tout le monde est dans sa couchette la cuvette à portée de main. Nous ne serons pas plus d’une dizaine à braver la grande salle à manger pour tenir compagnie au capitaine qui nous invite bien entendu à sa table. A l’arrivée à Rimini, les passagers jaunes comme des citrons ont du mal à marcher…
          
        Heureusement que le car n’a pas eu le mal de mer. Ce n’est pas le cas de Momo le chauffeur qui ressemble à un asiatique un soir de Saké. Il a du mal à rassembler ses esprits pour faire monter les voyageurs qui eux aussi ressemblent à de vieux papiers froissés. C’est dans un silence de carmélite que nous reprenons la route. Nous avons rendez-vous à Ravenne pour voir surgir de la pénombre une église et une mini-chapelle modestement éclairées, dont la simplicité extérieure ne laisse pas prévoir la somptuosité des mosaïques turquoises et violettes qui en décorent l’intérieur. C’est le choc. Rares et précieuses comme un trésor d’Orient, et sans aucun doute les plus belles d’Italie, elles sont éblouissantes…
 
            La nuit a été réparatrice. Au petit déjeuner les commentaires sur la tempête en font rire beaucoup. Chacun taquine son voisin ou sa voisine sur les péripéties de la traversée. Nous quittons enfin Ravenne sous un soleil radieux pour quelques kilomètres seulement. Un arrêt est prévu pour visiter la basilique de Saint Apollinaire in Classe…

            Une autre splendeur de l’architecture italienne. La vue de cette basilique est suggestive car elle se dresse, isolée et majestueuse, sur l’immense plaine verte qui contraste avec le rouge des briques avec lesquelles elle a été construite. Sur la façade, dont la partie haute s’ouvre encore sur une fenêtre à deux meneaux d’origine, s’appuie un narthex reconstruit tel qu’on le voit au début de notre siècle et flanqué à gauche d’une construction en forme de tour (très remaniée) ; de l’autre construction, à droite, il ne reste que les fondations, tout comme sont invisibles les restes du grand portique à quatre arcades qui s’étendait jusqu’à la rue actuelle…
     
            Nous atteignons Parme en fin de soirée et immédiatement nous partons dans les ruelles de la vieille ville à la recherche du fameux jambon. Il faut croire que le jambon de Parme est une légende car nous en avons toujours pas trouvé ? Il faudra attendre le dîner à l’hôtel et prétexter un ennui gastrique pour se faire servir, en remplacement de la traditionnelle tranche de veau à la milanaise, deux tranches de jambon de Parme. Quel luxe !…

            Nous bouclons nos valises pour la dernière fois, et très tôt le matin nous reprenons la route. Vintimille, toujours aussi animée, est traversée en début d’après-midi. C’est autour de Nice quelques heures plus tard. Ça sent l’écurie quand nous empruntons l’autoroute. Trois heures plus tard les premières lumières d’Aix en Provence pointent dans le loin. L’aventure s’achève comme elle a commencé sur les trottoirs de la gare routière…

 

 

Andrée et Armand  

 


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le 06-09-2008 20:26

L'APPRENNTI ET L'ATELIER

 


 

            Au temps des bâtisseurs de cathédrale, les apprentis maçons taillaient leurs pierres brutes loin du sanctuaire à édifier, pour ne pas déranger les maîtres dans leur ouvrage par le bruit incessant du ciseau sur la pierre.

            Aujourd’hui dans la symbolique de la franc-maçonnerie, l’apprenti taille sa pierre brute, en compagnie de tout l’atelier, sans faire de bruit.

            Du bruit incessant de l’apprenti maçon au silence de l’apprenti franc-maçon, voila ici le principal parcours initiatique que j’ai entrepris en loge.

            Je ne peut m’empêcher de cité un passage du livre d’Edouard Plantagenêt, intitulé  « Causeries initiatiques Pour le travail en Loge d’apprentis » : Que dans le temple où règnent la Vérité et l’Amour ne retentissent jamais des paroles qui se pourraient indifféremment prononcer ici ou là. Si nous n’avions rien de plus à nous dire que ce qui se dit partout, il faudrait que nous soyons des enfants ou des fous pour nous réunir, revêtus d’insignes symboliques, respectueux du rituel et soumis à la loi, pour nous entretenir puérilement, en profanes, de choses profanes, comme nous le pourrions faire n’importe où.

            Daniel  Beresniak dans ses réflexions sur l’apprentissage maçonnique constate que l’homme ordinaire ne peut supporter : le silence, l’obscurité, l’immobilité, la solitude. Lorsque les circonstances le placent dans l’une, ou plusieurs de ces états, il les ressent comme une contrainte instinctivement, il cherche à en sortir et cet effort occupe toutes ses pensées. Si on l’interroge sur ce comportement, il admettra qu’il a peur. La peur c’est la souffrance du monde initié ; c’est le châtiment de celui qui refuse le travail sur lui-même.

            Le silence, l’obscurité, l’immobilité et la solitude évoque la mort. Ce sont les états du cadavre dans sa sépulture. L’homme ordinaire a peur de mourir et par conséquent il a peur de tout… et de tous. C’est pour cela que dans le rite initiatique la pédagogie commence par le traitement de la peur. L’usage consiste à faire du vacarme, avec des épées et les pieds, pendant que le néophyte, aveuglé par le bandeau, effectue son premier voyage et tombe de la planche à bascule. Il s’agit la aussi de stimuler sa peur. Car l’abolition de la peur est la première étape sur le chemin de l’éveil.

            Après les épreuves de l’initiation, l’apprenti subit un stage de silence pendant lequel il écoute, il regarde, et s’abstient de parler. Il ne vit pas, à ce niveau, l’état de silence puisqu’il entend. Mais lui, au milieu du groupe, est celui qui produit le silence. Il est émetteur de silence et apprend ainsi à lui donner une valeur positive.

            C’est pourquoi il est essentiel que la discipline de l’apprenti commence par le silence et par la méditation. Se taire devant les profanes est le premier devoir de l’apprenti. Se taire bien sûr mais pour quelles raisons ? Se taire d’abord, écouter ensuite, méditer enfin. Nous retrouvons là une des manifestations du nombre trois, premier symbole de l’apprenti. Ne dit on pas que l’apprenti à trois ans.

            SE TAIRE, d’abord : L’apprenti doit se taire au dehors devant les profanes pour éviter de dominer tous débats et imposer ainsi ses idées aux autres. Il pourrait par ce comportement d’intimidation donner une image sectaire de lui-même.

            L’apprenti doit se soumettre au silence, éviter tout excès de langage et « préférer avoir la gorge coupée plutôt que de révéler les secrets qui lui ont été confiés ».

            L’apprenti doit se soumettre au silence en Loge afin d’observer attentivement les gestes et paroles des anciens et être ainsi complètement et symboliquement versé dans le déroulement des travaux. Ce moment d’extrême concentration lui est demandé pour mûrir sa réflexion quant à la construction de son temple intérieur. Ne dit-on pas à juste titre que l’apprenti parle deux fois, une première fois pendant les impressions d’initiation et une seconde fois pendant la lecture du travail pour augmentation de salaire ? Encore que dans notre atelier, le vénérable Maître, donne aux apprentis le privilège de s’exprimer plusieurs fois en plus. En dehors de ces moments l’apprenti doit se taire et écouter ensuite.

            ECOUTER, ensuite : Ecouter l’autre sans lui couper la parole, sans faire usage de la sienne n’est-il pas un exercice difficile et douloureux ? Difficile certes car il s’agit de dominer son Ego. Douloureux, certainement pas car notre rituel enseigne à l’apprenti à « vaincre ses passions, soumettre sa volonté » et ainsi « faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie ».

            Ecouter l’autre, c’est le respecter, c’est reconnaître son existence. En Loge tous les symboles notamment les Trois Grandes Lumières se mettent à murmurer. Ces murmures n’indiquent t-ils pas quelques messages mystérieux pour découvrir la deuxième clé après celle qui a été transmise par le Maître de la Loge au récipiendaire lors de son initiation ? Sans aucun doute, l’apprenti doit se mettre dans un état de concentration optimale pour recevoir. D’ailleurs s’il « ne sait ni lire ni écrire » il sait par contre écouter afin de déchiffrer le message. En réponse à une question du Maître de la Loge, à propos du mot sacré, il demande : « donnez moi la première lettre et je vous donnerais la seconde ». ce-ci afin de recevoir la troisième clé pour trouver la quatrième et ainsi de suite être initié pleinement aux mystères de la Franc-Maçonnerie.

            Mais n’y a-t-il pas une différence fondamentale entre écouter et entendre ? L’apprenti, comme tout homme ou femme pourvu de l’usage de l’ouïe, a la faculté d’entendre dans le brouhaha du dehors. Par contre il ne peut écouter qu’en se plaçant dans le silence absolu en recherchant ce vide sacré, propice à la méditation.

            MEDITER, enfin : La méditation débute dans le cabinet de réflexion pour le postulant qui aspire à l’honneur de devenir apprenti. Cette chambre, obscure, éclairée tout de même par un seul « flambeau », véritable trésor de symboles funèbres est un mélange de froidure et d’extrême chaleur. Certains symboles tels que le squelette semble murmurer au postulant la réponse à l’énigme posée par les lettres « VITRIOL » visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. D’autres semblent lui dire : « Vigilance et Persévérance ».D’autres encore le mettent en garde : « si vous êtes ici pour satisfaire une simple curiosité allez vous-en ! ». Si par contre vous cherchez la vérité, profitez du silence régnant, méditez et écrivez votre testament spirituel et philosophique.

            Plus tard en Loge, l’apprenti comme cela a été dit, observe en silence les gestes et paroles des anciens afin de les méditer. D’ailleurs l’apprenti ne continue-t-il pas à méditer en silence cette sentence du Maître de la loge « Le maçon n’est pas le plus important. Ce qui importe c’est le message que nous avons à transmettre et si nous ne savons pas toujours pourquoi, un jour, des hommes sauront le déchiffrer ». Et la circulation du Maître de Cérémonie, qu’en fait l’apprenti ? Il la médite.

            Au dehors, l’apprenti poursuit sans relâche le travail. Il écoute en silence les paroles des autres et en les méditant il rectifie ses propres pensées. Là est la tolérance et donc la fraternité.

            Le silence que l’on impose à l’apprenti est une épreuve qui lui permettra de répondre le plus justement possible aux questions qui pourraient lui être posées dans sa vie profane. Le silence est aussi une preuve d’humilité.

            En silence le récipiendaire reçoit la Lumière. En silence et par le travail l’apprenti accède progressivement à la connaissance et à la vertu qui mènent au Grand Architecte de l’Univers.

            Apprendre à écouter, retenir l’envie d’intervenir, seule une Ecole initiatique propose ce programme, surtout si celui-ci est associé à l’introspection, au retour sur soi-même. Et comme le dit si justement Daniel Beresniak « On remarque, dans la vie profane, l’homme qui a été à cette école. Dans un groupe pris dans une discussion animée, il arrive qu’un membre de ce groupe reste un peu en retrait, laisse s’exprimer les autres, écoute, n’interrompt personne, ne manifeste aucune impatience, attend le moment opportun pour s’exprimer à son tour, le fait calmement et son discours tient compte de ce qui a été dit, élève le débat et propose une synthèse. Cet homme là est très probablement un Franc-Maçon ».

 

 

Jakin

 


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le 06-09-2008 07:27

QUE CE PARFUM DE SUAVE ODEUR !



            Mais mon frère ! Je suis là pour t’aider ! Car tout est symbole dans le temple et, tout devient symbole dans l’accomplissement de son travail de bâtisseur.

            Le vénérable maître vient de transmettre la lumière sur les piliers de la sagesse, de la force et de la beauté. Il est maintenant devant le Naos, dos à l’Orient, et met l’encens dans le brûle-parfum en prononçant ces paroles : « Que ce parfum de suave odeur apaise nos âmes, atténue nos passions, et qu’il nous rende fraternels les uns pour les autres en élevant nos esprits et nos cœurs ».

          Ici aussi tout est symbole ! Le parfum de l’encens allumé qui purifie l’atmosphère crée aussitôt une frontière invisible avec le monde profane, et nous franchissons un pas vers le mystère du monde sacré. Car le Vénérable Maître accompli un acte sacré, appelle à l’unisson les attitudes intérieures des Sœurs et des Frères présents. Il crée l’alchimie indispensable à la réussite de cet acte et par son évocation sollicite une force nouvelle nécessaire à la qualité de nos travaux, et à notre élévation spirituelle. Oui « Ce parfum d’une suave odeur » sollicite la mise en œuvre de nos forces vives profondes, éveille nos perceptions sensitives, notre désir latent de Lumière et de Communication avec le Maître de tous les mondes.

            Ici nos paroles ne partent pas en fumée, mais sont portées par la fumée vers la sphère Céleste. Cette fumée va sceller alliance et fraternité, centrer nos énergies et notre volonté, diriger nos pensées de l’horizontale à la verticale. Par ses volutes, elle nous fait changer de plan, donne un sens à la trajectoire de notre vie et nous fait remonter aux origines.

             Oui, mais voilà, quand le symbolisme ne marche pas, et lors d’une tenue, l’encens n’a pas brûlé, alors les colonnes du temple se sont mises à trembler dans une cacophonie digne d’une assemblée de profane. Tout un chacun à repris ses métaux et même croisé le fer. L’alchimie s’est évaporée dans un courant d’air provoqué par la parole irréfléchie. Nous avions tous oubliés que nous étions là pour nous construire avec les autres frères et sœurs.

            Sur la colonne du Nord, nous les apprentis, avons craint la chute des pierres, nous nous sommes retrouvées immédiatement dans le monde de dehors, celui que nous avions quitté quelques minutes auparavant, sans comprendre cette rupture.

        Alors pour ceux qui voient dans le symbolisme qu’une façon de discourir, réfléchissons sur cet événement.

            Pour nous apprentis, nous serons plus attentifs à la préparation du temple pour que le brûle-parfum soit aussi chaud que notre cœur, et brûle l’encens pour que l’alchimie se réalise.

            L’encens nous indique la voie des possibles jusqu’à la révélation finale d’une vérité première. En entrant dans le symbole on entre dans le rite. « Le rite pose la transcendance du sacré pour préparer la sacralisation de la condition humaine » écrit Cazeneuve, j’ajouterai pour essayer de la sauver et de la sauvegarder. « Qu’ils nous rendent fraternels les uns pour les autres en élevant nos esprits et nos cœurs » pour la symbolique du symbole.
 
 
Jakin 
 


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